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"Un écran de fumée", "loufoque": la proposition de référendum sur le budget 2026 de Bayrou reçue avec froideur

Le Premier ministre François Bayrou à Matignon le 1er avril 2025

Le Premier ministre François Bayrou à Matignon le 1er avril 2025 - STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Le Premier ministre François Bayrou a fait part, samedi 3 mai, de la possibilité de demander aux Français de se prononcer sur un projet de budget par la voie d'un référendum. Depuis, l'idée qui nécessite l'assentiment d'Emmanuel Macron, ne recueille que scepticisme, y compris dans le socle commun.

L'idée avancée par François Bayrou d'un référendum sur "un plan d'ensemble" de réduction des déficits, alors que son gouvernement cherche 40 milliards d'euros d'économie à réaliser pour l'année prochaine, a été accueillie avec circonscpection dimanche puis lundi par la classe politique, à gauche comme à droite.

"La seule chose qu'on demande au Premier ministre, c'est d'avoir enfin le courage de s'attaquer au gaspillage de l'argent public", a taclé sur France 3 ce dimanche Laurent Wauquiez, le patron des députés Les Républicains, force qui participe pourtant à la coalition gouvernementale.

"On a un Premier ministre qui tergiverse, qui cherche juste à gagner du temps et qui ne décide pas", a-t-il regretté.

"C'est un plan d'ensemble que je veux soumettre, il demandera des efforts à tout le monde, et par l'ampleur qui doit être la sienne, il ne peut réussir si le peuple français ne le soutient pas", s'est pourtant justifié le Premier ministre dans une interview accordée au Journal du Dimanche et parue samedi soir.

Consulter les Français pour éviter la censure

Le gouvernement, qui est parvenu à faire adopter les budgets 2025 de l'État et de la sécurité sociale en début d'année, en échappant à une série de motions de censure, est désormais engagé dans la préparation du budget pour 2026.

Il estime qu'il lui faut trouver 40 milliards d'euros pour respecter ses objectifs de réduction du déficit public de 5,4% du Produit intérieur brut (PIB) cette année à 4,6% l'an prochain. Une vraie gageure. De quoi pousser François Bayrou à s'assurer de l'assentiment des Français.

Pour le Premier ministre, si son plan de réduction des déficits était approuvé par référendum, cela lui conférerait une forme de légitimité. Suffisant, espère-t-il, pour ensuite faire adopter plus facilement par le Parlement le budget.

Dans le socle commun, certains ont d'ailleurs salué l'idée, à l'instar de l'ex ministre Clément Beaune.

"L'idée de demander leur avis aux Français, me paraît toujours bonne", a jugé le Haut-commissaire en plan sur TF1 ce lundi, appelant à avoir "sur ce budget un débat plus large que celui qu'on n'a jamais eu".

Idée "loufoque"

Peu de chance cependant que cela convainque la gauche, massivement opposée à une réduction des dépenses et qui préférerait augmenter les recettes, notamment en taxant les grandes fortunes et les grosses entreprises.

Pour le coordinateur national de La France insoumise (LFI) Manuel Bompard, interrogé dimanche sur LCI, l'idée du Premier ministre est "loufoque".

"Quelle question allez-vous poser aux gens? Vous allez leur soumettre un projet de budget, vous allez leur demander s'ils sont pour ou contre? Mais alors qui va avoir élaboré ce projet de budget, François Bayrou lui-même? Vous voyez bien que ça n'a rien de démocratique de manière générale", a-t-il dénoncé.

En dépit d'un accord avec François Bayrou sur le budget 2025 à l'hiver dernier, le patron du PS Olivier Faure a regretté ce dimanche soir sur BFMTV une idée "assez farfelue" appelant, plutôt, à un référendum sur les retraites.

"Je crains que ce soit un écran de fumée et que ce soit très difficile de voter par oui ou par non à un projet de budget qui engage l'ensemble des secteurs, de la défense jusqu'à l'éducation, en passant par tout ce que comprend un budget, c'est-à-dire la vie de la nation", a-t-il argumenté sur BFMTV.

Un projet qui dépend seulement de Macron

Quant au Rassemblement national, il n'est guère plus convaincu. Invité de BFMTV ce lundi, le député Sébastien Chenu a jugé que François Bayrou cherchait "plus à durer" à Matignon "qu'à changer les choses".

Reste que le référendum proposé par François Bayrou n'est pas entre les mains du Premier ministre. C'est uniquement Emmanuel Macron, prévenu de la proposition du chef du gouvernement, qui peut décider de lancer ou non cette consultation.

Le référendum tel qu'esquissé par François Bayrou serait d'ailleurs le premier de la Ve République à porter sur des questions budgétaires. Il apparaîtrait politiquement risqué pour un exécutif au plus bas dans les sondages de popularité.

Les Français ont été consultés pour la dernière fois en 2005, sur la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe. Le "non" l'avait emporté, à la surprise du gouvernement qui militait, lui, pour le "oui".

Tom Kerkour avec AFP