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"Tout le monde s'est retrouvé en Delphine Jubillar": pourquoi cette affaire a tant mobilisé le public

Une marche blanche en mémoire de Delphine Jubillar, à Cagnac-les-mines, le 19 décembre 2021

Une marche blanche en mémoire de Delphine Jubillar, à Cagnac-les-mines, le 19 décembre 2021 - FRED SCHEIBER © 2019 AFP

Dès les jours qui ont suivi la disparition de l'infirmière de 33 ans à Cagnac-les-Mines (Tarn), dans la nuit du 15 au 16 décembre 2020, de très nombreux volontaires ont pris part aux battues citoyennes organisées par ses proches. Alors que le procès de Cédric Jubillar s'ouvre ce lundi 22 septembre à Albi, l'intérêt autour de l'affaire ne faiblit pas.

Comme des millions de Français, Jérémie a découvert l'histoire de Delphine Jubillar à la télévision, juste après sa disparition. "Je me suis aperçu que je l'avais déjà croisée trois ou quatre fois. Je suis d'Albi et je montais régulièrement à Cagnac-les-Mines à l'époque" pour le travail, raconte-t-il. "J'étais touché par cette affaire, cette mère de famille qui disparaît subitement, qui laisse des enfants. Je me suis dit 'il va falloir que j'agisse'."

Il se sent alors investi d'une mission: celle de prêter main-forte aux proches de l'infirmière en participant aux recherches. Les premiers mois, il prend donc part aux battues au même titre que des milliers de bénévoles. Peu à peu, il prend l'habitude de poursuivre seul, chaque jour, ses recherches.

Détecteur de métaux, caméras, petit bateau... Au fil des mois, il perfectionne son équipement en piochant dans ses économies. Aujourd'hui encore, Jérémie ne baisse pas les bras et consacre "un jour sur deux" à ses recherches. "Je compte continuer après le procès si M. Jubillar reste dans ses mensonges."

Cédric Jubillar va-t-il enfin sortir du silence ? - 14/09
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Alors que s'ouvre ce lundi 22 septembre le procès du mari de la disparue, Cédric Jubillar, détenu depuis juin 2021 à à la maison d'arrêt de Seysses (Haute-Garonne), de nombreux Français à l'image de Jérémie se sont mobilisés pour Delphine, derrière leur écran comme sur le terrain.

Delphine Jubillar, "girl next door"

23 décembre 2020. Déjà plus d'une semaine que Delphine Jubillar n'a plus donné signe de vie, se volatilisant dans la nuit du 15 au 16 décembre en laissant presque toutes ses affaires derrière elle. Malgré l'important dispositif de recherches déployé par les gendarmes à Cagnac-les-Mines et dans les alentours, aucun indice sur sa localisation n'a été repéré.

Après la diffusion d'un appel à témoins à l'échelle nationale, les proches de l'infirmière lancent un appel à la mobilisation et organisent une battue citoyenne. Plus d'un millier de personnes, riverains, bénévoles, associations, chasseurs, font le déplacement dans cette commune d'environ 2.500 habitants. Ensemble, en se répartissant dans un rayon de 4 à 5 kilomètres autour du domicile de la disparue, ils ratissent en vain la zone à la recherche du moindre indice.

Les recherches de Delphine Jubillar, après sa disparition, le 23 décembre 2020 à Cagnac-les-Mines, près d'Albi.
Les recherches de Delphine Jubillar, après sa disparition, le 23 décembre 2020 à Cagnac-les-Mines, près d'Albi. © Fred SCHEIBER / AFP
Les recherches de Delphine Jubillar, après sa disparition, le 23 décembre 2020 à Cagnac-les-Mines, près d'Albi.
Les recherches de Delphine Jubillar, après sa disparition, le 23 décembre 2020 à Cagnac-les-Mines, près d'Albi. © FRED SCHEIBER / AFP

Si l'affaire suscite un fort intérêt dès ses prémices, c'est en partie parce qu'elle débute moins d'un mois après la condamnation de Jonathann Daval à 25 ans de réclusion pour le meurtre de son épouse Alexia. L'histoire de la disparition mystérieuse de cette joggeuse, dont le corps a finalement été retrouvé calciné après les aveux de son mari, est encore ancrée dans les esprits.

À cela s'ajoute le profil de Delphine Jubillar, celui d'une femme à la vie assez classique, à laquelle beaucoup peuvent facilement s'identifier. "Delphine, ça peut être une sœur, une cousine, tout le monde se sent touché. Elle était dans le médical, en plus, il y a une affection des gens pour ce genre de métier", commente Jérémie. "Au fil du temps, c'est un peu comme si je l'avais connue."

"C'était la girl next door (à comprendre, "la fille d'à côté", NDLR)", résume de son côté Me Philippe Pressecq, avocat de la cousine de Delphine Jubillar. "33 ans, mariée, infirmière, deux enfants, un amant. Tout le monde s'est retrouvé dans Delphine Jubillar."

"On ne pense qu'à ça"

Sur des groupes Facebook qui réunissent plusieurs milliers de personnes, les internautes partagent aussi leurs soupçons, parfois les plus farfelus ("Le meurtrier de Delphine a procédé par empoisonnement pour la tuer avant d'aller la jeter dans la forêt", affirmait l'un d'entre eux en 2021), relaient chaque article de presse, soulignent les détails qui leur sautent aux yeux.

Sans être de la police ou de la gendarmerie, ils s'improvisent enquêteurs, collectent les informations, disent connaître le dossier sur le bout des doigts à force de recouper les informations glanées dans la presse. Chaque nouveau rebondissement dans le dossier apporte son lot de réactions, commentaires, hypothèses.

C'est via l'un de ces groupes que quelques amies de Delphine Jubillar sont parvenues à mobiliser de nombreuses personnes, organisant de nombreuses battues et appelant les volontaires à y prendre part en masse. "Le village de Cagnac est toujours très touché par la disparition de Delphine", témoignait l'une d'elles auprès de BFMTV en 2021. "Nous n’oublions pas Delphine, nous continuerons à la chercher."

"On ne pense qu'à ça, ce n'est même plus une vie. Le matin se lever, tout le temps penser à elle, se coucher, dormir, en rêver la nuit. La chercher c'est tout ce qu'on peut faire", avait indiqué Emy, l'une d'entre elles, aux équipes de Ligne Rouge, dans le cadre du long-format Jubillar, pour le meilleur et pour le pire.

Une "extraordinaire" sororité

Souvent rejointes par d'autres femmes, les amies de l'infirmière ont cherché son corps sans relâche dans les environs de Cagnac-les-Mines. Auprès de BFMTV, Me Philippe Pressecq souligne d'ailleurs un "impressionnant" élan de mobilisation féminine sur cette affaire. "Toutes les femmes de la région et au-delà se sont mobilisées pour venir, gratter le sol tous les week-ends pour chercher le corps."

"Ça m'a marqué et ému. Il y a eu une ferveur féminine, une sororité extraordinaire dans ce dossier", poursuit l'avocat.

Alors que le procès s'ouvre ce lundi, la curiosité autour de l'affaire Jubillar ne faiblit pas. Sur certains groupes, les publications sont encore quotidiennes et suscitent beaucoup d'engagement. Jérémie, lui, annonce d'ores et déjà qu'il fera la queue devant le tribunal d'Albi en espérant avoir une place dans la salle d'audience. "Et si je ne peux pas, ce n'est pas grave: je ferai de nouvelles recherches."

Elisa Fernandez