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Conclusions de la commission d'enquête Bétharram: seul le rapporteur insoumis Paul Vannier juge que François Bayrou a "menti"

François Bayrou à l'Assemblée nationale le 1er juillet 2025

François Bayrou à l'Assemblée nationale le 1er juillet 2025 - Xose Bouzas / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP)

Le député LFI Paul Vannier est le seul à accuser le Premier ministre d'avoir "menti" devant la commission d'enquête sur l'affaire Bétharram. Mais le rapport rendu par les députés ce jeudi pointe du doigt "un défaut d'action" de François Bayrou sur les violences sexuelles à l'école et reconnaît qu'il a "fait évoluer sa version" lorsqu'il était "sous serment" à l'Assemblée.

Toujours pas d'épilogue. Après 4 mois d'auditions de la commission d'enquête sur les violences dans le cadre scolaire et notamment le dossier de Notre-Dame-de Bétharram, les députés ont rendu leur rapport signé par la présidente de la commission des Affaires culturelles la socialiste Fatiha Keloua Hachi, et les co-rapporteurs Violette Spillebout (Renaissance) et Paul Vannier (France insoumise).

Tous trois partagent des dizaines de préconisations pour mieux protéger les élèves et pointent du doigt "la responsabilité de l'État" dans l'absence de lutte contre les violences sexuelles dans les établissements scolaires.

Des conclusions très sévères

Le rapport dénonce notament "l'omerta des adultes", souvent "incapables d'entendre et d'écouter les enfants", même quand ils s'expriment sur des cas d'agressions sexuelles ainsi que sur les contrôles "quasi-inexistants", notamment dans les écoles privés.

Le Premier ministre a été entendu pendant plusieurs heures par les députés le 14 mai dernier. Ce rendez-vous était particulièrement attendu. Son épouse a enseigné le catéchisme à Notre-Dame-de-Bétharram et plusieurs de ses enfants ont été scolarisés dans cet établissement catholique situé près de sa ville de Pau. L'une de ses filles, Hélène Perlant, a assuré elle-même avoir été victimes de violences au sein de l'école.

Pour Paul Vannier, François Bayrou a "menti"

Sur un rapport de 600 pages, un seul paragraphe n'est signé que d'un seul nom, Paul Vannier, et c'est celui qui porte sur la responsabilité de François Bayrou.

"Lors de cette audition, le Premier ministre a révélé avoir préalablement menti à la représentation nationale en niant toute information au sujet de ces violences", peut-on y lire.

"Ce mensonge pouvait viser à dissimuler l’inaction de l’ancien ministre de l’Éducation nationale (1993-1997), ancien président du conseil départemental (1992-2001), alors qu’il était informé de faits de violences physiques dès 1996 et de faits de violences sexuelles dès 1998", juge encore Paul Vannier dans le rapport.

Le rapport évoque "l'évolution de la version" du Premier ministre

François Bayrou a d'abord nié avoir été au courant des faits de violences sexuelles commis à Bétharram, lors d'interpellations de députés dont Paul Vannier lors des questions d'actualité au gouvernement.

"François Bayrou a fait évoluer sa version pour finalement reconnaître sous serment avoir été informé, dès les années 1990, 'par la presse' des violences à Bétharram", souligne d'ailleurs bien le rapport dans un paragraphe signé par les deux co-rapporteurs.

Et pour cause: une enseignante, Françoise Gullung, professeure de mathématiques, a mis en cause le centriste sur TF1 puis sur BFMTV avant de confirmer ses déclarations sous serment devant la commission d'enquête.

François Gullung a assuré que l'épouse du président du Modem était au courant du climat de violences dans l'établissement et qu'elle avait tenté de prévenir à plusieurs reprises François Bayrou dans les années 90, une fois par courrier dont elle n'a pas gardé trace et à une autre reprise lors d'une cérémonie de remise de décoration. Devant la commission d'enquête, François Bayrou l'avait accusé "d'affabuler", mettant en doute ses souvenirs.

