Guerre en Ukraine: Kiev renforce ses positions près de Koursk avant la prise de pouvoir de Trump

Un militaire ukrainien conduit un obusier automoteur 2S1 Gvozdika dans la région de Sumy, près de la frontière russe, le 13 août 2024, lors de l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Photo d'illustration - Roman PILIPEY / AFP
L'armée ukrainienne a annoncé ce mardi 7 janvier mener "des opérations de combat" dans la région frontalière russe de Koursk, y frappant notamment "un poste de commandement militaire. Deux jours avant, l'armée russe avait fait état d'une nouvelle offensive ukrainienne dans cette région.
"L'opération dans la région de Koursk est en cours, 32 affrontements ont eu lieu le jour dernier, l'artillerie ennemie a tiré 146 obus sur les colonies et les positions de nos troupes", a déclaré l'État-major général des forces armées ukrainiennes dans un communiqué sur Facebook ce mercredi.
Sur place, "nous infligeons des pertes sans cesse" aux Russes, a affirmé le commandant des forces terrestres ukrainiennes, Mikhaïlo Drapaty, à plusieurs médias, sans donner plus de détails sur l'opération en cours.
"Les Ukrainiens contrôlent environ 500km2 dans la région"
La région de Koursk est sous le feu ukrainien depuis le mois d'août quand Kiev a lancé sa première grande offensive surprise en territoire ennemi. En quelques jours, 28 localités et 1.000 km2 avaient été conquis. "Ces 1.000 km2, ils ont essayé de les tenir le plus possible mais c'était humiliant pour Poutine qui a voulu reconquérir", explique à BFMTV.com le général Jérôme Pellistrandi, notre consultant défense.
Résultalt: la Russie a depuis récupéré la moitié des territoires perdus, épaulée par des soldats nord-coréens. Si la présence de ces derniers n'a toujours pas été confirmée par la Russie ou la Corée du Nord, les services de renseignement sud-coréen et américain estiment qu'entre 10.000 et 12.000 hommes ont été envoyés combattre dans la région de Koursk.
"Début janvier, les Ukrainiens contrôlaient environ 500km2 dans la région de Koursk", souligne Guillaume Ancel, ancien officier et chroniqueur de guerre, contacté par BFMTV.com.
En reprenant l'offensive dans la région, le président Volodymyr Zelensky a souligné lundi que son objectif était de "maintenir une zone tampon sur le territoire russe, en détruisant activement le potentiel militaire russe". Mais également de fixer l'armée de Moscou afin de l'empêcher de déployer l'ensemble de ses effectifs sur les autres fronts, oriental et méridional.
"Alors que l'Ukraine est très déstabilisée du côté de Pokrovsk sur son territoire, en relançant l'offensive, elle oblige les Russes à se reconcentrer sur un nouveau front", analyse le général Jérôme Pellistrandi.
Objectif: renforcer leurs positions avant l'arrivée de Trump
Mais surtout, le calendrier est loin d'être anodin: cette accélération dans la région de Koursk survient moins de quinze jours avant l'arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche. Kiev veut renforcer ses positions avant la prise de pouvoir du 47e président des États-Unis qui a promis de mettre fin à cette guerre "en 24 heures" une fois les clés en main. Si les négociations officielles n'ont pas commencé, des "discussions" sont enclenchées "entre l'équipe de Trump, en lien avec les équipes de Biden, et l'entourage de Poutine depuis début décembre", selon Guillaume Ancel.
"Les Ukrainiens mettent donc les bouchées doubles avant le début officiel des négociations", continue-t-il. Car in fine, l'objectif de Kiev serait "de pouvoir négocier la restitution de certaines parties de son territoire".
Pour cela, ils veulent conserver le maximum possible de territoire russe. "Ils veulent surtout empêcher les Russes de se réapproprier du territoire plutôt que d'élargir leur conquête", abonde le chroniqueur de guerre.
Même si l'armée ukrainienne réussissait à grignoter des centaines de km2, cela ne permettrait pas de contrebalancer les près de 100.000 km2 aux mains des Russes en Ukraine. "L'Ukraine ne pourrait jamais dire, je vous rends vos terres et on revient aux frontières de 1991", explicite le général Jérôme Pellistrandi.
Pour l'ancien directeur de l'École de guerre Vincent Desportes qui s'exprimait sur LCI ce mardi, "on ne peut pas attendre de cette opération, un résultat stratégique d'ordre militaire". Kiev veut "sans doute montrer aux alliés à la veille d'une grande réunion que l'Ukraine est encore capable de se battre, qu'elle a les moyens qu'elle est intelligente, et que lui donner des moyens permettrait de changer la situation".
Pour Vincent Desportes, l'objectif est aussi de "l'ordre psychologique ", soit de montrer aux Ukrainiens "que ce n'est pas perdu".
Volodymyr Zelensky a estimé sur X que les troupes de Vladimir Poutine ont "déjà perdu plus de 38.000 soldats" dans cette région de Koursk.
Un chiffre impossible à vérifier qui relève de la communication de guerre, selon l'ancien officier Guillaume Ancel. "On ne sait pas quelles sont les pertes dans la région de Koursk", affirme-t-il précisant toutefois que "les combats sont féroces".
"Chacun essaie de montrer le plus de force possible"
L'Ukraine agit dans la région russe de Koursk car, malgré la multiplication des aides de l'administration Biden, elle n'a pas les moyens d'arrêter l'offensive russe sur son territoire. Elle ne fait que la "freiner". D'autant plus que Moscou est également entré dans une phase d'accélération. "Poutine a ordonné à son armée d'agir vite pour conquérir le maximum de territoire en Ukraine", déclare l'ancien officier Guillaume Ancel. "Chacun essaie de montrer le plus de force possible".
La police ukrainienne a indiqué ce mercredi que deux personnes avaient été tuées et cinq autres blessés à la suite de bombardements d'artillerie et de drones russes contre la région méridionale de Kherson. Au moins treize personnes ont également été tuées dans une attaque russe en plein jour sur la ville de Zaporijjia dans le sud de l'Ukraine, selon le gouverneur de la région. Au total, la Russie a lancé 64 drones de combat contre l'Ukraine pendant la nuit, a indiqué l'armée de l'air ukrainienne, affirmant en avoir abattu 41.
La Russie a aussi revendiqué ce lundi la prise de Kourakhové, dans l'est de l'Ukraine, après une bataille de près de trois mois, estimant que sa conquête lui permettra de s'emparer entièrement de la région de Donetsk "à un rythme accéléré". La ville de Kourakhové, située près d'un important gisement de lithium, un minerai rare, était une position défensive de premier plan pour les militaires ukrainiens dans ce secteur. L'armée ukrainienne n'a de son côté pas confirmé cette perte.
"Les Russes se concentrent désormais sur le centre de la ligne de front dans la région de Donetsk. Ils ont renoncé à franchir le fleuve Dniepr etc", commente Guillaume Ancel qui souligne qu'en près de trois ans de guerre, Moscou a déjà perdu "plus de 600.000 hommes", soit "l'équivalent d'une armée complète".