Devenu Premier ministre, Bayrou reste maire de Pau et brise la tradition qui existait depuis 30 ans

Un geste très rare. François Bayrou a décidé de rester maire de Pau en parallèle de son poste de Premier ministre, comme il l'a fait savoir ce lundi 16 décembre devant son conseil municipal. Si rien ne l'interdit dans la loi, le cas ne s'est plus présenté ces 30 dernières années.
Aucun locataire de Matignon n'est en effet resté à la tête de sa commune depuis Alain Juppé en 1995. Alors maire de Bordeaux, le protégé de Jacques Chirac avait décidé de se maintenir à son poste.
Un "mur de verre" entre les Français et leurs élus
Il mettait ainsi ses pas dans celui du chef de l'État. Entre 1986 et 1988, Jacques Chirac qui était à l'époque chef du gouvernement, s'était lui aussi maintenu à l'Hôtel de ville de Paris.
Depuis la donne a changé. Jean-Marc Ayrault à Nantes, Jean Castex à Prades, Édouard Philippe au Havre... Ces dernières années, tous ses prédécesseurs qui avaient un mandat de maire ont décidé de laisser leur fauteuil à leur suppléant.
Le nouveau chef du gouvernement a justifié sa position "par la rupture entre la base de la société française" et "les milieux de pouvoir", ce "mur de verre" qui nourrit "une défiance profonde à l'égard du monde politique, toutes formations confondues".
"Il faut ré-enraciner les responsabilités politiques, dans les villages, les quartiers, les villes", a-t-il encore insisté.
L'un des principaux opposants au cumul des mandats
Pour convaincre, François Bayrou n'a pas hésité à remonter le temps en piochant d'en de lointains exemples, de Jacques Chaban-Delmas resté maire de Bordeaux entre 1969 et 1972 ou Pierre Mauroy, toujours à la tête de Lille entre 1981 et 1984.
La volonté de François Bayrou de se maintenir à Pau est d'autant plus symbolique qu'il a été l'un des principaux contempteurs du cumul des mandats sur la scène politique. En 2007, il était ainsi le seul candidat à la présidentielle à exiger la fin du cumul entre un mandat de maire et une fonction de parlementaire.
La mesure a été votée sous François Hollande et a commencé à s'appliquer en 2017. Il n'est désormais plus possible d'être député ou sénateur tout en dirigeant un exécutif local comme une mairie, une agglomération, un conseil départemental ou régional.
Depuis, le centriste a mis de l'eau dans son vin. En 2022, dans les colonnes du Point, il estimait que la mesure a "rompu tout lien entre la démocratie locale et la démocratie nationale".
Pas "une urgence absolue" pour les macronistes
De quoi donc encourager le patron du Modem, pour sa toute première prise de parole depuis la passation de pouvoir, à un long plaidoyer pour le retour du cumul des mandats, depuis sa mairie de Pau.
Le choix peut interroger. Entre Mayotte, durement touché par un cyclone le week-end dernier, les difficultés de pouvoir d'achat des Français et un budget 2025 à faire voter dans une Assemblée nationale très fragmentée, le sujet ne semblait pas être en "urgence absolue" pour reprendre l'expression des députés Renaissance réunis ce mardi matin en réunion de groupe.
Preuve d'un tempo hasardeux: l'annonce a suscité une polémique à gauche, mais également dans le reste de l'échiquier politique. Au sein même du Modem, rares sont les députés à le défendre ouvertement.
Le député Richard Ramos, l'un de ses très proches, a même reconnu du bout des lèvres que la manœuvre était "peut-être malhabile" sur BFMTV.
Le jeu en vaut-il la chandelle ? Tous les Premiers ministres qui avaient quitté leur mairie sont tous redevenus maires sans aucune difficulté, souvent à l'issue d'un conseil municipal exceptionnel.