"La disparition de ma femme, ça me touche": au procès de Cédric Jubillar, la personnalité de l'accusé décortiquée

Cédric Jubillar, le 22 septembre 2025, pour son procès à la cour d'assises du Tarn. - Photo par LIONEL BONAVENTURE / AFP
Le 16 décembre 2020, Cédric Jubillar pousse la porte d'une maison qu'il ne connaît que trop bien. Le peintre-plaquiste, contraint de quitter la maison familiale de Cagnac-les-Mines, trouve refuge chez sa mère. Cédric Jubillar n'est pas seul. Ses deux enfants l'accompagnent. La dernière pièce du puzzle familial manque: Delphine Jubillar, son épouse qui s'est volatilisée dans la nuit du 15 au 16 décembre 2020.
Les jours qui suivent la disparition de sa femme, avec laquelle il est en instance de divorce, Cédric Jubillar pleure beaucoup, relate sa mère aux enquêteurs. Mais rapidement, la France découvre un autre homme. Cédric Jubillar apparaît nonchalant lors d'une battue citoyenne organisée après la disparition de l'infirmière.
Le père de famille ne fait pas une bonne impression. Sa personnalité est une pièce centrale dans cette affaire où il n'existe ni corps ni aveu. Elle a été décortiquée près cinq ans plus tard, ce lundi 22 septembre, devant la cour d'Assises du Tarn, où Cédric Jubillar est jugé pour "meurtre par conjoint".
Une enfance marquée par les abandons de sa mère
Cédric Jubillar connaît une enfance chaotique, marquée par des abandons et des rejets, et en premier lieu celui de sa mère. Elle lui donne naissance alors qu'elle n'a que 15 ans. Dans l'impossibilité de s'occuper de lui, le garçon fait l'objet de nombreux placements durant son enfance: de deux à sept ans, puis ponctuellement.
Le jeune Cédric Jubillar retourne vivre chez sa mère à plusieurs reprises dans sa jeunesse. Cette dernière a refait sa vie. Ce nouvel environnement familial le place à la tête d'une fratrie recomposée de trois enfants. À la maison, il y a des suspicions de maltraitance, mais aussi une suspicion d'attouchement de la part d'un membre de sa famille.
"Son enfance est marquée par des abandons, des atteintes narcissiques fortes", expose l'enquêtrice de personnalité à la cour. "En étant en famille d'accueil, il prend cela comme une répétition de rejet et d'injustice."
À la barre, l'enquêtrice de personnalité compare le jeune Cédric à une "pile électrique". L'adolescent, lui, est en grande difficulté et consomme du cannabis. Cédric Jubillar ne brille pas à l'école. Il est agité et peu concentré. Plus âgé, il enchaîne les petits boulots sur des chantiers. Il est peintre-plaquiste de profession.
À 18 ans, Cédric Jubillar rencontre chez des amis celle qui deviendra sa femme. Elle s'appelle Delphine. Trois ans plus tard, ils entament une relation "passionnée". Le couple profite des week-end ou des vacances pour s'offrir une escapade à deux, à la mer par exemple.
Selon l'enquêtrice de personnalité, les proches du couple remarquent assez vite une différence de personnalité entre Cédric et Delphine. Selon des témoignages, Cédric Jubillar est un homme dur, impulsif, auto-centré et parle mal à Delphine. Le couple accueillera deux enfants: Louis et Elyah. Ils étaient respectivement âgés de six ans et 18 mois le jour de la disparition de leur mère.
À la barre, l'enquêtrice de personnalité évoque plusieurs points, notamment la consommation de cannabis de Cédric Jubillar. "Avec le cannabis, il semble combler le manque d'amour chez lui", dépose-t-elle. Interrogé à son tour, l'ancien peintre-plaquiste reconnaît une forte consommation de stupéfiants. Il confie ne pas avoir déclaré l'intégralité de ce qu'il gagnait à son épouse pour pouvoir le dépenser dans le cannabis.
"J'étais un gros consommateur. Entre dix à 15 joints par jour", explique Cédric Jubillar. "Pour payer, soit je bossais au 'black', soit je prenais sur le salaire de Delphine."
Sortait-il les chiens le soir pour fumer? Delphine était-elle contre sa consommation? Cette consommation avait-elle un impact sur les finances de son couple? À ces questions, Cédric Jubillar donne une seule et même réponse: "oui".
"La disparition de femme, ça me touche"
"Qu'est-ce qui vous touche?" demande un avocat de la partie civile à Cédric Jubillar. "Bah la disparition de ma femme déjà, ça me touche", dit l'accusé avant de poursuivre en parlant de ses enfants et de ses grands-parents. Le couple, l'enquêtrice de personnalité le décortique devant la cour d'assises du Tarn.
Selon elle, Cédric Jubillar "apparaît infidèle" et "prend un positionnement supérieur" lorsqu'il est en couple. D'ailleurs, si elle ne l'interroge pas sur Delphine Jubillar, "elle est absente de son discours", indique encore l'enquêtrice de personnalité. Depuis la disparition de son épouse, Cédric Jubillar a eu trois compagnes, et notamment Séverine. "Je serai bientôt ta maman", aurait-elle dit à Louis, le fils de l'accusé.
Dans ses conclusions, l'enquêtrice pointe par ailleurs le manque de qualité humaine et le manque de franchise de Cédric Jubillar. Elle rappelle aussi sa fierté d'être en lumière avec la disparition de son épouse.
Interrogés au cours de l'instruction, ses co-détenus avaient en effet indiqué que Cédric Jubillar se prenait pour une star en détention provisoire. Il aurait également ameuté les autres détenus pour regarder les reportages le concernant.
Cédric Jubillar nie depuis le début son implication dans la disparition de Delphine Jubillar. "Je conteste toujours les faits qui me sont reprochés", a-t-il dit à l'ouverture de son procès.
Face à la presse, l'enquêtrice de personnalité a affirmé après sa déposition que "Cédric Jubillar ne ment pas sur sa personnalité". "C'est quelqu'un qui est plutôt agaçant (...) en revanche, je trouve que c'est quelqu'un qui ne ment pas sur sa personnalité", poursuit-elle. "C'est quelqu'un qui est sans filtre, il le dit: 'moi je suis un connard et j'assume'."
De son côté, l'un des avocats de Cédric Jubillar, Me Alexandre Martin, a affirmé à la presse que l'enquêtrice de personnalité a indiqué que "Cédric Jubillar n'est pas un manipulateur." Et d'ajouter: "Le tyran n'existe pas, l'homme non travailleur ça n'existe pas, nous avons enfin pu décrire Cédric Jubillar tel que nous le connaissons de manière équilibrée."