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Accords migratoires entre la France et l'Algérie: ce que contient ce traité conspué par la droite et le RN

Le président français Emmanuel Macron (d) et son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune au palais présidentiel, le 25 août 2022 à Alger

Le président français Emmanuel Macron (d) et son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune au palais présidentiel, le 25 août 2022 à Alger - Ludovic MARIN © 2019 AFP

Un texte franco-algérien facilite l'installation des ressortissants algériens et suscite la colère d'une partie de l'échiquier politique depuis plusieurs années. Emmanuel Macron a jusqu'ici toujours fermé la porte à la fin de ce traité, en dépit de vives tensions avec l'Algérie.

Haro sur l'accord entre la France et l'Algérie. Jordan Bardella, Édouard Philippe, Éric Ciotti... La droite et l'extrême droite s'emparent du fiasco de l'expulsion ratée d'un influenceur algérien pour demander la fin de ce traité signé entre Paris et Alger en 1968.

"On est soumis au régime algérien depuis plus de 50 ans", a jugé le député RN Jean-Philippe Tanguy ce vendredi matin sur BFMTV, appelant à "mettre fin très vite" à ce texte.

Des mesures qui facilitent l'attribution des titres de séjour

Cet accord, qui a vu le jour six ans après l'indépendance de cette ancienne colonie française, a créé un statut unique pour les ressortissants algériens en matière de circulation, de séjour et d'emploi.

Il visait à l'origine à faciliter l'immigration économique pour répondre au fort besoin de main d'œuvre dans l'Hexagone au début des Trente glorieuses.

Concrètement, il contient aujourd'hui des mesures qui assouplissent l'arrivée et la délivrance de titres de séjour aux ressortissants algériens. Ils n'ont par exemple pas besoin de demander un visa pour un séjour de plus de trois mois, contrairement aux autres étrangers mais doivent en revanche demander un certificat de résidence, un processus plus facile d'accès.

646.462 titres de séjour accordés en 2023 à des ressortissants algériens

Le regroupement familial - ce dispositif qui permet à un ressortissant étranger en situation régulière de pouvoir faire venir sa famille (conjoint et enfants mineurs- est également possible à partir de 12 mois de présence en France au lieu de 18 mois pour les ressortissants étrangers.

Ces dispositions spécifiques se reflètent dans les chiffres du ministère de l'Intérieur. D'après un rapport de la direction générale des étrangers en France, 646.462 titres de séjours à des ressortissants algériens ont été accordés en 2023, loin devant les autres pays. 603.482 Marocains ont reçu un titre de séjour en 2023 et 289.942 pour les Tunisiens.

Cet accord est cependant plus restrictif que le régime général des étrangers sur certains points. Les visas étudiants sont plus par exemple plus restreints. Quant aux dispositions liées aux expulsions comme la délivrance d'OQTF (obligation de quitter le territoire français), elles relèvent du droit commun et sont les mêmes.

Macron agacé par les demandes pour mettre fin à cet accord

Ces accords ont été déjà été modifiés à trois reprises, vidées au fur et à mesure de mesures très symboliques. L'objectif affiché: tenter de rapprocher le statut des Algériens du droit commun pour les étrangers.

La France peut-elle décider de mettre fin à ces accords entre la France et l'Algérie comme le réclament le RN et la droite? Pour l'instant, Emmanuel Macron a toujours fermé la porte à cette hypothèse.

Le chef de l'État avait fait savoir son agacement en novembre 2023 quand Édouard Philippe avait appelé à la fin de cet accord quelques semaines plus tôt. L'ex-Premier ministre soutenait en effet un projet de résolution de la droite pour mettre fin à ce traité.

"Je n’avais pas compris que la politique étrangère de la France était définie au Parlement", avait ironisé le chef de l'État devant le Conseil des ministres.

Le gouvernement favorable à la renégociation

C'est que toute remise en cause de cet accord doit nécessairement avoir l'aval de l'Élysée. La diplomatie est également le "domaine réservé" du chef de l'État dans les us et coutumes politiques. Rien n'empêche cependant le Parlement de tenter de mettre la pression sur Emmanuel Macron pour tenter d'infléchir sa position.

En décembre 2023, en plein examen du projet de loi immigration à l'Assemblée nationale, le gouvernement avait affirmé, par la voix d’Élisabeth Borne, être ouvert à une renégociation de l’accord mais pas à la fin de son accord.

Il faut dire que sa dénonciation pourrait avoir un effet contre-productif, notamment d’un point de vue migratoire, alors que les pays avaient opéré un rapprochement depuis 2022, après des années de fortes tensions.

Forts liens économiques entre l'Algérie et la France

En cas de disparition de l'accord entre Paris et Alger, le pouvoir algérien pourrait être tenté de mesures de rétorsion. L'Algérie pourrait par exemple réduire considérablement le nombre de laissez-passer consulaires, ce document délivré par le pays d'origine de la personne sous le coup d'une OQTF (obligation de quitter le territoire français) et sans lequel la France ne peut pas l'expulser.

La mesure ferait pour le moins mauvais effet pour Bruno Retailleau qui a fait de cette question son cheval de bataille. Si Emmanuel Macron n'a pas hésité à hausser le ton à l'encontre de l'Algérie lundi dernier devant les ambassadeurs réunis à l'Élysée, concernant notamment l'arrestation de l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, il s'est bien gardé d'évoquer l'accord entre Paris et Alger.

Faut-il y voir des raisons économiques? En dépit de fortes turbulences entre les deux pays après un net réchauffement des relations des dernières années, le commerce entre les deux pays se porte très bien.

En 2023, les échanges commerciaux entre la France ont nettement progressé, notamment sur le front du gaz et du pétrole. En 2023, les exportations algériennes d'hydrocarbure avaient augmenté de 15% sur fond de guerre en Ukraine et de volonté de réduire la dépendance française au gaz russe. Reste à savoir si cette relation commerciale ne va pas être bouleversée par les récentes tensions diplomatiques.

Marie-Pierre Bourgeois