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Un match de l'ombre entre Édouard Philippe et Gabriel Attal derrière le duel Michel Barnier-Rachida Dati

Édouard Philippe et Gabriel Attal le 7 mai 2024 à Paris

Édouard Philippe et Gabriel Attal le 7 mai 2024 à Paris - THOMAS SAMSON / AFP

Le bras de fer entre la ministre de la Culture et l'ancien locataire de Matignon pousse Horizons et Renaissance à sortir du bois dans une lutte intestine aux Républicains. Pour tenter de peser sur le cours de l'élection, Édouard Philippe et Gabriel Attal pourraient pousser des proches à devenir leurs suppléants avec en ligne de mire les municipales à Paris en mars prochain.

Un match de poids lourds que certains sont bien décidés à ne pas seulement regarder à distance. À quelques semaines de l'organisation d'une législative partielle à Paris, qui doit opposer sur le papier Michel Barnier et Rachida Dati, Gabriel Attal et Édouard Philippe suivent le dossier de très près.

Si ni l'un ni l'autre n'a vraiment eu son mot à dire sur les candidatures de l'ex-Premier ministre et de l'actuelle ministre de la Culture, pourtant tous deux issus du socle commun, ils ne comptent pas totalement laisser passer les trains pour la 2e circonscription de Paris, et des alliances pourraient rapidement se nouer.

Coup de main à Michel Barnier

Au menu d'une partie de leur mois d'août: la question des suppléants. Horizons pourrait dégainer auprès de Michel Barnier la carte Florence Berthout. La maire du 5e arrondissement coche beaucoup de cases, à commencer par son implantation dans ce territoire qui couvre une partie de cette circonscription depuis plus de 10 ans.

Pour gagner, Michel Barnier qui n'avait jusqu'à présent eu de cesse de se revendiquer de son ancrage en Savoie, doit parvenir à convaincre les électeurs de ce territoire qui recouvre également les très chics 6e et 7e arrondissements de Paris.

"Le 6e est tenu par un proche de Rachida Dati (le maire Jean-François Lecoq, NDLR) et le 7e est dirigé par elle. Donc l'objectif, ça va être vraiment de convaincre les habitants du 5e. Et pour ça, Florence Berthout est idéale", reconnaît un membre d'Horizons, membre de la commission nationale d'investiture auprès de BFMTV.

Pour l'instant, cependant, rien n'est officiel. La dernière réunion de cette commission s'est tenue mi-juillet, au moment où Michel Barnier n'était pas encore investi par Les Républicains.

"Pagaille"

Côté Renaissance, on est bien décidé à jouer aussi la carte de l'alliance, mais avec Rachida Dati. Et pour cause: jusqu'en 2024, la circonscription était détenue par le macroniste Gilles Le Gendre. Mais lors des dernières législatives, Rachida Dati avait demandé à ce qu'elle revienne à l'un de ses proches.

Gilles Le Gendre n'avait donc pas reçu l'investiture du mouvement et s'était présenté en candidat dissident. Las: c'était finalement Jean Laussucq, ex-directeur de cabinet de la maire du 7e, qui avait été investi par Renaissance puis largement élu au second tour.

"Notre faute originelle, c'est de ne pas avoir tenu tête à Rachida Dati et de ne pas avoir défendu notre député. Si on l'avait fait, on n'aurait pas toute cette pagaille aujourd'hui", soupire un élu macroniste.

Mais le mouvement de Gabriel Attal avait malgré tout réussi à l'époque à investir en guise de suppléant Antoine Lesieur. Inconnu du grand public, l'homme est capital dans l'entourage de l'ex-Premier ministre le plus jeune de la Ve République. Il a notamment été son plus proche conseiller à Matignon avant de le rester aujourd'hui à Renaissance. En toute probabilité, Antoine Lesieur, qui n'a pas répondu à nos sollicitations, pourrait être à nouveau suppléant, mais cette fois de Rachida Dati.

Tremplin possible pour un proche de Gabriel Attal

Le calcul n'a rien d'anodin: si Rachida Dati gagne cette législative et qu'elle souhaite siéger à l'Assemblée nationale, elle devra démissionner de son poste de ministre de la Culture. Mais si elle préfère rester au gouvernement, c'est bien lui qui fera son entrée dans l'hémicycle.

Et même si Rachida Dati devient bien effectivement députée, elle devra démissionner de son mandat en cas de victoire à la mairie de Paris. La loi sur le non-cumul des mandats interdit en effet d'être à la fois à la tête d'un exécutif local et d'être membre de l'Assemblée nationale. Bref, Antoine Lesieur a donc des chances sérieuses de devenir député s'il est bien désigné suppléant.

Mais au-delà des calculs électoraux pour engranger des voix dans une partie de la 2e circonscription de Paris et parvenir à faire élire un proche de Gabriel Attal, ce sont bien sûr les municipales dans la capitale qui se jouent en filigrane.

"La bourse ou la vie"

Édouard Philippe n'est pas vraiment fan de Rachida Dati et semble bien décidé à laisser son lieutenant Pierre-Yves Bournazel représenter son mouvement dans la capitale lors des élections en mars prochain. Au point de venir en personne le soutenir lors du lancement de sa campagne en juin dernier et de faire passer ses messages.

"Le rassemblement, ça ne se décrète pas. Ça n’est pas 'parce que je crie plus fort que moi tu vas venir avec moi'. Ça n’est pas la bourse ou la vie, ça n’est pas les menaces", avait alors expliqué le maire du Havre, dressant en creux une critique de l'actuelle ministre de la Culture.

Et tant pis si le socle commun se paie le luxe d'aligner plusieurs candidats sur la ligne de départ à la mairie de Paris, même si certains imaginent déjà Pierre-Yves Bournazel se retirer à la fin de la course à son profit. Côté Renaissance, la situation n'a rien d'évident non plus.

"Nous sommes un certain nombre à avoir dit lors du dernier comité politique de Renaissance à expliquer que nous ne souhaitons pas soutenir Rachida Dati au premier tour", avance un député Renaissance.

Fixé fin août

Pourtant, si c'est bien Antoine Lesieur, le conseiller spécial de Gabriel Attal, qui rentre dans la danse pour les législatives, cela sera bien évidemment lu comme un geste de soutien politique de Gabriel Attal à la ministre de la Culture.

De quoi penser que le patron des troupes macronistes pourrait bien laisser la poussière retomber dans les prochaines semaines avant de trancher, d'autant plus qu'une partie de la droite est convaincue que Rachida Dati finira par se retirer du match. Avec une chance pour la macronie: le calendrier. Le dépôt officiel des candidatures aura lieu fin août devant la préfecture de Paris.

Marie-Pierre Bourgeois