2024, année historiquement pluvieuse: faut-il s'y habituer avec le dérèglement climatique?

Des piétons traversent une rue inondée en raison de fortes pluies, à Paris, le 17 octobre 2024. - JOEL SAGET © 2019 AFP
Cela ne surprendra personne de lire que 2024 est une année particulièrement arrosée. Dans une note publiée ce jeudi 28 novembre, Météo-France a confirmé ce ressenti en indiquant que le cumul de pluie enregistré depuis le 1er janvier a déjà dépassé la moyenne annuelle.
Un mois avant le passage en 2025, l'année 2024 a déjà dépassé le cumul des douze mois de 2024, en raison notamment d'une "situation de gouttes froides au printemps" et "une rivière atmosphérique avec des courants de vent dirigés sur la France" en septembre et octobre, explique à BFMTV.com Simon Mittelberger, climatologue à Météo-France.
Alors que notre météo est perturbée par le dérèglement climatique -selon le service européen Copernicus, l'année 2024 sera la plus chaude jamais enregistrée sur Terre-, quel rôle joue celui-ci dans la pluviométrie?
"Accentuation du contraste entre les saisons"
Un graphique publié ce jeudi par Météo-France montre les cumuls annuels des précipitations entre 1959 et 2024. Fait notable: on n'y observe pas de tendance sur la durée, ni à la hausse ni à la baisse.

"En France, même avec le réchauffement climatique, on est dans un climat tempéré où il y a une forte variabilité entre les années", explique Simon Mittelberger, qui cite notamment la différence entre cette année et 2022, qui avait connu un important déficit de pluviométrie.
"En moyenne, et également dans les projections futures, il n'y a pas de signal qui indiquerait qu'on va avoir des cumuls de plus en plus hauts ou bas", résume-t-il.
En revanche, le dérèglement climatique induit une "accentuation du contraste entre les saisons". Concrètement, cela se traduit par un renforcement des extrêmes secs et des extrêmes humides. Ainsi, en hiver, on observe une intensification des précipitations. Elles sont plus concentrées sur de courtes durées.
"Les événements pluvieux les plus extrêmes (cumul quotidien supérieur à 200mm) sont de plus en plus fréquents sur le pourtour méditerranéen", illustre ainsi le ministère de la Transition écologique sur son site.
Davantage d'humidité dans l'air
Cela est lié à l'effet du dérèglement climatique le plus connu: la hausse globale des températures. Plus les températures moyennes augmentent, plus il y a de vapeur d'eau dans l'air. Un degré de plus dans l'atmosphère, c'est 7% d'humidité en plus dans le ciel et donc davatange de chance de précipitations.
À cela s'ajoute une augmentation des températures et des océans, ce qui conduit également à un surplus d'humidité dans l'air car il y a plus d'évaporation. Par conséquent, une mer Méditerranée bouillonnante ou un océan Atlantique chaud peuvent entraîner davantage de pluies sur la France.
Selon le groupe d'experts sur les changements climatiques et environnementaux en Méditerranée (MedECC), il faut s'attendre à ce que ces épisodes violents arrivent de plus en plus fréquemment dans les années à venir et touchent notamment la France, l'Espagne et l'Italie.
Baisse des précipitations dans le Sud
En octobre, Météo-France a dressé un scénario de ce que nous réserve le dérèglement climatique en 2050. Selon cette trajectoire de réchauffement de référence pour l'adaptation au changement climatique (TRACC), il faut s'attendre à 10% de moins de pluie en été mais une augmentation de 20% en hiver.
À travers le monde, les zones tropicales humides deviennent plus pluvieuses tandis que les zones déjà arides s'assèchent. "On observe une hausse des précipitations en hiver plus marquée au Nord et une baisse en été concentrée sur le pourtour méditerranéen", explique Simon Mittelberger.
Par exemple la région du Languedoc-Roussillon connaît depuis plusieurs années une sécheresse inédite et durable qui inquiète les habitants, notamment les agriculteurs.
Inondations, crues...
Car si les cumuls de pluie annuels ne sont pas, au global, affecté par les effets du changement climatiques, les plus importants contrastes entre les saisons peuvent avoir des conséquences néfastes.
Ainsi, selon les prévisions du TRACC, l'augmentation des pluies intenses (+10%) renforcera "le risque d'inondations par ruissellement pour lequel 17 millions de Français sont exposés". Les sols étant plus rapidement gorgés d'eau, des précipitations intenses peuvent rapidement causer des dégâts.
Autre exemple, les habitations peuvent également être endommagées par le retrait-gonflement des argiles. Lorsqu'un sol est argileux, il peut être fortement sensible aux variations de sa teneur en eau et se comporte comme une éponge. Ainsi, il va se rétracter lors d'une sécheresse (qui sont de plus en plus fréquentes avec le dérèglement climatique) et il va gonfler en période pluvieuse. Ces variations créent des mouvements de terrain sous les constructions qui peuvent entraîner des fissures sur les habitations. Selon le Tracc, plus de quatre millions de maisons seront très exposées en 2050 à ce phénomène.
En outre, on observera de plus en plus de fragilisation des infrastructures et réseaux (ponts, routes, électricité...) et des perturbations de la production agricole.
Au-delà de l'effet du dérèglement climatique, certains impacts de ces épisodes de pluies intenses peuvent être exacerbés par l'aménagement du territoire, notamment l'imperméabilisation des sols, qui renforce le ruissellement en surface. Également, l'aménagement des cours d'eau joue aussi sur la vitesse d'écoulement et la propagation des crues.