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La fin d'un "cold case"? 31 ans après la mort de Nadège Desnoix, le procès de Pascal Lafolie s'ouvre dans l'Aisne

Nadège Desnoix, une adolescente de 17 ans, est morte poignardée en 1994 dans l'Aisne

Nadège Desnoix, une adolescente de 17 ans, est morte poignardée en 1994 dans l'Aisne - BFMTV

En mai 1994, le corps de Nadège Desnoix était découvert aux abords d'un sentier à Château-Thierry. La jeune femme est morte poignardée. Le meurtrier présumé a été interpellé 27 ans plus tard grâce à l'ADN. Son procès s'ouvre ce lundi 22 septembre devant la cour d'assises de l'Aisne.

30 novembre 2021, Vezin-le-Coquet (Ille-et-Vilaine). Pascal Lafolie est interpellé sur son lieu de travail et placé en garde à vue. Cet homme est suspecté d'avoir tué Nadège Desnoix, une adolescente de 17 ans dont le corps a été découvert en mai 1994 à Château-Thierry dans l'Aisne. Ce lundi 22 septembre, son procès pour le meurtre de l'adolescente s'ouvre devant la cour d'assises de l'Aisne. L'épilogue d'une affaire vieille de plus de trente ans.

Le 25 mai 1994, le corps de Nadège Desnoix est découvert par un promeneur aux abords d'un sentier à Château-Thierry, un chemin qu'empruntent régulièrement les élèves scolarisés au lycée Jules Verne de la ville.

Un chouchou glissé dans les cheveux

Le corps de l'adolescente de 17 ans est partiellement enfoui sous des feuillages. Nadège Desnoix est habillée. Ses vêtements sont immédiatement saisis et placés sous scellés. Un foulard en tissu bleu marine à pois blanc retient ses cheveux bruns en queue-de-cheval. Ce simple chouchou que l'adolescente s'est appliqué à glisser dans ses cheveux deviendra la clé de voûte de l'affaire, 27 ans plus tard.

Nadège Desnoix a été laissée pour morte après avoir été poignardée à huit reprises. Son cartable en cuir noir, un morceau de cordelette et une rose fraîchement cueillie sont découverts à proximité de l'adolescente. D'après les estimations, Nadège Desnoix est morte la veille de la découverte de son corps. Elle ne présente aucune lésion de défense, ni de marques d'agression sexuelle.

Qui a pu s'en prendre à elle? "On était convaincus que c'était quelqu'un dans son entourage", confie William Desnoix, le frère de l'adolescente à BFMTV. Il n'avait que 14 ans lorsque Nadège leur a été arrachée. "Ce jour-là, nous étions couchés dans une pièce attenante au salon. J'ai le souvenir d'avoir entendu frapper à la porte et s'en est suivi un cri déchirant de maman."

William Desnoix comprend qu'il s'est passé quelque chose de grave. Les parents apprennent aux enfants l'indicible: leur grande sœur est morte poignardée. "Nous avons passé l'intégralité de la nuit ensemble à pleurer et ensuite à essayer de comprendre. Et ça, ça a duré 27 ans."

Nadège Desnoix: 31 ans après, comment un foulard a relancé l'affaire
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14:25

"Elle était très joviale, solaire avec un sourire constant"

L'entourage de l'adolescente et des témoins sont rapidement entendus pour tenter de retracer son emploi du temps. Les parents de Nadège Desnoix et son frère l'ont vue pour la dernière fois le matin du 24 mai 1994, la veille de la découverte de son corps. Certains élèves du lycée disent l'avoir aperçue la même matinée aux abords de l'établissement scolaire.

Deux témoins l'auraient également vue "Chez Colette", le café du coin où les jeunes ont leurs habitudes. Un autre homme affirme de son côté l'avoir croisée à proximité dudit café à 13 heures, descendre une avenue et prendre la route qui la mènera jusqu'au sentier. Une seule chose est sûre: l'adolescente ne s’est pas rendue en cours l'après-midi.

