Des pluies et des inondations de la Bretagne au Sud-est: comment expliquer ces intempéries à des endroits aussi éloignés

Évacuations, foyers privés d'électricités, matchs annulés, écoles fermées... La journée de ce dimanche 21 septembre a été marquée par d'importantes intempéries. Deux zones pourtant éloignées l'une de l'autre ont été particulièrement touchées: le Sud-est et les Côtes-d'Armor. Dans le département breton, une femme de 55 ans a été retrouvée morte dans son véhicule après avoir été bloquée dans une route inondée.
De nombreuses images montrent, en effet, des rues entières sous les eaux, de Marseille à Paimpol, en passant par Toulon. Cet épisode d'intempéries a vu de nombreux records de pluie être battus.
Météo-France indique qu'il est parfois tombé plus de 150 litres par mètre carré dans la région de Plouha, soit entre trois et quatre mois de précipitations pour un mois de septembre. À l'autre bout de l'Hexagone, au Castellet, on a enregistré 122 litres par mètre carré en seulement deux heures, battant ainsi le précédent record journalier qui datait de 1999.
Épisode méditerranéen automnal
"Ce n'est pas exceptionnel d'avoir des épisodes méditerranéens en septembre", réagit auprès de BFMTV François Jobard, prévisionniste à Météo-France. Ces phénomènes de courte durée sont liés à des remontées d'air chaud, humide et instable en provenance de la Méditerranée et qui peuvent générer des orages violents parfois stationnaires.
Ici, une "profonde vallée froide d'altitude" et un "axe dépressionnaire vaste" ont fait remonter de l'air chaud et humide sur les régions méditerranéennes. En Espagne, de violentes pluies ont balayé le nord-est du pays, faisant deux morts dans la région de la Catalogne.
"À l'automne, en Méditerranée, l'intensité pluvieuse est plus importante qu'ailleurs sur le territoire", explique François Jobard. En cause notamment, la mer qui nourrit en humidité et en eau les nuages. Sur le quart Sud-est de la France ce dimanche, "le contexte était propice à avoir une perturbation avec des masses de nuages très précipitables", détaille François Jobard.
Des trombes d'eau ont ainsi perturbé les transports, provoqué des coupures de courant et entraîné le report de rencontres sportives dont l'affiche de football OM-PSG.
Rare intensité en Bretagne
"Le nord de la Bretagne est moins accoutumé à ces événements", reconnaît en revanche François Jobard. Dans les Côtes-d'Armor ce dimanche, les sapeurs-pompiers ont reçu au moins 1.800 appels, sont intervenus plus de 800 fois et la gendarmerie a "géré 27 interventions", a indiqué la préfecture.
Si les Côtes-d'Armor sont assez loin d'être voisines du Var ou des Bouches-du-Rhône, les intempéries sont toutefois liées puisqu'elles sont associées à la même vallée froide d'altitude, qui a également touché l'ouest de l'Hexagone. En outre, un flux de nord-est venu d'Irlande et un minimum dépressionnaire ont apporté de l'instabilité et donc favorisé la formation d'averses orageuses dans le secteur.
"150mm de pluie très localement, c'est exceptionnel pour la Bretagne", souligne François Jobard.
D'autre part, la température douce de la Manche, notamment au large des Côtes-d'Armor avec plus de 18°C en surface, a nourri ces précipitations. Si l'influence est moindre qu'avec la Méditerranée, cette masse d'eau a un effet dopant. "Et ces pluies font suite à un vendredi très chaud, avec, par exemple, jusqu'à 32°C enregistré à Caen", ajoute François Jobard, qui se dit "pas surpris" par ces cumuls de pluie.
Ruissellement en milieu urbain
Ces précipitations ont causé des inondations parfois impressionnantes. Les habitants d'un quartier de Paimpol ont d'ailleurs été invités à évacuer le secteur et la salle des fêtes de la commune a été ouverte pour accueillir les habitants. Au plus fort de l’événement, une part importante du réseau routier a été coupée, notamment la RN12 et la D222 dans les deux sens, a indiqué la préfecture.
