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"Je ne comprends plus les décisions du président": comment le divorce entre Gabriel Attal et Emmanuel Macron s'est acté

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Le patron du parti présidentiel a indiqué lundi soir ne plus comprendre les décisions du président de la République, pointant un "acharnement à vouloir garder la main". De quoi marquer une rupture amorcée depuis des mois à moins de deux ans de l'élection présidentielle.

Les ponts sont coupés. Les relations glaciales entretenues par Emmanuel Macron et Gabriel Attal sont de notoriété publique depuis que le président de la République a décidé de dissoudre l'Assemblée nationale le 9 juin 2024. Un choix regretté par son Premier ministre de l'époque, victime directe de cette décision.

Mais, si le divorce est consommé depuis des mois, il a sûrement pris une tournure définitive ce lundi 6 octobre. Invité par TF1 pour s'exprimer sur le vaudeville qui s'est joué quelques heures plus tôt autour de la démission de Sébastien Lecornu, devenu Premier ministre le plus éphémère de la Ve République, Gabriel Attal enfonce publiquement Emmanuel Macron:

"Comme beaucoup de Français, je ne comprends plus les décisions du président de la République. Il y a la dissolution et des décisions depuis qui donnent le sentiment d’une forme d’acharnement à vouloir garder la main."

Une charge d'une violence politique pas encore observée entre les deux hommes

Très critique, Gabriel Attal appelle Emmanuel Macron à "changer de méthode", "partager le pouvoir".

S'il participera aux ultimes négociations menées par Sébastien Lecornu jusqu'à mercredi, à la demande du chef de l'État, Gabriel Attal plaide une nouvelle fois pour la nomination d'un "négociateur indépendant", chargé de trouver un compromis sur le fond avec les partis politiques avant la formation d'un gouvernement.

Sans ménager Emmanuel Macron: "le président a essayé trois fois la même chose depuis un an, je pense que l'on peut essayer autre chose."

Quelles sont les conséquences économiques de la démission de Sébastien Lecornu?
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La charge est d'une violence politique jamais observée entre les deux hommes jusqu'ici. Elle est d'autant plus significative que son auteur est un ancien Premier ministre d'Emmanuel Macron, actuel patron du parti présidentiel, Renaissance, dont ce dernier est toujours président d'honneur ou encore chef des députés Ensemble pour la République.

"Changement profond"

D'ailleurs Gabriel Attal, qui disait tout devoir au chef de l'État après sa nomination à Matignon début 2024, le reconnaît lui-même sur France Inter: "Si on m’avait dit il y a deux ans que je prononcerai cette phrase, évidemment que je ne l’aurais pas cru."

C'était un autre temps, une période où Emmanuel Macron allait finir par en faire le plus jeune Premier ministre de la Ve République contre l'avis de certains observateurs pour redonner du souffle à son camp avant les élections européennes.

La suite est connue. Cette dissolution, Gabriel Attal ne l'a jamais vraiment digérée et elle lui a donné sa liberté. Sur le fond, le député de 36 ans pose ses propres jalons programmatiques. Soucieux de refonder la boutique présidentielle - un changement de nom est annoncé - il a multiplié les conventions thématiques, dont l'une sur la légalisation de la gestation pour autrui (GPA) à laquelle... Emmanuel Macron est-opposé.

Quant au discours, si celui de ce début de semaine marque une claire rupture, Gabriel Attal s'était déjà bien distancé du président à Arras le 21 septembre lors de la rentrée politique de Renaissance, déclarant: "Les Français attendent 2027 avec impatience pour tourner une page, celle du chaos." Ou encore: "J’assume que nous préparions, dès aujourd’hui, un projet de changement profond pour les décennies à venir." La preuve que la rupture se profilait depuis des semaines.

Si l'affranchissement de Gabriel Attal intervient au moment où le président est largement impopulaire et plus affaibli que jamais, l'intéressé s'est défendu de tout opportunisme ce mardi, déclarant: "Je pense que l’opportunisme en ce moment serait de se cacher, de parler le moins possible, pour ne pas montrer aux Français que l’on est l’un des protagonistes de cette situation, parce que la réalité est que ce spectacle affligeant de la politique éclabousse tous ceux qui s’expriment."

La séquence autour de Gabriel Attal et Emmanuel Macron à des allures de grand classique de la Ve République, rappelant des luttes entre présidents et potentiels héritiers à la Sarkozy-Chirac ou De Gaulle-Pompidou. Mais l'ex-fidèle du président n'est pas le seul à jouer la rupture. Édouard Philippe, ex-premier ministre lui aussi et candidat déclaré pour l'Élysée, a apporté une preuve, peut-être plus éclatante encore de son indépendance ce mardi, en demandant l'organisation d'une élection présidentielle anticipée.

Baptiste Farge