Nadège Desnoix n'a pas d'ennemi connu. "C'était une jeune fille qui rentrait dans sa vie de jeune femme. Elle était très joviale, solaire avec un sourire constant. Elle aimait la vie, danser et chanter. Elle aimait aussi sa famille", relate William Desnoix avec lequel Nadège avait fait la fête deux jours avant sa mort pour la communion de leur petit frère.

Les enquêteurs mettent la main sur son journal intime. Ses petits secrets d'adolescente sont décortiqués: Nadège Desnoix a un petit ami. Ils se sont d’ailleurs vus pour la dernière fois la veille de sa mort.

Une série de suspects, autant de fausses pistes

Dès l'ouverture de l'enquête pour meurtre, plusieurs pistes sont passées en revue par le parquet de Soissons: l'agression par un exhibitionniste, son petit ami - rapidement mis hors de cause puisqu'il se trouvait à la caserne pour son service militaire -, son propre père, trois personnes au passé violent… Toutes sont refermées une à une.

En mars 1996, la célèbre émission "Témoin n°1" revient sur l'affaire Nadège Desnoix. Les appels se multiplient, mais n'apportent aucun nouvel élément.

"Cette affaire, ça n'a cessé d'être de l'illusion et de la désillusion, de l'espoir et du désespoir", souffle William Desnoix. "Il y a eu maintes et maintes pistes auxquelles on se rattachait. On se disait qu'on allait connaître la vérité…"

En 2004, l'implication de Michel Fourniret est également envisagée, l'Ogre des Ardennes et son épouse Monique Olivier étant passés aux abords de la ville. Une hypothèse finalement écartée. L'enquête s'enlise.

En 2011, les empreintes inconnues de sept hommes et d'une femme sont prélevés sur les vêtements de Nadège Desnoix lors de nouvelles analyses des scellés. Elles sont transmises au Fichier national automatisé des empreintes génétiques (Fnaeg), créé en 1998.

Identifié grâce à l'ADN

C'est un jour de septembre 2021 que la "reine des preuves" finit par parler, 27 ans après la mort de Nadège Desnoix. Une correspondance est établie entre l'ADN retrouvé sur le fameux chouchou en tissu bleu marine à pois blanc glissé dans les cheveux de l'adolescente et celui d'un certain Pascal Lafolie, 55 ans. Il vient de faire l'objet d'une procédure judiciaire pour "violences conjugales".

En 1994, il vivait à Jouarre, une commune de Seine-et-Marne située à quelques dizaines de kilomètres de l'endroit où le corps de l'adolescente a été découvert.

Son casier judiciaire est lourd. En mai 1997, il est condamné à cinq ans de prison, dont un avec sursis, après l'agression d'une jeune fille de 14 ans en 1996. Pascal Lafolie l'avait menacée avec un couteau, forcée à monter dans son véhicule en l'attachant avec une cordelette et lui avait imposé une fellation après l'avoir croisé sur un chemin de terre.

En 2002, la cour d'Assises le condamne cette fois à 12 ans de prison pour le viol d'une jeune femme de 21 ans croisée de nuit alors qu'elle marchait en bord de route. Il lui avait, là aussi, imposé une fellation. "Comment est-ce possible qu'en 2000, lors de son interpellation, son empreinte génétique n'ait pas été balancée dans le fichier des empreintes génétiques", s'interroge William Desnoix.

"C'est une question que l'on se pose. On aurait peut-être pas eu la même fin qu'aujourd'hui."

Le quinquagénaire est interpellé le 30 novembre 2021 sur son lieu de travail en Ille-et-Vilaine. Selon le rapport d'enquête, il reconnaît très rapidement les faits en garde à vue: "je ne pensais pas que ça finirait en meurtre pour une fellation", dit-il. Il affirme n'avoir rien prémédité, mais avoir eu une "pulsion" en voyant Nadège Desnoix.

