Tensions France-Algérie: Matignon calme le jeu tout en défendant "la fermeté" du gouvernement

Bruno Retailleau et François Bayrou à Matignon le 26 février 2025 à l'issue du Comité interministériel de contrôle de l'immigration - Ludovic MARIN / AFP
Quand Bruno Retailleau et Gérald Darmanin multiplient les propos offensifs contre l'Algérie, François Bayrou tente de ménager la chèvre et le chou. Après le refus d'Alger de reprendre sur son territoire une soixantaine de ressortissants ce lundi soir, une demande formulée par le Premier ministre en personne fin février, le Premier ministre fait le dos rond.
"Il en appelle à la fermeté face au gouvernement algérien mais pas à la fermeture du dialogue car les deux parties ont besoin de coopération", explique un participant à un petit-déjeuner ce mardi matin entre François Bayrou et des responsables du socle commun, d'après des informations de BFMTV.
Suspension des visas diplomatiques
Dans un contexte de très fortes tensions avec Alger, le ministre de l'Intérieur français Bruno Retailleau avait annoncé vendredi lui avoir communiqué une liste de soixante noms des ressortissants algériens aux profils les plus "dangereux", lui demandant de les reprendre rapidement.
Autant dire que la décision de l'Algérie, qui a tout d'un camouflet pour Paris, l'a poussé à vivement réagir. "Je regrette que l’Algérie refuse d’appliquer le droit international", a-t-il indiqué sur X, promettant qu'une "riposte graduée sera engagée".
Parmi les mesures sur la table pour répondre à la fin de non-recevoir de l'Algérie, figure notamment la suspension de l'accord de 2007 qui exempte de visas les détenteurs de passeports diplomatiques. Le ministre de la Justice Gérald Darmanin est sur la même ligne que son collègue.
Alger doit "entendre la volonté de la France et reprendre leurs individus", a insisté l'ancien locataire de la place Beauvau ce mardi matin sur RTL, en plaidant pour le rappel de l'ambassadeur français en Algérie et à la "fin des visas diplomatiques".
"Il faut mettre fin à cela. Il n'y a pas de raison que la France continue d'être généreuse avec ce pays", a ajouté le garde des Sceaux, mettant ses pas dans ceux de Bruno Retailleau.
"Le respect du temps diplomatique"
Mais François Bayrou n'est exactement pas sur la même ligne. "La suspension des accords de 2007 relatifs aux exemptions de visa" notamment diplomatiques, "évoquée par Bruno Retailleau, est bien sur la table", reconnaît le Premier ministre ce mardi matin devant des élus du socle commun.
Mais il n'a pas remis en cause devant ses interlocuteurs les accords de 1968 qui donnent un statut particulier aux Algériens, en matière de circulation, de séjour et d'emploi.
Le Premier ministre avait pourtant promis fin février de "dénoncer" ce traité si, dans un délai de 6 semaines, l'Algérie ne reprenait pas les ressortissants cités sur cette liste.
"Le Premier ministre appelle au respect du temps diplomatique", défend encore un participant.
Éviter de faire de l'Algérie "l'objet de jeux politiques"
De quoi répondre au ministère des Affaires étrangères algérien qui n'a manifestement pas digéré la méthode choisie par le gouvernement.
"L'Algérie réaffirme son rejet catégorique des menaces et des velléités d'intimidation, ainsi que des injonctions, des ultimatums et de tout langage comminatoire", a écrit ce lundi soir le gouvernement algérien dans un communiqué de presse.
Alger y précise que, pour ce genre de procédure, les demandes doivent être formulées aux "consulats" algériens par "les préfectures" françaises, et ce, au "cas par cas".
Matignon semble donc bien décider à faire redescendre la pression. Il faut dire qu'Emmanuel Macron lui-même avait sorti la carte de l'apaisement début mars, en se disant "favorable non pas à dénoncer mais à renégocier" ce traité signé dans la foulée de la décolonisation en Algérie.
Les relations avec ce pays "ne doivent pas faire l'objet de jeux politiques où qu'ils soient", avait encore jugé le chef de l'État. Bruno Retailleau a de son côté déjà menacé de démissionner si "on lui demandait de céder" sur le dossier algérien.