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Macron-Le Pen: pourquoi le duel du second tour de 2022 s'annonce très différent de celui de 2017

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Si l'affiche est la même que lors de la dernière élection présidentielle, le paysage politique a profondément évolué en l'espace de 5 ans. La candidate du RN est notamment parvenue à normaliser son image. Le front républicain semble plus incertain que jamais.

Un sentiment de déjà-vu bien trompeur. Alors que le duel du second tour oppose à nouveau Emmanuel Macron et Marine Le Pen comme lors de la précédente présidentielle, la donne est très différente en 2022: en témoignent les sondages, comme notre étude Elabe pour BFMTV et L'Express avec notre partenaire SFR, qui annoncent un face-à-face bien plus serré. BFMTV.com vous explique les différences entre cette affiche et celle de 2017.

• Une image profondément modifiée pour la candidate

Photos de chats qui saturent son Instagram, des badauds très heureux de la croiser sur un marché, ses confidences autour de sa vie de célibataire et ses dîners avec sa colocataire... À l'exception de son déplacement chahuté en Guadeloupe, Marine Le Pen, qui s'est retirée temporairement de la présidence du parti, a présenté ces derniers mois le visage d'une candidate très lisse.

"Elle a en effet policé son image personnelle, apparaît moins tranchante, fait campagne autour des 'vraies gens', dans des petites villes", explique le politologue Jean-Yves Camus, spécialiste de l'extrême droite, à BFMTV.com.

La campagne de 2017 avait eu un tout autre goût entre plusieurs affaires judiciaires qui la visaient, sa reculade sur la sortie de la France de la zone euro et de l'Union européenne et de fortes tensions dans son équipe entre Marion Maréchal et Florian Philippot. Pour réussir sa mue, Marine Le Pen a axé cette fois-ci toute sa campagne sur le pouvoir d'achat tout en étant en service minimum sur les thématiques plus identifiés du RN comme la lutte contre l'insécurité ou la réduction drastique de toute immigration.

Si son programme sur le fond n'a pas changé, Marine Le Pen a également été servie par la candidature d'Éric Zemmour. Elle a laissé les polémiques au patron de Reconquête, persuadée depuis le début que "les Français ne veulent plus du bruit et de la fureur", comme elle l'a tant de fois répété. "Il a fait un peu paratonnerre par ses outrances, ses provocations à la Le Pen père", note Philippe Oliveier, conseiller politique de Marine Le Pen.

• Des réserves des voix pour Marine Le Pen

Au premier tour en 2017, Marine Le Pen a récolté 21,30% des voix et 33,90% au second tour, une progression relativement faible qui montre qu'elle n'était alors pas parvenue à élargir son socle électoral. Emmanuel Macron était, lui, passé de 24,01% à 66,10%. Cette année, la situation est très différente, notamment avec la candidature d'Éric Zemmour.

Une partie de son score de 7,3% au premier tour devrait se reporter vers Marine Le Pen: selon notre sondage Elabe pour BFMTV et L'Express réalisé avec notre partenaire SFR, 86% de ses électeurs devraient se tourner vers le Rassemblement national au second tour.

Il est également possible que des sympathisants de Valérie Pécresse qui a fait une campagne tournée vers la sécurité puissent se tourner vers le RN au second tour: toujours selon notre sondage Elabe, ils sont 40% à être tentés par cette option, contre 44% à se diriger vers Emmanuel Macron et 16% pour l'abstention.

S'ajoutent également certains partisans de Jean-Luc Mélenchon, même si l'insoumis a affirmé que "pas une seule voix" ne doit aller à Marine Le Pen: 34% de ses électeurs pourraient se tourner vers l'extrême droite au second, contre 35% vers Emmanuel Macron et 31% vers l'abstention, selon notre sondage Elabe.

Le président-candidat a de son côté déjà fait le plein des voix au premier tour avec 28,2% des voix. L'élargissement de sa base électorale pourrait s'avérer moins important qu'en 2017.

• Un front républicain plus difficile à mettre en place

Alors que plusieurs candidats avaient annoncé voter pour Emmanuel Macron dès le soir du premier tour comme François Fillon et Benoît Hamon en 2017, Marine Le Pen faisant figure de repoussoir, la situation n'est plus la même. "Ça va être un duel difficile car il n'y aura pas de front républicain", craignait un conseiller d'Emmanuel Macron avant le premier tour. "Son entreprise de dédiabolisation a bien fonctionné."

"Le front républicain avait déjà du plomb dans l'aile en 2017 mais il est désormais en état de mort clinique", estimait Bernard Sananès, le patron de l'institut de sondages Elabe sur BFMTV le 6 avril dernier.

Sur les bancs du RN, on se dit d'ailleurs convaincu que le candidat ou la candidate qui gagnera sera celui ou celle qui "suscite le moins de rejet". Les Français qui voteront pour faire barrage à l’une ou l’autre sont désormais plus nombreux à vouloir s'opposer à Emmanuel Macron (19%) qu’à Marine Le Pen (18%) d'après une étude Odoxa pour L'Obs.

Certes, de nombreux candidats malheureux au premier tour ont appelé à voter pour Emmanuel Macron, à l'image de Valérie Pécresse. Mais la consigne est parfois modérement suivi dans leur propre camp: le député LR Eric Ciotti a par exemple déjà annoncé qu'il ne "soutiendra pas le président-sortant, ne se "reconnais(sant) pas dans sa politique".

• Un bilan à attaquer

Au sortir de son quinquennat, Emmanuel Macron a un bilan sur lequel la candidate compte bien s'appuyer pour le critiquer. Marine Le Pen en a donné une illustration dans le discours de son dernier meeting de campagne à Perpignan jeudi soir: 

"Ne soyez pas amnésiques, n’oubliez pas ce que vous avez vécu, les Gilets jaunes, les retraités appauvris, les ouvrières humiliées, les jeunes à qui on a pris deux ans de liberté de manière pas toujours justifiée, ces enfants qu’on a masqués dans les écoles, ces familles qu’on a abandonnées, ces territoires que l’on a oubliés, ces Français dont on disait qu’ils 'n’étaient rien' ou qu’ils étaient 'non essentiels'", a-t-elle listé.

• Un débat d'entre-deux tours probablement très différent

Sortie laminée de son débat d'entre-deux tours en 2017 lors duquel elle était apparue nerveuse, parfois agressive et mal à l'aise sur plusieurs dossiers, Marine Le Pen a appris de ses erreurs. Alors qu'elle avait confessé être arrivée "très fatiguée" le jour J, son équipe a allégé son agenda lors de cette campagne, afin qu'elle puisse récupérer entre ses meetings et ses déplacements.

De l'autre côté, Emmanuel Macron, qui a refusé tout débat avec ses concurrents avant le premier tour, devra justifier son bilan. Au sein de La République en marche, on se dit conscient de la difficulté de l'exercice. "Quoi qu'elle dise, quoi qu'elle fasse, elle a été tellement mauvaise il y a cinq ans qu'elle sortira gagnante cette fois", confiait un membre de la campagne à BFMTV.

Marie-Pierre Bourgeois et Loic Besson