BFMTV
Gouvernement

"Il nous met dans la merde": en privé, des ministres très en colère contre François Bayrou

François Bayrou et plusieurs de ses ministres à l'Assemblée nationale le 8 juillet 2025

François Bayrou et plusieurs de ses ministres à l'Assemblée nationale le 8 juillet 2025 - XOSE BOUZAS / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Le gouvernement ne digère pas le choix du locataire de Matignon de solliciter la confiance des députés le 8 septembre prochain. Quasi-certains de tomber ce jour-là, les ministres reprochent à François Bayrou "d'aller à la catastrophe nucléaire".

Quelques mots et voilà l'affaire (presque) pliée pour son gouvernement. À quelques instants de sa conférence de presse organisée ce lundi 25 août, François Bayrou n'a pas fait dans la dentelle pour prévenir ses ministres qu'ils risquaient de faire leurs cartons dans quelques jours.

Le locataire de Matignon a tout juste pris le temps d'annoncer à ses troupes qu'il allait demander un vote de confiance à l'Assemblée nationale le 8 septembre... Avant de le dévoiler aux Français, à peine une demi-heure plus tard.

"On va dire qu'il a fait le minimum et qu'il ne pouvait pas non plus se permettre de laisser son propre gouvernement découvrir en direct qu'il allait faire ses cartons dans 10 jours", philosophe un conseiller ministériel auprès de BFMTV.
7 MINUTES POUR COMPRENDRE : Bayrou, un coup politique ou un coup mortel ? - 26/08
7 MINUTES POUR COMPRENDRE : Bayrou, un coup politique ou un coup mortel ? - 26/08
6:34

"Il décide tout, tout seul"

En attendant, dans les allées ministérielles, chacun a sorti sa calculette et a bien compris que, sauf surprise de dernière minute, le Premier ministre et son équipe seraient renversés très bientôt par les oppositions. Alors que le centriste se savait menacé dès l'automne par une motion de censure sur le budget 2026, il a préféré prendre les devants, quitte à précipiter sa chute.

De quoi profondément agacer les membres du gouvernement. "On se sent comme après un lendemain de cuite. On est tous un peu dubitatifs", lâche à BFMTV un ministre issu des LR.

"Comme d'habitude, il décide de tout, tout seul, sans écouter personne, quitte à aller à la catastrophe nucléaire. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise?", s'agace de son côté l'un de ses collègues.

La plupart des ministres auraient préféré que François Bayrou patiente quelques semaines et tente de continuer de négocier pied à pied, notamment avec la gauche, pour tenter de faire passer le budget de l'État et de la sécurité sociale en novembre. Mais le locataire de Matignon a préféré acter que l'heure n'était plus aux discussions avec le PS qu'il avait pourtant réussi à arrimer en janvier dernier.

"Il nous met dans la merde"

Plutôt que d'attendre d'hypothétiques concessions de part et d'autre, le Premier ministre préfère choisir son propre calendrier et organiser de lui-même son très probable départ. Mais la méthode passe mal dans les rangs gouvernementaux.

"Renverser le gouvernement aurait eu un coût financier, social et politique à ceux qui auraient provoqué cette censure" en novembre ou en décembre, quelques mois à peine avant les municipales, analyse un ministre LR.

"Aujourd’hui, on ne leur donne même pas cette possibilité. On ne met pas les oppositions dans la merde mais le Premier ministre nous met dans la merde", regrette-t-il encore.

"Quand il nous a prévenus juste avant sa conférence de presse, on pensait qu’il avait pris cette décision avec l'assurance que les oppositions s'abstiendraient pour le vote de la confiance", s'étonne encore ce ministre.

"Chapeau l'artiste"

François Bayrou a-t-il été lui-même pris de court? Un soutien d'une partie des députés PS, ou au moins leur abstention, permettrait sur le papier à François Bayrou de sauver sa peau.

Le premier secrétaire du parti, tout comme le président des députés PS Boris Vallaud, ont pourtant annoncés qu'ils voteraient contre la confiance au gouvernement. Même topo du côté du Rassemblement national, bien décidé lui aussi à faire tomber François Bayrou.

"En fait, on n'aura plus de gouvernement dans quelques jours mais toujours une dette abyssale et plus personne pour présenter un budget. Chapeau l'artiste", cingle un conseiller ministériel.

François Bayrou, lui, semble toujours croire en sa bonne étoile et met la pression sur les oppositions. Les députés ont "13 jours", d'ici le vote de la confiance le 8 septembre, pour choisir entre "le chaos" ou "la responsabilité", a asséné le Premier ministre ce mardi lors de l'université d'été de la CFDT. Il faut "réfléchir" et renoncer aux "réflexes spontanés", a encore exhorté le septuagénaire. Suffisant pour faire changer d'avis les députés socialistes et le RN?

"Quand vous avez dit très clairement que vous vouliez voir partir le Premier ministre, ce n'est pas dire le contraire le lendemain", tranche un conseiller ministériel qui ne fait pas dans le sentiment.

"Celui qui vous dira qu'il a ramené plus dans son bureau que sa tasse à café vous ment. Depuis le départ, on est tous sur un siège éjectable et on le sait. C'est juste que ça arrive un peu plus vite que prévu", regrette l'un de ses collègues.

Pas de quoi décontenancer celui qui reste encore aux manettes de Matignon. "Je me battrai comme un chien" pour continuer à rester Premier ministre a déjà mis en garde le Premier ministre dans un entretien à L'Express.

Marie-Pierre Bourgeois avec Loïc Besson