Assassinat de Samuel Paty: d'un an à seize ans de prison requis contre les huit accusés

Une photographie du professeur d'histoire-géographie Samuel Paty à l'Université de la Sorbonne à Paris, le 19 octobre 2024 - Bertrand GUAY
L'issue d'un long procès. Lundi 16 décembre, la cour d'assises spéciale de Paris, de par ses avocats généraux, Nicolas Braconnay et Marine Valentin, a requis des peines allant d'un an à seize ans de prison à l'encontre des huit accusés jugé coupables d'être impliqués, à des degrés divers, dans l'engrenage mortifère qui a conduit à l'assassinat du professeur Samuel Paty à la sortie de son collège de Conflans-Sainte-Honorine en 2020.
"Le 16 octobre 2020 à 16h54, le terrorisme islamiste a atteint l'école, coeur battant de la République", a affirmé l'avocat général Nicolas Braconnay en entamant son réquisitoire lundi matin.
"Samuel Paty n'était pas un martyr. Il n'est pas mort en militant. Il n'est pas mort en hussard noir de la République, mais en victime innocente d'un crime radicalement abject et absurde", a poursuivi le magistrat devant une salle d'audience pleine. "Samuel Paty n'est pas un symbole, mais à travers lui, c'est beaucoup de ce que nous sommes qui a été atteint", a encore souligné l'avocat général.
14 et 16 ans de prison pour deux proches de l'assaillant
Pour Naïm Boudaoud, 22 ans, et Azim Epsirkhanov, 23 ans, amis de l'assaillant Abdoullakh Anzorov, 14 ans de prison avec période de sûreté aux deux tiers et 16 ans de prison avec période de sûreté aux deux tiers ont été requis respectivement. Ils encouraient la peine la plus lourde, bien que le parquet antiterroriste ait exclu la complicité pour ces hommes.
Azim Epsirkhanov était accusé d'avoir aidé Abdoullakh Anzorov, un islamiste radical tchétchène de 18 ans, à se procurer des armes, tandis que Naïm Boudaoud se voyait reprocher de l'avoir conduit aux abords du collège le 16 octobre 2020. Tous deux ont cependant affirmé à l'audience avoir tout ignoré des intentions meurtrières de leur ami et n'ont eu de cesse de proclamer leur innocence.
Si la cour d'assises spéciale de Paris n'a pas retenu l'infraction de complicité d'assassinat terroriste à leur encontre, le parquet a proposé jeudi une requalification en "association de malfaiteurs terroriste criminelle."
Lundi, les avocats des deux accusés avaient proposé de leur côté une requalification en "association de malfaiteurs" de droit commun, une infraction punie de 10 ans de prison.
Des membres de la "jihadosphère"
Les six autres accusés étaient tous poursuivis pour association de malfaiteurs terroriste criminelle. Yusuf Cinar, Ismaël Gamaev, Louqmane Ingar, tous âgés de 22 ans, et Priscilla Mangel, 36 ans, la seule femme mise en cause, présentés par l'accusation comme membres de la "jihadosphère" qui gravitait autour d'Abdoullakh Anzorov sur les réseaux sociaux, ont tous nié, à l'exception du seul Ismaël Gamaev, être impliqués dans l'assassinat du professeur.
Un an de prison pour apologie publique du terrorisme a été requis à l'encontre de Yusul Cina. Les réquisitions impliquent également un accompagnement sur le plan psychologique et une obligation de suivi socio-judiciaire, avec obligation de travailler et interdiction de détenir une arme.
Dix-mois de prison, assorti d'un sursis probatoire pendant 3 ans, avec obligation de travailler et de se soumettre à un suivi thérapeutique ont été requis à l'encontre de Priscilla Mangel.
Concernant Louqmane Ingar, 3 ans de prison ont été requis dont 2 ans assortis d'un sursis probatoire. Pour Ismaël Gamaev, 5 ans d'emprisonnement ont été requis dont 18 mois avec sursis. Les réquisitions mentionnent aussi une obligation socio-judiciaire pendant 6 ans, ainsi qu'une obligation de travail et une interdiction de détenir une arme.
"Irréparable et impardonnable"
Par ailleurs, 10 ans de prison ont été requis contre Brahim Chnina avec une période de sûreté fixée aux deux-tiers de la peine, avec interdiction définitive du territoire français. Et enfin, 12 ans de réclusion criminelle ont été requis contre Abdelhakim Sefrioui avec une période de sûreté fixée aux deux-tiers de la peine et avec suivi socio-judiciaire de 8 ans.
Le prédicateur islamiste Abdelhakim Sefrioui, 65 ans, et Brahim Chnina, 52 ans, étaient accusés d'avoir participé "à l'élaboration et la diffusion de vidéos présentant des informations fausses ou déformées destinées à susciter un sentiment de haine" à l'encontre de Samuel Paty.
"Ce que j'ai fait est irréparable et impardonnable", avait admis à l'audience Brahim Chnina, le père de la collégienne qui a menti en accusant faussement Samuel Paty d'avoir discriminé les élèves musulmans de sa classe à l'occasion d'un cours sur la liberté d'expression.
En réalité, la collégienne n'avait pas assisté au cours de Samuel Paty et le professeur n'avait pas discriminé ses élèves. Tournée devant l'entrée du collège où travaillait Samuel Paty, la vidéo du prédicateur évoque un "enseignant voyou" ayant commis un acte "abject".