Bureau politique, bureau exécutif: ce qui attend Jean-Marie Le Pen

Jean-Marie Le Pen, le 23 mars 2014. - Kenzo Tribouillard - AFP
Jean-Marie Le Pen s’attendait-il à de telles répercussions en s’exprimant dans les colonnes du journal d’extrême droite Rivarol ? En rupture totale avec la stratégie de dédiabolisation mise en place par Marine Le Pen depuis qu’elle a repris les rênes du parti, ses saillies ont en tout cas mis le feu au Front national et déclenché une violente guerre familiale.
Agacée par ses "récidives", sa fille s’est non seulement désolidarisée après cet énième dérapage, mais a pour la première fois annoncé des sanctions à son encontre. Possible éviction de la liste FN pour les régionales en Paca lors d’un bureau politique le 17 avril, convocation en "procédure disciplinaire" devant le bureau exécutif... BFMTV.com fait le point sur ce qui attend le fondateur et président d’honneur de la formation d’extrême droite.
> Bureau politique du 17 avril: vers une éviction en Paca?
La première sanction contre Jean-Marie Le Pen pourrait tomber d’ici une semaine: le bureau politique du parti tranchera vendredi prochain sur sa candidature en tant que tête de liste du FN en Paca pour les élections régionales de décembre prochain. "Je m'opposerai, lors du bureau politique du 17 avril (...) à sa candidature en Provence-Alpes-Côte d'Azur", a prévenu Marine Le Pen dans un communiqué mercredi. Une volonté qu’elle a martelée jeudi soir au 20 heures de TF1.
Lors de cette réunion, la patronne du parti affrontera son père, 86 ans, membre de droit de toutes les instances en tant que président d’honneur, conformément à l’article 19 des statuts révisés du Front national. Tous les membres du bureau exécutif, sorte de gouvernement resserré, siègent également au bureau politique, le "conseil d’administration" du parti. En tout, 44 personnes composent actuellement le bureau politique. Le vote aura lieu "à main levée et à la majorité", explique Alain Vizier, directeur de la communication du FN, contacté par BFMTV.com. "Pour la validité des délibérations, le quart au moins de ses membres doit être présent", précise l’article 14 des statuts.
Un certain nombre de frontistes vont donc devoir choisir entre un soutien à Marine Le Pen ou à Jean-Marie Le Pen. Le rapport de forces s’annonce a priori favorable à la présidente du parti. Au sein du bureau politique, Bruno Gollnisch - rival de Marine Le Pen pour la présidence du parti en 2011 - est pour l’heure le seul à avoir publiquement volé au secours du patriarche frontiste, expliquant qu’il n’y avait "aucune raison de sacrifier quelque composante" du mouvement "en raison d'une diabolisation artificiellement entretenue".
Sur RTL vendredi matin, Jean-Marie Le Pen a averti qu’il entendant bien "défendre" sa candidature devant le bureau politique. Mais "sans trop d'illusion, car le 'BP' a été nommé par Marine Le Pen", a-t-il lui-même reconnu. Alors que sa petite-fille, la députée du Vaucluse Marion Maréchal-Le Pen, pourrait prendre la tête de liste FN en Paca, le "Menhir" laisse toutefois planer le doute sur son intention de se présenter sans l’étiquette du parti qu’il a fondé en 1972. "C'est à voir, c'est sur le champ des réflexions", a-t-il ajouté au micro de la radio.
> Convoqué en "procédure disciplinaire" devant le bureau exécutif
Mais une sanction bien plus lourde pourrait suivre. Pour mettre fin au bras de fer engagé avec son père, Marine Le Pen a annoncé jeudi soir sur TF1 qu’il serait convoqué "devant le bureau exécutif", l'instance suprême du parti, "siégeant en sa qualité de structure disciplinaire". C’est là que sera posée la question d’une exclusion de celui qui a été à la tête du parti pendant près de 40 ans.
Le calendrier n’a pas encore été arrêté, mais ce bureau exécutif se tiendra "à une date ultérieure" au bureau politique, indique Alain Vizier, précisant qu'"il faut attendre au moins quinze jours". Neuf membres composent le bureau exécutif, sorte de gouvernement resserré du parti: la présidente Marine Le Pen, le président d’honneur Jean-Marie Le Pen (membre de droit), le secrétaire général Nicolas Bay, le trésorier Wallerand de Saint-Just et les vice-présidents Florian Philippot, Louis Aliot, Steeve Briois, Marie-Christine Arnautu et Jean-François Jalkh.
L’instance semble ici aussi acquise à Marine Le Pen: Louis Aliot est son compagnon, son bras droit Florian Philippot est très hostile à Jean-Marie Le Pen, évoquant même ces derniers jours "une rupture totale et définitive" entre le parti et lui. Amie de longue date du père, Marie-Christine Arnautu pourrait bien se retrouver quelque peu isolée.
Les débats auront lieu "à huis clos", annonce à BFMTV Nicolas Bay. La sanction pourra "aller du blâme, jusqu’à la suspension, jusqu’à l’exclusion", explique par ailleurs le député proche du FN Gilbert Collard. En effet, selon l’article 19 des statuts du FN, "en cas de faute grave", le bureau exécutif peut, "sur proposition de son président et à la majorité suspendre provisoirement ou même exclure un de ses membres". Dans les statuts, datant de 2011, il n'y a en revanche pas de procédure pour retirer à son titulaire le titre de "président d'honneur".
La formation d’extrême droite ira-t-elle jusqu’à mettre à la porte celui qui l’a mise sur pied? "Toutes les options sont sur la table", a assuré Florian Philippot. Le Pen père, lui, a mis en garde contre une décision "complètement folle", porteuse d'un "risque d'implosion" du FN. En cas d'exclusion, "le prestige que je conserve assez naturellement au sein du FN provoquera des remous considérables et pour elle (Marine Le Pen, ndlr), une perte d'influence qu'elle ne mesure sans doute pas". Voilà sans doute la raison pour laquelle Louis Aliot a dit n'y être "pas favorable". Et pourquoi Marine Le Pen a appelé son père à se retirer de son propre chef, l’invitant à "faire preuve de sagesse, de tirer les conséquences du trouble qu'il a lui-même créé et peut-être arrêter ses responsabilités politiques".