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Yvelines

Logement social: les maires pris entre le marteau et l'enclume

Des logements sociaux à Thiais (Val-de-Marne) le 21 janvier 2023

Des logements sociaux à Thiais (Val-de-Marne) le 21 janvier 2023 - Geoffroy Van der Hasselt / AFP

Les maires de nombreuses communes doivent gérer les difficultés de logement de nombreux habitants quand dans le même temps de nombreux citoyens acceptent difficilement de nouveaux logements sociaux.

Confrontés à l'exigence croissante de leurs concitoyens, qui peinent de plus en plus à se loger, les maires doivent redoubler de pédagogie pour faciliter l'acceptation de nouveaux logements sociaux par les riverains.

À Vincennes, commune de 50.000 habitants qui s'étend sur seulement 2 km², soit "la densité de Manhattan", selon la maire Charlotte Libert, l'enjeu a d'abord été de trouver du foncier.

"On a regardé toutes les opportunités et on a utilisé tous les outils de préemption possibles (...) pour passer de 7% à 13% de logements sociaux", explique l'élue à l'occasion du congrès annuel des bailleurs sociaux.

Or plus c'est dense, plus c'est compliqué. "Il fallait qu'on monte, qu'on épaississe, mais il ne fallait pas qu'on dérange trop les riverains qui étaient déjà là, tout en leur apportant quelque chose de positif", souligne l'édile UDI, qui a malgré tout essuyé bon nombre de recours.

Apporter du "positif" a d'abord consisté, raconte-t-elle, à "construire joli" pour insérer du logement social au pied du château de Vincennes, mais aussi à ouvrir au public les jardins des maisons préemptées par la mairie pour construire du logement social.

À Strasbourg (Bas-Rhin), la maire écologiste Jeanne Barseghian a elle aussi dû essuyer la colère de ses administrés, malgré une liste de demandeurs de logements sociaux passée en cinq ans de 20.000 à 30.000 dans la métropole.

"Il y a ce paradoxe d'être interpellée quasiment tous les jours par des habitants qui ont besoin de logements, tout en étant attaquée en justice par les pourfendeurs de la bétonisation, même quand il s'agit de construire du logement étudiant", témoigne-t-elle en rappelant qu'à Strasbourg, "un habitant sur quatre vit sous le seuil de pauvreté".

Résoudre l'équation passe selon elle par une meilleure concertation, mais aussi par une exigence plus forte "vis-à-vis des bailleurs et des promoteurs sur la qualité architecturale et la part de pleine terre pour éviter de surdensifier la ville".

Rééquilibrage

À Chanteloup-les-Vignes, la maire Catherine Arenou plaide, elle, pour un "pouvoir total des maires sur la politique de peuplement" des logements sociaux.

En quinze ans, cette ville populaire des Yvelines est passée de 76% de logements sociaux à 46% tandis que la population a grimpé de 8.400 à 10.400 habitants.

"On a démoli 350 logements sociaux, reconstruit quelques logements sociaux de façon beaucoup plus harmonieuse ainsi que 650 logements privés, en accession à la propriété ou en locatif intermédiaire, une offre qui n'existait pas auparavant", raconte l'élue DVD.

Résultat, "plus de 60% des habitants du logement social ont poursuivi sur place leur parcours résidentiel", assure la maire, qui considère sa mission comme le fait de "donner la liberté aux gens de rester ou de partir".

Echirolles, ville populaire de la périphérie de Grenoble (Isère), affiche elle le plus fort taux (45%) de logements sociaux du département de l'Isère, un héritage de son histoire.

"On est passés de 3.000 habitants à 37.000 habitants entre 1946 et 1980 avec la création des grands ensembles, à 100% des logements sociaux", retrace l'élue communiste Amandine Demore.

Pourquoi le logement social est-il saturé?
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Un loyer unique à Rennes

L'enjeu a d'abord été de rénover les grands ensembles sans pour autant stopper les logements sociaux, même si Amandine Demore s'interroge sur l'absence de solidarité intercommunale, certaines communes ne faisant selon elle "aucun effort" pour créer du logement social.

Pour éviter de faire des logements sociaux "des ghettos" ou de créer au sein du parc social une "géographie ségrégative des loyers", la mairie de Rennes (Ille-et-Vilaine) expérimente un loyer unique pour les locataires.

"Une politique de peuplement et de cohésion sociale relève des élus locaux et c'est bien aux maires qu'on demande des comptes lorsqu'il y a un déséquilibre de territoire, une absence de mixité et les dysfonctionnements qui vont avec", explique la première édile Nathalie Appéré (PS), même si l'expérimentation n'est "peut-être pas réplicable partout" selon elle.

En Île-de-France, les logements sociaux connaissent quant à eux une autre problématique. Ce mercredi 24 septembre, huit préfets franciliens ont été assignés en justice, par la Fondation pour le Logement des Défavorisés, la Fédération des acteurs de la solidarité en Île-de-France et le Secours Catholique. En cause, le manque d'accès par les plus précaires aux HLM.

Parmi les disparités constatées, Catherine Gaudry, vice-présidente du Secours Catholique et présidente de la délégation du Val-de-Marne, constate des taux allant de 11,7% dans les Hauts-de-Seine à 18,6% en Seine-Saint-Denis. Or, la loi française oblige les communes à atteindre un objectif minimal de 25%.

Lilian Pouyaud avec AFP