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"On doit tourner la page": après la condamnation de Nicolas Sarkozy, la droite plongée dans le malaise

Nicolas Sarkozy après l'annonce de sa condamnation au tribunal de Paris le 25 septembre 2025

Nicolas Sarkozy après l'annonce de sa condamnation au tribunal de Paris le 25 septembre 2025 - Photo par JULIEN DE ROSA / AFP

L'arrivée prochaine de l'ancien président derrière les barreaux suscite une profonde gêne dans sa famille politique. Ragaillardie par Bruno Retailleau, une partie de la droite défend du bout des lèvres Nicolas Sarkozy et veut éviter à tout prix de voir son image abîmée par la condamnation de son ancien patron.

Des cris de surprise dans le tribunal à l'annonce du jugement, son épouse et ses trois fils qui font front à ses côtés, son ex-femme Cécilia Attias qui se fend d'un message de soutien. Si le clan de Nicolas Sarkozy fait bloc autour de l'ancien président condamné à 5 ans de prison ferme pour "association de malfaiteurs", sa famille politique, elle, affiche sa prudence voire son franc malaise.

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Prison pour Nicolas Sarkozy: comment expliquer cette condamnation historique pour un ancien président?
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C'est pourtant la première fois qu'un ex-chef de l'État dormira au moins pour quelque temps derrière les barreaux, après plus d'une décennie de procédure judiciaire dans le cadre de l'affaire Khadafi. Pour justifier cette décision, la présidente du tribunal Nathalie Gavarino a souligné que les faits reprochés étaient d'"une gravité exceptionnelle", "de nature à altérer la confiance des citoyens".

"Il faut qu'on digère"

Parmi les rares à dégainer rapidement, on observe Laurent Wauquiez, le président des députés LR, et Éric Ciotti, en rupture de ban avec la droite. Souvent capable de dégainer en quelques minutes une réaction pesée au trébuchet, le président des Républicains, Bruno Retailleau, lointain successeur de Nicolas Sarkozy, fait au contraire le service minimum près de trois heures après le jugement.

Le ministre de l'Intérieur, qui prend bien le soin de s'exprimer au nom de son parti et pas de son poste place Beauvau, se contente de cinq lignes dans un communiqué de presse. Il juge que l'ancien président a "beaucoup apporté à la France" et qu'il a "toujours été un serviteur fidèle de son pays".

Un autre ténor de la droite, le président du Sénat Gérard Larcher, parle lui au passé de Nicolas Sarkozy. "Il fut un homme d'État, ne l'oublions pas", peut-on lire sur son compte X.

"Quand j'ai lu tout ça, je me suis dit qu'on avait l'impression qu'il venait de mourir. On est tous un peu groggy. Il faut qu'on digère", reconnaît un élu LR.

"Compliqué de prendre de front la justice"

Quant à l'ancien Premier ministre Michel Barnier, à Rachida Dati, nommée ministre de la Justice sous le quinquennat de l'ex-maire de Neuilly, ou encore le garde des Sceaux Gérald Darmanin, apprécié de Nicolas Sarkozy, silence radio. Calme plat tout autant du côté des députés LR, peu prompts à se fendre publiquement d'un message de soutien.

En dépit des questionnements sur l'exécution immédiate des peines qui va entraîner l'incarcération de Nicolas Sarkozy malgré son appel, l'atmosphère dans les rangs de la droite est donc très loin de ses précédentes condamnations.

Exemple en 2021 sur le dossier Bygmalion. La droite avait soutenu sans faillir l'ex-locataire de l'Élysée (qui se pourvoit en cassation sur cette affaire en octobre, NDLR), déjà condamné à un an de prison ferme pour "financement illégal" de sa campagne électorale.

Mais l'époque a manifestement changé. La droite avait déjà réagi avec minimalisme en décembre dernier après sa condamnation définitive à un an de prison ferme pour l'affaire des écoutes, débouchant sur le port pendant quelques mois d'un bracelet électronique.

"C'est compliqué de prendre de front la justice, d'autant plus quand la droite a de nouveau des ambitions présidentielles. On ne pouvait pas faire plus que des réactions sur le ton de l'amitié", reconnaît Raymond Soubie, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy à l'Élysée.

Le parti de "l'ordre", la France des "honnêtes gens"

C'est que toute cette affaire embarrasse profondément les LR. Après des années de disette, le parti de droite est enfin revenu aux manettes à la faveur du fiasco de la dissolution. Depuis, il fréquente à nouveau les allées des ministères et a repris des couleurs dans les sondages à la faveur de l'élection à sa tête de Bruno Retailleau.

Le nouvel homme fort de la droite, qui a fait de "l'ordre" son leitmotiv, a même trouvé un nouveau slogan pour son parti: "La France des honnêtes gens". Autant dire que la condamnation de son ancien président fait pour le moins désordre dans une droite qui cherche à se reconstruire et à devenir une alternative crédible pour la prochaine présidentielle.

"J'ai de la peine à titre humain" pour Nicolas Sarkozy, explique ainsi Florence Portelli, vice-présidente des LR tout en "trouvant normal qu'on puisse condamner un ancien président".

"On ne peut pas dire qu'il faut plus de sévérité et en même temps dire que c'est choquant quand ça concerne subitement les politiques", observe encore cette proche de Valérie Pécresse.

"Tourner la page"

La condamnation de l'ancien chef de l'État embarrasse d'autant plus que la droite oscille ces dernières années entre admiration et volonté de tourner la page. Nicolas Sarkozy a beau continuer à distiller ses conseils à Gabriel Attal et Sébastien Lecornu tout en continuant à recevoir les élus de la droite dans son bureau rue de Miromesnil, il a également l'art d'embarrasser.

Ces dernières années, le septuagénaire n'a jamais hésité à aller à contre-courant de son camp en soutenant par exemple Emmanuel Macron lors de la campagne de 2022 contre la propre candidate de son camp Valérie Pécresse. Alors que la droite se battait pour survivre aux législatives organisées dans la foulée, l'ancien président appelait même à "un accord" avec le camp macroniste. Plus récemment, Nicolas Sarkozy n'a pas hésité à tirer dans le dos de Bruno Retailleau en appelant à ne pas soutenir François Bayrou lors du vote de confiance, soit l'exact opposé de la volonté du ministre de l'Intérieur.

"Ça fait un moment qu'il ne joue pas toujours avec nous et je pense qu'on est un certain nombre à trouver que même si cette décision de justice abîme l'image de la France, il faut qu'on arrête les frais. À un moment, on doit tourner la page", exhorte un député LR.

Le diagnostic est partagé par le secrétaire général adjoint du parti Pierre-Henri Dumont. Tout en se disant "excessivement en colère" après la condamnation de Nicolas Sarkozy, ce proche de Bruno Retailleau juge que la place de l'ancien président est "maintenant dans les livres d'histoire".

En attendant que l'histoire se finisse totalement, l'ancien locataire de la rue du Faubourg Saint-Honoré a encore rendez-vous avec la justice. Son entrée en prison sera fixée le 13 octobre prochain.

Marie-Pierre Bourgeois