Bétharram: devant les députés, les victimes appellent à ouvrir "le #Metoo de l'enseignement catholique"

Des témoignages glaçants. Huit représentants d'associations de victimes de violences et d'agressions sexuelles ont été entendus ce jeudi par les députés membres de la commission d'enquête sur les violences à l'école, créée dans le sillage de l'affaire Notre-Dame-de-Bétharram.
"Aujourd'hui, c'est le #Metoo de l'enseignement catholique. Les gens se rendent compte que ce qui est arrivé n'aurait dû jamais leur arriver", a jugé Constance Bertrand, représentante des victimes de Saint-Dominique de Neuilly (Hauts-de-Seine).
Des dizaines de plaintes pour Bétharram
"Ne croyez pas que c'est fini, que les auteurs ont été mis hors d'état de nuire. Il y a encore des auteurs de violences qui sont dans les établissements", a encore insisté la jeune femme, seule à avoir accepté de témoigner à découvert des violences vécues dans cet établissement dans les années 90.
La commission des Affaires culturelles et de l'Éducation de l'Assemblée nationale s'est dotée fin février des pouvoirs d'une commission d'enquête pour se pencher durant six mois sur "les modalités du contrôle par l'État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires", privés et publics.
Le périmètre concerne l'ensemble des établissements scolaires, notamment les établissements privés sous contrat comme Notre-Dame-de-Bétharram, au cœur d'un scandale de violences et viols s'étalant sur plusieurs décennies. Le parquet de Pau enquête sur près de 180 plaintes.
"Enfermées dans des douches, frappées à coup de ceinturon"
Parmi les faits évoqués au sein de cet établissement scolaire qui a accueilli plusieurs des enfants de François Bayrou et pour lequel sa femme a donné des cours de catéchisme, on trouve des masturbations et de fellations imposées ou subies, des châtiments corporels ou encore des menaces et des humiliations de la part de professeurs ou de surveillants.
Des représentants de victimes d'autres établissements catholiques ont rapporté devant les députés ce jeudi des faits proches, à l'instar d'Ixchel Delaporte, représente du collectif des victimes du pensionnat de Riaumont à Liévin (Pas-de-Calais)
"Le père Revet (le fondateur de l'établissement NDLR) assumait d'embrasser les enfants sur la bouche, de les enfermer au pain sec et à l'eau pendant cinq jours, nus, dans des douches, frappés à coup de ceinturon", a-t-elle expliqué, manifestement émue.
"Tout ça vous détruit pour la vie entière"
Des jeunes filles "fuguaient". "Mais pendant toute la nuit avec les bergers allemands, on allait dans tous les bosquets, dans tous les jardins pour voir si elles n'étaient pas montées en haut d'un arbre pour se cacher", a raconté de son côté Eveline Le Bris, la présidente de l'association des Filles du Bon Pasteur à Angers, avant d'évoquer le cas d'une jeune fille qui est tombée sur le sol qui a été attaquée "par les chiens".
"Les bonnes sœurs n'avaient rien de bon, elles nous martyrisaient. Quand des filles fuguaient, on les tondait quand elles revenaient. Elles étaient enfermées au mitard", a-t-elle ensuite expliqué. "Tout ça vous détruit pour la vie entière".
Cette première journée d'audition a également permis d'entendre Alain Esquerre, le porte-parole du collectif des victimes de violences au sein de l'établissement Notre-Dame-de-Bétharram. Il a été le premier à parler en créant en octobre 2023 un groupe d'anciens élèves victimes de l'établissement catholique privé béarnais.
"Je reçois tous les jours des témoignages bouleversants", a-t-il expliqué sur le plateau de BFMTV avant de se rendre à l'Assemblée nationale.
"Cet établissement a un tel ADN de violences dans cet établissement qu'on ne peut pas faire autrement que de devenir violent quand on a des responsabilités éducatives là-bas", accusant l'institution de "fabriquer des pervers".
Lundi, Bétharram a été contrôlée sur demande de la ministre de l'Éducation nationale Élisabeth Borne pour la première fois depuis 30 ans.
Bayrou bientôt auditionné
Cette inspection intervient dans le cadre d'un plan national de contrôle des établissements catholiques sous contrat, dont la Cour des comptes avait dénoncé dans un rapport l'insuffisance en 2023 et que le ministère de l'Éducation nationale veut renforcer.
François Bayrou a affirmé dimanche sur France inter qu'il répondrait aux questions de la commission d'enquête "s'il a une convocation officielle". Toute personne convoquée par une commission d'enquête est tenue de s'y rendre. Dans le cas contraire, elle est passible de 2 ans d'emprisonnement de 7.500 euros d'amende.
Le Premier ministre tout comme Élisabeth Borne devraient être entendus début mai. Le rapport de la commission d'enquête est prévue fin juin.