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Israël

Tenir le cessez-le-feu ou reprendre la guerre à Gaza? Benjamin Netanyahu joue les équilibristes entre Donald Trump et l’extrême droite

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et le président américain Donald Trump à la Maison Blanche, le 29 septembre 2025.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et le président américain Donald Trump à la Maison Blanche, le 29 septembre 2025. - ALEX WONG / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

Benjamin Netanyahu a été poussé par Donald Trump à signer un cessez-le-feu avec Hamas, visant à entamer un chemin vers la paix au Moyen-Orient. Un cessez-le-feu fragile qui déplaît à la frange radicale de sa coalition, pourtant essentielle à son maintien au pouvoir.

Les "153 tonnes de bombes" israéliennes larguées sur Gaza ce dimanche 19 octobre et ayant tué au moins 45 personnes, en réponse selon l'État hébreu à des attaques du Hamas, révèlent la fragilité du cessez-le-feu en vigueur depuis 10 jours. Une fragilité à l'image du fil sur lequel marche le Premier ministre Benjamin Netanyahu pour composer avec la frange radicale de sa coalition et le président américain Donald Trump. Les premiers veulent la poursuite de la guerre à Gaza quand le deuxième souhaite la paix au Moyen-Orient pour s'arroger le trophée.

"Donald Trump a tordu le bras à Benjamin Netanyahu, il lui a imposé la fin de la guerre", rappelle Frédérique Schillo, historienne, spécialiste d'Israël et des relations internationales.

"Le pouvoir des Américains est tel que Benjamin Netanyahu ne peut pas aller à leur encontre"

Le président américain a réussi le 9 octobre dernier à faire signer à Israël et au Hamas un cessez-le-feu, la première phase d'un accord en 20 points favorable à l'Etat hébreu censé mettre fin à la guerre meurtrière à Gaza en cours depuis le 7 octobre 2023.

Et il compte bien aller au bout de ce "plan de paix" qui prévoit au long terme le désarmement du Hamas et une nouvelle gouvernance à Gaza, malgré les multiples obstacles qui se dressent sur cette route.

Après les frappes israéliennes ce dimanche ayant fait craindre un effondrement de la trêve, Donald Trump a assuré que le cessez-le-feu était toujours en vigueur. Ses émissaires Steve Witkoff et Jared Kushner sont en Israël ce lundi pour suivre l'application de l'accord de cessez-le-feu.

"Le pouvoir des Américains, leur influence politique, diplomatique mais aussi leur pouvoir sur l'armée israélienne et ses dotations, est tel que Benjamin Netanyahu ne peut pas aller à leur encontre", juge Frédérique Schillo.

Les États-Unis restent l'un des seuls fervents soutiens d'Israël sur la scène internationale. L'État hébreu a peu à peu été désavoué ces derniers mois face à la grave crise humanitaire à Gaza et à la fuite en avant de la guerre avec la conquête de Gaza-ville.

La chute de Benjamin Netanyahu dans les mains de l'extrême droite israélienne

Mais contrairement à Donald Trump, "Benjamin Netanyahu et ses fidèles ne souhaitent pas la fin de la guerre", avance la co-autrice de Sous tes pierres, Jérusalem (Ed.Plon).

L'extrême droite de la coalition au pouvoir est opposée au plan du milliardaire américain. Elle souhaite la poursuite de la guerre qui a déjà fait plus de 68.000 morts à Gaza, l'implantation de colonies israéliennes dans l'enclave palestinienne et l'annexion totale de la Cisjordanie.

"Plusieurs de ces députés ont boycotté le discours de Donald Trump à la Knesset (devant le Parlement israélien le 13 octobre dernier, NDLR)", relève Frédérique Schillo.

Les deux figures les plus radicales du gouvernement de Benjamin Netanyahu, le ministre des Finances Bezalel Smotrich et le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir se sont réjouis de la rupture temporaire du cessez-le-feu ce dimanche. "Guerre!" a simplement écrit le premier sur X quand le second a appelé le Premier ministre israélien "à reprendre pleinement les combats dans la bande de Gaza, à pleine puissance".