Plus au sud, la rencontre de rugby en Top 14 Toulon-La Rochelle a dû elle aussi être reportée à la dernière minute, face à des spectateurs totalement trempés et une pelouse impraticable.
Près de la Méditerranée, ces inondations s'expliquent notamment par l'intensité de l'épisode: à Avignon, par exemple, il est tombé plus de 100mm d'eau en seulement deux heures.
Dans les Côtes-d'Armor, il a plu pendant près de 24 heures. Toutefois, les cumuls ont également été importants. "Ça fait grossir le niveau des cours d'eau et donc peut conduire à du ruissellement et des inondations", explique François Jobard. D'autant plus lorsque ces pluies rencontrent les surfaces étanches des milieux urbains. "Ça fait tout de suite énormément d'eau qui doit trouver à s'évacuer", ajoute le prévisionniste.
Les impacts de telles pluies diluviennes peuvent être exacerbés par l'aménagement du territoire, notamment l'imperméabilisation des sols, qui renforce le ruissellement en surface. Également, l'aménagement des cours d'eau joue aussi sur la vitesse d'écoulement et la propagation des crues.
Les pluies intenses renforcées par le dérèglement climatique
Pour comprendre l'intensité de ces phénomènes, il faut aussi regarder du côté du changement climatique. "Tant que le climat va continuer à se réchauffer, les épisodes de pluies intenses sont amenés à devenir plus intenses encore", affirme ainsi François Jobard.
Moins connu que la hausse des température, l'intensification des pluies extrêmes est effectivement également l'un des effets bien documentés du dérèglement climatique.
De manière générale, sous l'effet de l'augmentation du mercure, l’atmosphère peut contenir davantage de vapeur d'eau: c'est la relation de Clausius-Clapeyron. À chaque degré de réchauffement supplémentaire, l’atmosphère peut contenir 7% d’humidité en plus.
Les nuages se gorgent donc davantage d'humidité et peuvent d'autant plus se transformer en pluies. À cela s'ajoute également une hausse de la température des mers et des océans, comme la Manche et la Méditerranée ici, qui entraîne une augmentation de l'évaporation.
Météo-France prévoit que dans une France à +4°C par rapport à la période préindustrielle, "les pluies intenses se renforceront, avec +15% en moyenne, et jusqu’à +20% sur la moitié nord du pays". Cela ne signifie toutefois pas qu'il pleuvra en moyenne plus, mais que les précipitations seront plus concentrées et intense.
Hausse des précipitations en automne et en hiver
C'est notamment le cas pour les épisodes méditerranéens. La hausse de la température de la mer qui, en raison du surplus d'évaporation, ce qui crée un environnement propice à la formation de tempêtes et d'orages, avec plus d'eau précipitable dans l'atmosphère.
Avec le changement climatique, sur ces régions, on a progressivement moins de jours de pluie en moyenne mais une intensification des pluies les plus intenses. Selon Météo-France, entre 1961 et 2022, il y a eu deux fois plus d'épisodes méditerranéens.
Car le dérèglement climatique induit notamment une accentuation du contraste entre les saisons. Concrètement, cela se traduit par un renforcement des extrêmes secs et des extrêmes humides. Ainsi, en automne et en hiver, on observe une intensification des précipitations. Elles sont plus concentrées sur de courtes durées.
Selon la trajectoire de réchauffement de référence pour l'adaptation au changement climatique (TRACC), il faut s'attendre à 10% de moins de pluie en été mais une augmentation de 20% en hiver à l'horizon 2050.
Ainsi, selon ces mêmes prévisions, l'augmentation des pluies intenses renforcera "le risque d'inondations par ruissellement pour lequel 17 millions de Français sont exposés". Les sols étant plus rapidement gorgés d'eau, des précipitations intenses peuvent rapidement causer des dégâts.