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"J'ai détruit votre vie": l'élève qui a menti avant l'assassinat de Samuel Paty s'excuse au procès

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Zohra*, aujourd'hui âgée de 17 ans, a déjà été condamnée à 18 mois de prison avec sursis pour dénonciation calomnieuse. Elle est entendue comme témoin car elle avait partagé un mensonge selon lequel le professeur aurait fait sortir les élèves musulmans de sa classe pour pouvoir projeter des caricatures.

"J'ai détruit votre vie". Au procès de l'assassinat de Samuel Paty à la cour d'assises spéciale de Paris ce mardi 26 novembre, Zohra*, âgée de 13 ans au moment de l'attentat, a présenté ses excuses auprès de la famille du professeur assassiné en octobre 2020.

"Aujourd'hui, je me plains de pas avoir vu mon père depuis 4 ou 5 mois, mais vous vous n'avez pas vu Samuel Paty depuis 4 ans", s'est-elle exprimée.

"Je tenais à m'excuser pour mon mensonge. Auprès de ma famille aussi. Parce qu'on se retrouve tous ici à cause de mon mensonge. Si mon père a fait une vidéo, c'est en partie à cause de mon mensonge", a-t-elle dit avant de fondre en larmes.

18 mois de prison

Zohra, âgée aujourd'hui de 17 ans, a été condamnée en 2023 à 18 mois de prison avec sursis pour dénonciation calomnieuse. Elle a témoigné ce mardi à la barre alors que son père figure parmi les principaux accusés du deuxième procès. Elle est l'une des filles de Brahim Chnina, qui risque jusqu'à 30 ans de prison pour association de malfaiteur terroriste.

La jeune fille, scolarisée dans la classe de l'enseignant assassiné, a partagé à son père une rumeur selon laquelle le professeur aurait fait sortir les élèves musulmans de sa classe pour pouvoir projeter les caricatures du prophète Mahomet. Pourtant, l'adolescente était absente du cours en question, et a donc menti.

Interrogée sur ses relations avec le professeur, Zohra a assuré n'avoir "jamais eu de problème avec Monsieur Paty".

L'engrenage du mensonge

À la barre, la jeune femme a détaillé l'engrenage qui a mené à l'attentat contre le professeur d'histoire-géographie et dont elle est le premier rouage. Le 5 octobre 2020, elle est en cours avec Samuel Paty qui explique notamment qu'il montrera des caricatures le lendemain. "Il m’a demandé de sortir car je perturbais le cours", a-t-elle indiqué.

Le lendemain, elle a mal au ventre et ne se rend pas en classe. "Le mercredi 7, je retourne au collège. Deux jeunes filles de ma classe me disent qu’elles ont vu des caricatures la veille et que ça les a choquées", a-t-elle raconté.

Le soir, alors qu'elle prend le bus pour rentrer chez elle, sa mère, au téléphone lui demande pourquoi elle a été exclue d'un cours. "Je lui ai dit que le prof m'avait exclue et qu'on avait vu des caricatures", a confié Zohra, qui va également raconter cela à son père.

Campagne médiatique mensongère

Ce dernier envoie des messages à ses contacts relayant les mensonges de sa fille sur cette prétendue discrimination à l'encontre des élèves musulmans. Zohra réitérera son mensonge auprès d'Abdelhakim Sefrioui, qui se serait présenté à elle en tant que "journaliste", a-t-elle dit ce mardi, mais qui est en fait un prédicateur islamiste en contact avec son père.

Le père de l'adolescente va ensuite publier des vidéos ciblant Samuel Paty (et donc basées sur le mensonge de Zohra) le qualifiant notamment de "voyou". Le 11 octobre, Abdelhakim Sefrioui se fait metteur en scène pour réaliser sa propre vidéo intitulée "l'islam et le prophète insultés dans un collège public". Selon les enquêteurs, c'est par cette campagne médiatique que le terroriste, Abdoullakh Anzorov, a appris l'existence de Samuel Paty et du collège.

Abdelhakim Sefrioui et Brahim Chnina sont poursuivis pour avoir participé "à l'élaboration et la diffusion de vidéos présentant des informations fausses ou déformées destinées à susciter un sentiment de haine" à l'encontre de Samuel Paty.

*Zohra est un prénom d'emprunt.

Matthias Tesson et Salomé Robles