Peine d'inéligibilité immédiate: Marine Le Pen à nouveau déboutée par le Conseil d'État

La cheffe de file du Rassemblement national, Marine Le Pen, lors du congrès des sapeurs-pompiers au Mans, le 10 octobre 2025 dans la Sarthe - JEAN-FRANCOIS MONIER © 2019 AFP
Et de trois. Après deux avis négatifs du Conseil d'État, Marine Le Pen essuie un nouveau revers. Les juges ont estimé ce mercredi 15 octobre dans une décision que l'ex-candidate à la présidentielle ne pouvait demander à François Bayrou, désormais ex-Premier Ministre, d'abroger les dispositions qui ont permis à la justice de la condamner en première instance à une peine d'inéligibilité immédiate de 5 ans en mars dernier pour avoir été reconnue coupable de détournement de fonds publics.
À l'instant T, la présidente des députés RN ne peut pas se représenter devant les suffrages des électeurs, que ce soit pour des législatives, une élection municipale, régionale, départementale, ou une élection présidentielle. Concrètement, sa candidature en 2027 est donc pour l'instant impossible. L'élue du Pas-de-Calais a cependant fait appel et son second procès se déroulera à partir du 13 janvier prochain.
Un appel en janvier prochain
Dans sa requête, la présidente des députés RN attaque le refus de l'ex-Premier ministre François Bayrou, alors en poste, d’abroger des articles réglementaires du code électoral qui permettent de prononcer une peine d'inéligibilité avec exécution immédiate. Elle estime que ces dispositions sont contraires à "la liberté de candidature" et à "la liberté des électeurs".
"Le Conseil d’État rejette ce recours car celui-ci ne recherchait pas tant l’abrogation de dispositions réglementaires que la modification de la loi, ce qui excède les pouvoirs du Premier ministre qui ne pouvait donc que rejeter la demande de Madame Le Pen", peut-on lire dans le communiqué de presse de l'institution.
Pour modifier la loi, il faut en effet passer par le Parlement. En juin dernier, le président des députés Union des droites Éric Ciotti avait bien tenté de faire voter une proposition de loi pour interdire l'exécution immédiate des peines d'inéligibilité. Celle-ci ayant été vidée au fur et à mesure de sa substance pendant les débats, l'allié de Marine Le Pen l'avait finalement retiré.
Bataille juridique
Depuis la décision du tribunal en première instance, la patronne des députés RN a entamé une bataille juridique. Outre l'inéligibilité, elle a également été condamnée à quatre ans d'emprisonnement dont deux avec sursis et 100.000 euros d'amende, mais sans exécution immédiate sur ces points. Il lui est reproché d'être au centre d'un système mis en place pour rémunérer des salariés du parti avec l'argent du Parlement européen, à hauteur de 4 millions d'euros entre 2004 et 2016.
Elle compte d'abord sur son procès en appel qui est prévu pour le début de l'année prochaine. Elle est également en plein marathon juridique devant le Conseil constitutionnel comme devant le Conseil d'État.
Dans la décision rendue ce mardi, Marine Le Pen estimait que le code électoral français qui permet donc de rendre impossible qu'un élu puisse se représenter devant le suffrage universel, même en cas d'appel, ne respectait pas la Convention européenne des droits de l'homme.
Elle citait ainsi l'article 6 de ce texte, souvent vivement critiqué par le RN, indiquant que "toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie". La quinquagénaire juge que la présomption d'innocence n'est pas respectée puisque sa peine d'inéligibilité s'applique dès la première instance. L'argumentation n'a pas convaincu le Conseil d'État.
"Aux termes de l’article 25 de la Constitution, la loi organique fixe 'les conditions d’éligibilité' et 'le régime des inéligibilités' pour l’élection des députés et des sénateurs", rappelle ainsi l'institution.
D'autres recours dans les tuyaux
Marine Le Pen est également déboutée de sa demande de question prioritaire de constitutionnalité, ce dispositif qui permet de demander au Conseil constitutionnel de dire si une disposition législative est conforme ou non à la Loi fondamentale.
Elle espérait en effet que le Conseil d'État, qui joue le rôle de filtre, la transmette. On ne peut pas estimer que la peine d'inéligibilité "porterait atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution", précise le Conseil d'État.
Marine Le Pen peut cependant toujours continuer à déposer des recours devant le Conseil d'État. La cheffe des députés RN a également indiqué vouloir saisir la Cour européenne des droits de l'homme pour faire valoir que le jugement "crée un préjudice irréparable".
Une relaxe en seconde instance de l'ex-candidate à la présidentielle, peu probable sur le papier, lui permettrait de se présenter en 2027. Si sa condamnation était à l'inverse confirmée voire alourdie et si elle décidait de se présenter malgré tout, la validité de sa candidature à la présidentielle serait alors examinée par le Conseil constitutionnel, seul juge des élections nationales.
Marine Le Pen pourrait alors former devant lui un recours contre un refus de candidature pour tenter de se présenter coûte que coûte devant les électeurs.
La cheffe de file du RN attend désormais encore les résultats de son recours sur sa démission d'office de son mandat de conseillère départementale. Le tribunal administratif de Lille avait confirmé en juin la démission de Marine Le Pen de son mandat. Elle avait annoncé via son avocat qu'elle faisait appel de cette décision devant le Conseil d'État.