"L'organisation terroriste nazie doit être complètement détruite", a continué Itamar Ben-Gvir en parlant du Hamas.

 Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich à la Knesset, le Parlement israélien, le 29 décembre 2022
Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich à la Knesset, le Parlement israélien, le 29 décembre 2022 © AMIR COHEN / POOL / AFP

Le ministre de la Sécurité nationale a lancé un ultimatum à Benjamin Netanyahu. "Ce que je veux, et c'est aussi ce que Netanyahu m'a promis, c'est le démantèlement du Hamas. S'il ne le démantèle pas, il sait très bien ce qui va se passer", a-t-il déclaré ce samedi, selon des propos rapportés par le Times of Israël.

La frange d'extrême droite menace ainsi de quitter la coalition déjà minoritaire du Premier ministre israélien. De quoi engendrer sa chute, et donc des élections anticipées.

"Smotrich, Ben-Gvir ont perdu beaucoup de plumes pendant la guerre. Jusqu'ici ils se sont refusés à critiquer Netanyahu, qui menait une politique qui leur était favorable, et à partir de la coalition parce qu'ils craignent des élections. Mais si l'armée israélienne se retire totalement, ils devront trancher", avance la spécialiste d'Israël.

Fragilisé, Benjamin Netanyahu tente de surfer sur la "Trumpmania"

En cas de chute de son gouvernement et de nouvelles élections, Benjamin Netanyahu, risque de perdre le pouvoir. Le Premier ministre est fragilisé. Il fait face à une population israélienne et à des réservistes épuisés par les différentes guerres menées depuis deux ans, de Gaza au Liban en passant par l'Iran. Une grande partie de la société lui en veut pour sa politique ambiguë envers les otages pendant deux ans et le tient pour responsable de l'échec du 7-Octobre qui a entraîné la mort de 1.221 personnes, en majorité des civils.

"Sur le papier, tous les sondages annoncent l'opposition gagnante", indique Frédérique Schillo.

Le président du Likoud a toutefois regagné des couleurs avec l'accord de cessez-le-feu et le retour des 20 otages vivants le 13 octobre dernier... grâce à Donald Trump.

Tous les soirs dans Le Titre à la Une, découvrez ce qui se cache derrière les gros titres. Zacharie Legros vous raconte une histoire, un récit de vie, avec aussi le témoignage intime de celles et ceux qui font l'actualité.
“Ils reviennent!”: la libération des otages israéliens annonce-t-elle la fin de la guerre à Gaza?
17:09

"Les Israéliens ont le sentiment d'avoir clos un chapitre, aujourd'hui il y a une véritable Trumpmania en Israël", assure-t-elle. "62% estiment que c'est Trump qui a permis le cessez-le-feu".

Le "magicien de la politique" tente de capter la lumière du président américain et de redorer son blason. "On voit qu'il remonte dans les sondages", affirme l'historienne. Et il aurait tout intérêt pour son avenir politique à conserver ce cap.

Si le Premier ministre n'est pas reconduit à son poste lors des prochaines élections, il devra sûrement se plier à une commission d'enquête de la Cour suprême sur les failles du 7-Octobre, réclamée par une importante partie de la population. "En restant au pouvoir, ça lui permet d'empêcher la création d'une commission d'enquête face à laquelle il devra reconnaître ses torts", explique Frédérique Schillo. Le siège de Premier ministre lui permet également de retarder le procès pour corruption pour lequel il est jugé, lui faisant risquer dix ans de prison.

Benjamin Netanyahu joue donc à l'équilibriste, entre Donald Trump qui pousse à l'arrêt total de la guerre - et lui permet de remonter dans l'estime de la société israélienne - et l'extrême droite de sa coalition qui menace de le faire chuter s'il cède à la Maison Blanche, avec le risque de ne pas réussir à surmonter dans les urnes la rancœur de la population.

Juliette Brossault