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Finances publiques

C'est quoi cet abattement fiscal de 10% qui bénéficie aux retraités et que le gouvernement n'exclut pas de supprimer?

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Le gouvernement qui cherche 40 milliards d'euros d'économies n'a pas exclu de toucher à l'abattement fiscal de 10% qui bénéficient les retraités.

"Il n'y a pas de tabou". À la recherche de 40 milliards d'euros d'économies en 2026, le ministre de l'Économie, Éric Lombard, n'écarte aucune piste pour tenir son objectif de réduction du déficit à 4,6%. Pas même celle de mettre les retraités à contribution via la suppression de l'abattement fiscal de 10% dont ils bénéficient, comme l'a indiqué la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin.

Créé en 1978 par le gouvernement de Raymond Barre, cet abattement fiscal accorde à chaque retraité une déduction automatique de 10% sur ses revenus (dans la limite de 4.399 euros) annuels au moment de la déclaration. Ce qui se traduit in fine par une baisse d'impôt.

Les salariés bénéficient eux aussi d'une déduction de 10% avec un plafond de 14.426 euros. Mais les deux abattements n'ont pas le même objectif. Pour les salariés, il s'agit de compenser les frais professionnels. Celui bénéficiant aux retraités a, lui, été créé pour tenir compte de la baisse des revenus au moment du passage en retraite ainsi que des dépenses de santé plus élevées à cet âge.

L'Unsa Retraités évoque un autre argument qui aurait justifié cet abattement au moment de sa création, à savoir "le fait que les revenus des retraités, déclarés par des tiers, en l'occurrence les caisses de retraite, échappaient à tout risque de sous-déclaration, contrairement à d'autres revenus". Autrement dit, il s'agirait d'une "récompense" pour ne pas pouvoir frauder sur sa déclaration de revenus...

Pourquoi la suppression de l'abattement fiscal des retraités n'est pas exclue par le gouvernement

Dans Le Parisien, Amélie de Montchalin ne s'est pas dit contre une remise en cause de l'abattement fiscal des retraités, estimant "que ce n'est pas votre âge qui doit définir vontre contribution". "Je pense, à titre personnel, qu'on ne peut pas indéfiniment mettre à contribution les actifs pour financer les nouvelles dépenses sociales liées au vieillissement", a ajouté la ministre des Comptes publics.

À l'heure où le gouvernement cherche 40 milliards d'euros d'économies, la suppression de cet abattement permettrait surtout de récupérer près de 5 milliards d'euros. Plus précisément, la Cour des comptes estimait à 4,494 millliards d'euros le coût de cette mesure pour l'État en 2023, ce qui en fait la deuxième niche fiscale destinée aux particuliers la plus coûteuse, derrière le crédit d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile (5,9 milliards).

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Il y a quelques semaines, le président du Medef, Patrick Martin, avait dénoncé cet abattement, jugeant qu'il était "contre-nature" et "aberrant" qu'un "retraité bénéficie d'une exonération fiscale pour des frais professionnels". De son côté, l'Unsa Retraités martèle que ce dispositif "n'a rien à voir avec la déduction fiscale pour frais professionnels" des actifs. Le syndicat s'oppose à sa suppression qui "augmenterait" selon lui "la contribution fiscale de 8,4 millions de retraités, soit la moitié de l'ensemble des retraités, et dans cette moitié, tous ne sont pas riches".

Pour l'Unsa, le maintien de cet abattement est d'autant plus justifié que la loi impose désormais aux employeurs de financer une partie de la complémentaire santé", ce qui n'était pas encore le cas en 1978. "Les actifs n'assument qu'une partie de leur complémentaire santé, les retraités la totalité. La suppression de l’abattement entrainerait de ce point de vue une aggravation de l’inégalité entre actifs et retraités", indique l'organisation.

Les retraités les plus modestes épargnés

Contrairement au gel des pensions qui était défendu par le gouvernement Barnier, la suppression de l'abattement fiscal de 10% a l'avantage de ne pas pénaliser les petites retraites. "Contrairement au décalage (...) de la revalorisation des pensions, la suppression de l’abattement fiscal de 10% ne toucherait pas les retraités les plus modestes, qui sont généralement moins nombreux à être imposables", précisait l'OFCE dans une étude parue en janvier.

En revanche, la fin de ce dipositif amputerait le niveau de vie des 15% les plus riches d'un montant compris entre 780 et 860 euros via une augmentation de l'impôt sur le revenu, d'après l'Observatoire. Cela conduirait également à faire basculer dans l'impôt certains retraités jusqu'alors non-imposables.

Enfin, en entraînant une hausse du revenu fiscal de référence des retraités, la suppression de l'abattement risque de faire "perdre certains avantages fiscaux (le crédit d’impôt pour équipement du logement, la dispense de flat tax sur les revenus de placements, la CSG réduite sur la retraite, etc.) ou certaines aides sociales (MaPrimeAdapt’, Chèque énergie, etc.), souligne l'UFC-Que Choisir.

https://twitter.com/paul_louis_ Paul Louis Journaliste BFM Eco