La méthode avait profondément agacé la commission d'enquête, sans convaincre. Mais pas question manifestement pour la présidente socialiste Fatiha Keloua Hachi et la co-rapporteure Violette Spillebout d'aller jusqu'à accuser François Bayrou de mensonge.

Pas de saisie de la justice

Et pour cause: mentir sous serment devant une commission d'enquête peut être qualifié de faux témoignage. Il est en principe puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75.000 euros d’amende. Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, la constitution du délit de faux témoignage suppose l’affirmation d’un fait inexact, la négation d’un fait véritable ou une omission volontaire.

Une telle affirmation signée des 3 principales figures de la commission aurait tourné à la tempête politique pour le Premier ministre - une direction qu'elles n'ont donc pas toutes souhaité prendre.

Dans le paragraphe signé par Paul Vannier, le député revient également sur l'audition du juge Mirande. Le Premier ministre a toujours nié avoir eu une quelconque influence sur la procédure judiciaire, faute d'avoir été au courant des faits reprochés.

Des doutes sur l'éventuelle intervention de Bayrou auprès d'un juge

Mais Christian Mirande, l'ancien juge d'instruction en charge du dossier, a affirmé devant la commission d'enquête avoir rencontré de façon privée François Bayrou en 1998 pour évoquer le sujet. À l'époque, l'ancien directeur de l'institution catholique du Béarn, le père Carricart, est accusé de viol par un ancien élève, le premier à avoir dénoncé de tels faits.

Cette visite a été niée dans un premier temps par François Bayrou. Sa propre fille Hélène Perlant a ensuite assuré auprès de Médiapart puis de BFMTV que son père avait bien rencontré le juge Mirande.

Devant la commission d'enquête, le Premier ministre a finalement expliqué "n'avoir aucun souvenir de tout ça". "Encore aujourd’hui, je n’ai aucun souvenir. Mais je fais confiance à Christian Mirande qui dit qu’on s’est rencontrés chez lui", a-t-il affirmé, en évoquant une fréquentation "amicale" avec le juge, l'un de ses voisins.

"Une connaissance" des faits à Béthramam "établie"

De telles affirmations poussent donc Paul Vannier à affirmer que François Bayrou a bien "menti devant la représentation nationale".

"Sa connaissance" des faits est "établie (...) par sa visite au domicile du juge d’instruction Mirande, en 1998, après la mise en examen du directeur Carricart pour viol sur mineurs, expressément pour l’interroger sur ce sujet", peut-on lire dans le paragraphe signé par Paul Vannier.

Manque "d'actions" de François Bayrou

Si la co-rapporteure Violette Spillebout n'a pas choisi de suivre son collègue insoumis, elle ne manque pas de pointer les responsabilités du Premier ministre.

"À défaut d'action" que François Bayrou avait "les moyens d'engager", alors qu'il était "informé" quand il était ministre de l'Éducation nationale et président du Conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques, ces violences "ont perduré pendant des années", écrivent conjointement les auteurs du rapport.

Le parquet de Pau enquête actuellement sur près de 200 plaintes, dont certaines ont été déposés pour des faits qui remontent jusqu'au milieu des années 2010.

"Tristesse" de la présidente de la commission d'enquête

Le Premier ministre s'est félicité que la commission d'enquête ait "refusé de suivre" Paul Vannier "qui souhaitait le remettre en cause", a expliqué l'entourage du Premier ministre à BFMTV.

La commission d'enquête ne devrait pas poursuivre François Bayrou devant la justice, comme l'a expliqué la présidente de la commission Fatiha Keloua-Hachi.

La socialiste a cependant jugé "triste" que les violences sur les enfants soient "encore légitimé par certains, et parmi eux François Bayrou lors de son audition". Le Premier ministre avait ainsi jugé que les claques faites à des enfants pouvaient être des "gestes éducatifs".

Marie-Pierre Bourgeois