Réforme des retraites: pourquoi les socialistes attendent de Sébastien Lecornu une "suspension" à la fois "immédiate" et "complète"

Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, accompagné du chef des députés PS, Boris Vallaud, à l'Élysée le 10 octobre 2025 - MAGALI COHEN / HANS LUCAS / HANS LUCAS VIA AFP
Les socialistes ne se souviennent que trop bien de la déclaration de politique générale de François Bayrou et des jours qui ont suivi. D'abord, l'annonce de la remise "en chantier" de la réforme des retraites via un "conclave" entre les partenaires sociaux. Puis, deux jours plus tard, ce courrier de l'ancien Premier ministre, parfois flou, par lequel ils pensaient avoir obtenu la garantie d'un débat au Parlement sur le report de l'âge légal de départ à 64 ans...
Finalement non-entendus, après avoir pourtant évité au patron du Modem d'être renversé sur le budget, les élus roses seront d'autant plus prudents ce mardi 14 octobre. Cette fois, il s'agira d'écouter Sébastien Lecornu prononcer sa déclaration de politique générale à l'Assemblée nationale à partir de 15h.
Les députés du Parti socialiste, qui joueront une nouvelle fois un rôle déterminant sur la censure ou non du chef du gouvernement, veulent entendre cette expression: "suspension immédiate et complète de la réforme des retraites". Une formule suffisamment spécifique pour éviter de se faire flouer. Car, engager une simple "suspension" peut impliquer plusieurs scénarios différents.
Quelle suspension pour l'âge légal...
En indiquant que celle-ci doit être "immédiate", les socialistes proposent d'arrêter l'application progressive de la loi. Celle-ci, mise en place en avril 2023, prévoit un report de l'âge légal de départ à la retraite de trois mois chaque génération, pour atteindre les 64 ans en 2030.
Actuellement, l'âge légal de départ est donc de 62 ans et neuf mois pour la génération née en 1963. Celle-ci pourrait partir dès octobre 2026 plutôt que d'attendre janvier 2027 si la réforme des retraites était suspendue directement. En revanche, si la suspension attendait l'âge de 63 ans, cela n'aurait pas d'incidence avant 2028 pour les futurs retraites.
D'où l'importance pour les socialistes d'agir sans attendre. En ce sens, il refusent également la proposition faite par Emmanuel Macron: celle de décaler la mise en oeuvre de la réforme des retraites, plutôt que de la suspendre. Le président a suggéré d'en rester jusqu'aux 62 ans et neuf mois jusqu'à la présidentielle de 2027. Ce qui impliquait que la réforme reprenne son rythme après cette échéance.
...Et pour l'accélération de l'allongement de la durée de cotisation
Au-delà de la seule suspension de la réforme, le PS demande qu'elle soit "complète", cherchant là aussi à éviter certains scénarios. Exemple: que l'arrêt de la réforme s'applique seulement au report de l'âge légal de départ, sans concerner la durée de cotisation nécessaire pour partir à la retraite avec un taux plein.
Impossible aux yeux des socialistes, pour la simple raison que le texte de 2023 agit directement sur ce paramètre. Il instaure un rythme plus rapide que la réforme Touraine, promulguée en 2014 sous François Hollande, pour atteindre une durée de cotisation de 42 à 43 ans dès 2027 et non en 2035, comme prévu initialement.
Suspendre l'accélération de la durée de cotisation, reviendrait à laisser celle-ci à 42 ans et six mois. En appliquant seulement la réforme Touraine, il faudrait ensuite attendre 10 ans avant que 43 annuités ne soient nécessaires, à partir de la génération née en 1973.