Être réélu sans faire campagne serait-il un bon calcul pour Emmanuel Macron?

Une affiche de campagne d'Emmanuel Macron à Marseille lors d'une réunion publique le 12 mars 2022 - CLEMENT MAHOUDEAU / AFP
Alors que tous les sondages annoncent la réélection dans un fauteuil d'Emmanuel Macron, certains sur les bancs de la macronie s'inquiètent. Que peut donner un second quinquennat avec un président qui n'a pas vraiment fait campagne, sans programme clair? Faut-il craindre de vastes mobilisations sociales après le second tour? Éléments de réponse.
"On peut voir les choses de deux façons. Soit on se dit que c'est une bonne nouvelle pour nous de faire une campagne en pointillé, que ça nous laissera les mains libres pour faire les réformes qu'on veut. Ou, au contraire, on se dit que le débat qui n'aura pas vraiment eu lieu pendant la présidentielle se fera finalement à un autre moment, dans la rue", résume à grand trait à BFMTV.com un parlementaire de l'aile gauche de la majorité.
L'explosive réforme des retraites
Le candidat lui-même ne semble pas avoir tranché. À côté d'annonces relativement modestes depuis le début de son entrée en campagne, il a ainsi posé sur la table un sujet hautement explosif: l'allongement de l'âge de départ à la retraite à 65 ans. Dans sa "lettre aux Français", le chef de l'État appelait également "à travailler plus", laissant entendre une possible réforme du temps de travail.
Autant de projets potentiellement inflammables alors que les syndicats étaient vent debout contre la réforme des retraites en 2019 et que la moitié des Français veulent maintenir les 35 heures d'après un sondage Ifop.
"Toute la question est la façon dont il va gouverner en cas de second mandat. Sera-t-il un président super Premier ministre qui va décider de tout comme il l'a fait pendant 5 ans? Si oui, il court à nouveau le risque de cristalliser les mécontentements portés par ce type de réformes", juge auprès de BFMTV.com le directeur du Cevipof, Martial Foucault.
Macron veut "associer davantage"
Conscient de ce risque, alors que sa méthode de gouvernement a souvent été jugée trop verticale, peu à l'écoute des corps intermédiaires et des élus locaux, Emmanuel Macron promet de changer.
"Je veux que notre projet puisse reposer sur une méthode associant davantage nos compatriotes, dans la durée, y compris le lendemain de l'élection, en leur donnant une place comme véritables acteurs", a-t-il assuré dans une vidéo diffusée samedi dans plusieurs réunions publiques.
C'est que le locataire de l'Élysée sait que les lendemains d'élection sont particulièrement propices aux mobilisations sociales. Quelques mois après l'arrivée de Jacques Chirac rue du Faubourg Saint-Honoré en 1995, des millions de Français sont descendus dans la rue pour s'opposer au "plan Juppé" sur la Sécurité sociale et les retraites. En novembre 2002, les routiers bloquent la France avant qu'en mars 2003, d'importantes manifestations contre la réforme Fillon sur les retraites n'aient lieu.
Un contexte social inflammable
Plusieurs éléments pourraient d'ailleurs cristalliser d'éventuelles mobilisations sociales, au-delà des réformes, à commencer par la hausse des prix de l'énergie. Les prix du gaz pourraient par exemple augmenter de 70% si l'Europe devait cesser d'en importer depuis la Russie. Michel-Edouard Leclerc, le patron des centres Leclerc a annoncé de son côté une hausse entre 3 et 3,5% pour les prix en grande surface ce vendredi sur BFMTV.
Le changement de méthode pour éviter toute mobilisation sociale laisse cependant dubitatif Bruno Cautrès.
"Faire une sorte de grand débat permanent, un peu à la façon de la sortie de crise de Gilets jaunes, pourquoi pas? Mais je n'ai pas l'impression que les remarques qui lui ont été faites à ce moment-là ont changé grand-chose. Et puis, si les Français lui disent qu'ils ne sont pas d'accord avec lui sur la réforme des retraites, va-t-il vraiment changer d'avis? Il court le risque de fruster encore plus", avance le chercheur en science politique du CNRS.
La police et la gendarmerie très mobilisées en cas de mouvement social
Autre sujet sur la table: la faisabilité de grandes manifestations. L'évolution de la doctrine du maintien de l'ordre ces dernières années, après le mouvement des Gilets jaunes, a changé la donne. Pour le convoi des Libertés qui appelait à bloquer Paris le 12 février dernier, plus de 7000 policiers par exemple avaient été déployés pour environ 4000 manifestants.
"Les forces de répression (la police et la gendarmerie NDLR) seraient en mesure de répondre très vite à toute tentative de mobilisation. J'ai du mal à me dire qu'une forte grève autour des retraites par exemple n'entraînerait pas de réaction policière forte", avance le sondeur et politologue Jérôme Sainte-Marie à BFMTV.com.
Du côté des syndicats, on bande les muscles en prévision d'éventuels mouvements sociaux. "La réforme des retraites, si elle a lieu, est une mesure profondément injuste", a déjà prévenu Laurent Berger, le patron de la CFDT ce lundi matin sur Europe 1.