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"Sauf à accepter que le système s'effondre": Olivier Dussopt qui avait fait la réforme des retraites s'affole de la voir suspendue

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L'ancien ministre du Travail et de l'Emploi Olivier Dussopt s'est exprimé dans une boucle Whatsapp, alertant contre les conséquences financières qui seraient causées par une suspension de la réforme des retraites qu'il a lui-même, et non sans peine, défendue devant le Parlement en 2023.

Voilà un ancien artisan de la réforme des retraites qui sort du silence pour défendre le texte qu'il avait porté. Dans une boucle Whatsapp rassemblant des anciens députés de 2017, l'ancien ministre du Travail et de l'emploi Olivier Dussopt a alerté contre les conséquences financières de la suspension, évoquée comme un moyen, pour le Premier ministre démissionnaire Sébastien Lecornu, de trouver un compromis politique et de débloquer le pays.

Cette suspension de la réforme des retraites a étonamment été suggérée par Élisabeth Borne, qui, alors Première ministre à l'époque, avait fait usage de l'article 49-3 de la Constitution pour faire passer en force le texte.

"Suspendre à 62 ans et 9 mois coûterait plus de 3 milliards dès 2026 dans un contexte où la seule stabilisation du déficit à 5,4% (donc loin des 4,6 annoncés par François Bayrou ou 4,7 de Sébastien Lecornu) nécessite un effort de 21 milliards", a écrit Olivier Dussopt sur l'application de messagerie sécurisée.

"13 à 15 milliards par an en 2035"

Pire, "à terme ça coûterait 13 à 15 milliards par an en 2035" selon l'ancien ministre du Travail et de l'emploi. Un coût pour les finances publiques qu'il faut "ajouter au déficit prévisionnel de 15 milliards selon la Cour (des Comptes, NDLR)", détaille-t-il.

Qui plus est, si un compromis est trouvé avec la gauche en se basant sur la suspension de la réforme des retraites, Olivier Dussopt craint que celle-ci ne soit que partielle.

"J'imagine bien sûr que la suspension concernerait l'âge mais pas la revalorisation des petites pensions, l'amélioration des carrières longues, la création du fonds de prévention de la pénibilité, la suppression des effets négatifs du congé parental  sur les retraites publiques, etc...", suppose-t-il.

Ainsi, "on maintiendrait les dépenses nouvelles (1/3 du rendement de la réforme) mais on se passerait des mesures de recettes", cingle-t-il.

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Les données présentées par l'ancien ministre diffèrent cependant des chiffrages de Bercy. Confirmant qu'il évalue le coût de la modification de la réforme des retraites, le ministre démissionnaire de l'Économie et des Finances Roland Lescure a déjà donné des ordres de grandeur: le manque à gagner pour les caisses de l'État se chiffrerait à "des centaines de millions en 2026 et des milliards en 2027". Plus précisément, les équipes du ministère ont estimé que la suspension de la réforme coûterait 500 millions d'euros en 2026, puis 3 milliards en 2027.

"Tout le monde aimerait la retraite à 62, 60 et même 55 ans mais il y a aussi une réalité. Parfois cruelle, quand vous avez plus de personnes qui ont 60 ans dans l'année que de personnes qui ont 18 ans. Ça s'appelle un effet ciseau appliqué à la démographie", insiste Olivier Dussopt".

"Je ne crois pas qu'un compromis se construise sur un déni comptable, économique et démographique. Sauf à accepter que le système s'effondre", conclut l'ancien ministre.

Caroline Robin