BFMTV
Renaissance

"Lucidité" ou "facilité"? Les macronistes divisés sur la suspension de la réforme des retraites

Le Premier ministre Sébastien Lecornu le 14 octobre 2025 à Matignon

Le Premier ministre Sébastien Lecornu le 14 octobre 2025 à Matignon - STEPHANE MAHE / POOL / AFP

Des macronistes regrettent le geste de Sébastien Lecornu envers les socialistes, considérant que cette concession est trop coûteuse. A l'inverse, d'autres soulignent que le Premier ministre est conscient du "rapport de force politique".

Certains estiment que le geste était nécessaire, d'autres considèrent que le prix de cette concession est trop élevé. Sébastien Lecornu a divisé son camp en proposant ce mardi 14 octobre lors de sa déclaration de politique générale de suspendre la réforme des retraites jusqu'au 1er janvier 2028.

Cette décision, si elle permettra au Premier ministre d'éviter la censure du Parti socialiste avant l'examen du budget, revient à s'attaquer à la loi emblématique du second quinquennat d'Emmanuel Macron.

Une "grosse erreur", d'après Olivier Dussopt

Le sujet est d'autant plus sensible pour les membres du camp présidentiel qu'ils ont défendu le passage progressif à la retraite à 64 ans, nécessaire à leurs yeux pour équilibrer notre système par répartition, au prix d'une adoption dans la douleur du 49.3 et d'une contestation sociale massive.

Beaucoup avaient mouillé la chemise dans un hémicycle bouillant. Parmi eux, Élisabeth Borne et Olivier Dussopt, respectivement cheffe du gouvernement et ministre du Travail lors des débats. Le duo illustre à lui seul le sentiment partagé au sein de la macronie. L'une s'est montrée favorable dès la semaine dernière à une suspension, jugeant auprès du Parisien que "dans le contexte actuel, pour avancer, il faut savoir écouter et bouger".

L'autre a qualifié ce mardi, dans le même journal, la proposition de Sébastien Lecornu de "grosse erreur". Olivier Dussopt, qui ne s'était pas représenté dans sa circonscription en Ardèche aux dernières élections législatives, considère ainsi "qu'un compromis politique ne peut pas se construire sur un déni comptable et sur le dos des générations qui viennent."

"Personne ne peut dire que le président est un forcené"

Contacté par BFMTV, un macroniste historique est sur la même ligne. "Reculer sur la seule réforme structurelle est une facilité qui se paiera dans le temps", prédit-il. "Ça sent mauvais pour les finances publiques", estime aussi notre interlocuteur qui s'inquiète "d'autres reculs ou concessions."

Car, en plus de proposer la suspension de la réforme des retraites, Sébastien Lecornu a confirmé qu'il n'utiliserait pas l'article 49.3 - permettant d'adopter un texte sans vote des députés - au cours de l'examen du budget, ce qui pourrait permettre aux oppositions de modifier la copie budgétaire.

Pour autant, un autre macroniste historique se félicite de la suspension décidée par le Premier ministre. "Personne ne peut plus dire que le président de la République est un forcené qui n’écoute pas, et qui ne revient sur rien. Peu le croyaient, mais Il a vraiment laissé le Premier ministre libre et responsable", salue-t-il, ajoutant:

"Ça ne change pas le fond de ce que pense le président de la République qui a pris le risque de dire ‘je propose la retraite à 65 ans dans son programme en 2022’. Mais c’est une lucidité sur un rapport de force politique et une demande sociale."

Fort de cette concession, Sébastien Lecornu devrait passer l'épreuve des motions de censure du Rassemblement national et de La France insoumise, qui seront examinées ce jeudi à l'Assemblée nationale. Un répit bienvenu pour le chef du gouvernement, mais de courte durée tant l'épreuve du budget s'annonce elle aussi à haut risque.

Léopold Audebert avec Baptiste Farge