"Il ne donne aucun détail précis sur ce qu'il a fait et sur les raisons pour lesquelles il l'a tuée", expose Me Gérard Chemla, avocat de la famille Desnoix, à BFMTV. "Il sait où ça s'est passé, sait ce qu'il s'est passé, mais ne sait plus vraiment ce qu'il a fait et pourquoi il l'a fait."

William Desnoix apprend cette arrestation par l'appel d'un journaliste. "Mon papa s'est laissé mourir à la découverte de Pascal Lafolie Ma mère est tombée gravement malade. Je suis également tombé malade après cette annonce", révèle-t-il.

Un dernier rebondissement

Un énième rebondissement secoue l'affaire: en 2022, Pascal Lafolie revient sur ses déclarations. Il n'a pas tué Nadège Desnoix. Le meurtrier n'est autre que son frère - mort en juillet 2021. Il reconnaît être allé sur les lieux avec son frère auquel il affirme avoir rendu service en le conduisant à un rendez-vous.

Il poursuit en expliquant que son frère aurait attrapé Nadège Desnoix par le poignet et l'aurait menacée avec un couteau. Pascal Lafolie aurait alors tenté de s'interposer et se serait pris un violent coup sur la tête au point d'en perdre connaissance. Il explique s'en être rappelé après un cauchemar et grâce au travail réalisé avec la psychologue du centre pénitentiaire.

La piste est sérieusement étudiée. En mai 2024, le corps de son défunt frère est exhumé pour que son ADN soit prélevé. Deux mois plus tard, les résultats sont catégoriques: il ne correspond pas aux profils ADN prélevés sur les scellés. La reconstitution rend par ailleurs les explications du principal suspect incompatibles avec les constatations.

Plus de trente ans après la mort de Nadège Desnoix, Pascal Lafolie est renvoyé pour le meurtre de l'adolescente devant la cour d'Assises de l'Aisne. Il maintient ne pas l'avoir tuée, mais ne parvient cependant pas à expliquer comment son ADN s’est retrouvé sur le chouchou de l’adolescente.

"Depuis le début, il dit qu'il se rappelle de l'endroit, il dit qu'il y était, mais sans aucun souvenir sauf de la présence de son frère", expose Me Justine Devred, avocate de Pascal Lafolie.

"Et pour lui il s'est interposé et c'est son frère qui a agressé cette jeune fille." Selon son conseil, l'accusé "attend depuis quatre ans le moment de pouvoir s'expliquer", ce dernier ayant "des choses à dire".

Ce lundi, William Desnoix fera face à l'accusé. "Je n'attends rien de sa part car je suis convaincu que c'est lui", expose-t-il.

"Qu'il soit lourdement condamné"

"Mon seul intérêt, c'est qu'il soit lourdement condamné et qu'on soit reconnu comme victime. C'est le combat de ma vie, je veux aller au bout pour faire notre deuil définitif, clôturer ce chapitre et, en famille, en écrire un nouveau." William Desnoix attend aussi une chose: "qu'il ne puisse jamais, au grand jamais, recommencer."

Pascal Lafolie intéresse particulièrement les enquêteurs du pôle de Nanterre spécialisé dans les cold cases. Pour permettre de résoudre des anciens dossiers d'affaires non élucidées, le parquet du pôle national de Nanterre a décidé de s'intéresser aux parcours criminels de tueurs et violeurs français, dont Pascal Lafolie depuis le mois d'octobre 2022.

"Au regard de ses dernières condamnations et de la nature des faits commis, il est apparu nécessaire au parquet du pôle national des crimes sériels ou non élucidés, de retracer le parcours criminel de Pascal Lafolie, en recherchant notamment des éléments sur ses lieux de vie, ses lieux d'exercice professionnel, ses activités extra-professionnelles et son parcours pénal", indique Marie-Céline Lawrysz, procureur de la République adjoint. Pascal Lafolie demeure présumé innocent.

Charlotte Lesage