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Police-Justice

Violences sur les Champs-Elysées: "J'ai eu un coup de sang", plaide un gilet jaune

Entre 250 et 300 personnes ont été placées en garde à vue samedi à la suite des violences qui ont émaillé le 18e week-end de mobilisation des gilets jaunes. 58 prévenus sont passés en comparution immédiate lundi, mais les manifestants les plus radicaux ont échappé aux interpellation, laissant à la barre des individus pris de remords.

Des pierres "en souvenir" pour sa mère? C’est ce qu’a argué à la barre Vincent, arrêté près de l'Arc de Triomphe samedi soir avec des morceaux de bitume et de marbre dans les poches. Peu persuasif devant le prétoire, le jeune homme de 20 ans a été condamné lundi à de la prison ferme. Les prévenus sont nombreux à défiler devant le tribunal correctionnel de Paris après les violences qui ont éclaté sur les Champs-Elysées lors du 18e week-end de mobilisation des gilets jaunes. Mais peu d’entre eux font partie des black-blocs.

"Dichotomie terrible"

Pour la plupart, il s’agit de sympathisants du mouvement qui ont laissé faire ou ont participé aux violences sans pour autant en être les leaders. "Il y a une dichotomie terrible entre ce qu'on a vu à la télévision ce week-end et les dossiers présentés", a plaidé l’avocat de plusieurs prévenus.

"Les individus violents sont excessivement bien organisés: ils manifestent en noir, se changent au coin de la rue pour ne pas être repérés, connaissent toutes les techniques pour éviter de laisser leurs empreintes.(...) Ceux qui sont ici n'appartiennent pas à ces groupes-là", a-t-il affirmé.

Les 58 personnes passées en comparution immédiate sont pour la majorité des hommes âgés de 19 à 35 ans, sans antécédent judiciaire, venus de province manifester dans la capitale, parfois pour la première fois. Vincent s'est d’ailleurs défendu d'être un casseur: "Je suis un ‘street medic’. (...) Je soigne les manifestants et les forces de l'ordre", a-t-il assuré, faisant référence aux bénévoles qui portent secours aux blessés dans les manifestations des gilets jaunes avant l'arrivée des pompiers.

"Je le faisais aussi sur les manifestations à Caen", sa ville d'origine, a continué le prévenu. Mais pourquoi alors avait-il des pierres dans ses poches? "C'était en souvenir pour ma mère, en souvenir de la manifestation". "Dans le passé, on avait des morceaux du mur de Berlin", lui a rétorqué, ironique, la présidente Isabelle Prévost-Desprez.

"Il faut arrêter de nous prendre pour des imbéciles: c'était des projectiles", a tranché le procureur.

Des réquisitions sévères

La plupart des prévenus - poursuivis pour participation à un groupement en vue de commettre des violences - ont exprimé des regrets à la barre. Mais leurs excuses n’ont pas suffi à amadouer le procureur qui a fait preuve de fermeté dans ses paroles comme dans ses réquisitions: il a principalement réclamé des peines de prison ferme avec mandat de dépôt.

"Je vois un parquet qui prend le relais de la police et du pouvoir politique", a dénoncé un autre avocat, cinglant: "On vous demande d'envoyer en prison pour satisfaire une opinion publique."

Les présidents des chambres ont, pour leur part, fait preuve de plus de souplesse en prononçant principalement des peine de prison avec sursis. Le cas de Vincent, condamné à de la prison ferme, s'est donc distingué de celui des autres prévenus dans cette salle d'audience. 

Raphaël, 32 ans, apiculteur originaire du Loiret, a été arrêté près des Champs Elysées avec une veste Morgan et un jogging Nike portant des anti-vol. "Je les ai ramassés par terre bêtement", affirme celui qui venait manifester à Paris "pour la première fois" pour relancer le mouvement des gilets jaunes. Il a été condamné à trois mois de prison avec sursis avec l'interdiction de paraître à Paris pendant un an. Une manière pour le tribunal de se prémunir contre les risques de récidive.

1550 comparutions immédiates en 4 mois

Clément, 23 ans, a été interpellé après avoir jeté une bouteille en verre tombée au pied des forces de l'ordre, près de la Concorde.

"J'ai eu un coup de sang. J'ai lancé la bière en cloche, comme ça. (...) Rester pacifique en prenant ces gaz, c'est assez compliqué", s’exclame ce jardinier paysagiste qui travaille en interim à Angers et gagne moins de 1000 euros par mois.

Il a été condamné à une peine de six mois de prison assortie d'un sursis et d’une mise à l'épreuve.

Depuis le début de cette crise sociale sans précédent et jusqu'au 12 décembre, près de 1550 affaires ont été jugées en comparution immédiate et ont donné lieu à 354 mandats de dépôt, a indiqué la chancellerie. Environ 40% des condamnations débouché sur des peines de prison ferme et 60% sur des peines alternatives (du sursis ou encore des travaux d’intérêt général). Les comparutions immédiates doivent se poursuivre ce mardi.

Ambre Lepoivre avec AFP