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Parlement

Menace d'une nouvelle dissolution, scepticisme des macronistes... Pourquoi les bancs de l'Assemblée étaient clairsemés pour les motions de censure

Sébastien Lecornu à l'Assemblée nationale le 16 octobre 2025

Sébastien Lecornu à l'Assemblée nationale le 16 octobre 2025 - MARTIN NODA / HANS LUCAS / HANS LUCAS VIA AFP

Les députés n'ont pas accouru ce jeudi pour assister à l'examen des motions de censure pour faire tomber Sébastien Lecornu. Dans le camp présidentiel, l'heure n'est pas vraiment à l'enthousiasme pour soutenir le Premier ministre. D'autres préfèrent labourer le terrain en prévision d'hypothétiques nouvelles législatives.

Un épilogue ou au moins une pause dans la crise politique qui n'a pas passionné la majorité des députés. L'hémicycle était loin d'être plein ce jeudi matin pour le vote des motions de censure LFI et RN contre le gouvernement de Sébastien Lecornu. Elles n'ont finalement pas été adoptées, à 18 voix près pour celle soutenue par les insoumis.

Très loin donc du mois de septembre et du vote de confiance pour François Bayrou qui avait fait salle comble en finissant par renverser le Premier ministre d'alors.

"Je ne vois pas l'intérêt de faire la claque"

Première raison avancée pour expliquer ce manque de mobilisation: les modalités de la motion de censure. Il n'est pas possible de voter contre une motion de censure. Soit les députés la soutiennent et donc votent "pour" soit ils s'y opposent et ne sont pas amenés à se prononcer.

Concrètement, les députés qui ne souhaitaient pas faire tomber le Premier ministre n'avaient donc guère d'intérêt à se rendre en séance. Parmi ceux-ci, on trouve notamment des socialistes qui ont renoncé à le censurer depuis l'annonce de la suspension de la réforme des retraites, l'immense majorité des élus LR et bon nombre de députés macronistes.

"On sait qu'il ne va pas tomber aujourd'hui. Je ne vois pas bien l'intérêt d'aller à l'Assemblée pour faire la claque et entendre des discours à la tribune sans beaucoup d'intérêt", assume un député macroniste.

"Un bloc central assez vide"

L'absence de nombreux parlementaires Renaissance, pourtant issus du camp de Sébastien Lecornu, a valeur de symbole. Toute une partie des macronistes dans l'hémicycle digèrent mal la suspension de la réforme des retraites annoncée par le Premier ministre ce mardi lors de sa déclaration de politique générale.

Plusieurs élus macronistes ont déjà fait leur réticence sur le sujet, à l'instar de Maud Bregeon, redevenue porte-parole du gouvernement, le député Éric Woerth ou encore son collègue Charles Rodwell.

À droite qui a toujours des ministres LR au gouvernement en dépit des demandes de Bruno Retailleau de ne pas y participer, on n'est pas plus allant sur la suspension de l'âge de départ et le gel l'augmentation du nombre de trimestres requis. Au point que seul un député de droite était présent lors du discours de certains chefs de groupe à la tribune. Pierre Cordier, qui a voté la motion de censure déposée par les troupes de Marine Le Pen, a ainsi été le seul à écouter le discours d'Éric Ciotti, président des élus Union des droites.

"On a un bloc central qui est vide, c'est assez symbolique quand même", observe de son côté le député Alexis Corbière.

Le socle commun en service minimum

De quoi laisser peut-être augurer de débats budgétaires qui ressembleraient farouchement à ceux de l'an dernier. Faute de mobilisation parmi les députés Renaissance et LR, la gauche avait réussi à faire passer des amendements très symboliques comme la taxe sur les super-dividendes pour les entreprises aux profits XXL ou la pérennisation de la taxe sur les très hauts revenus.

"L'an dernier, c'était différent. Tout le monde savait que ça finirait au 49.3 et que le gouvernement reprendrait ce qu'il voulait. Là, on n'aura pas cette option. Il va falloir mouiller le maillot", s'inquiète un député du bloc central.

"Ça aurait été bien de montrer un peu qu'on était là ce jeudi. C'est important aussi de montrer qu'on soutient Sébastien Lecornu qui a gagné une bataille avec le PS mais pas la guerre", insiste encore cet élu.

La tête tournée vers une hypothétique dissolution

Le soutien du bloc central va d'autant plus compter ces prochaines semaines que les socialistes n'ont pas fait semblant à la tribune. "Si à la fin" le budget voté "ne convient pas" aux socialistes, nous gardons "notre entière liberté de censurer et ne pas voter le budget", a expliqué l'orateur socialiste à la tribune ce jeudi Laurent Baumel.

"Vous comprenez qu'on a tous la tête ailleurs en entendant ça", résume, lapidaire, un député LR.

Traduction: les députés absents assument d'autant plus que de nouvelles élections législatives sont dans toutes les têtes. Emmanuel Macron n'a pas fait semblant mardi pour le premier Conseil des ministres. Le chef de l'État a ainsi estimé que les motions de censure étaient "des motions de dissolution".

En cas de chute de Sébastien Lecornu, le président ne renommerait donc pas un nouveau Premier ministre mais appuierait à nouveau sur le bouton de la dissolution. Le message pousse clairement les députés à labourer le terrain plutôt qu'être à l'Assemblée nationale.

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L'atmosphère de ce jeudi va-t-elle donner le ton des prochaines semaines? On aura déjà un indice dès lundi lorsque la commission des Finances va s'emparer du projet de budget de l'État. Le socle commun ou ce qu'il en reste sera-t-il présent en nombre ou la gauche se surmobilisera-t-elle? La température devrait encore monter d'un cran en fin de semaine prochaine quand l'hémicycle commencera à en débattre.

Marie-Pierre Bourgeois