"Il est devenu complètement fou": Vladimir Poutine a-t-il perdu le soutien de Donald Trump?

Donald Trump assiste à une réunion avec Vladimir Poutine lors du sommet du G20 à Osaka le 28 juin 2019. - Brendan Smialowski / AFP
"Il est devenu complètement FOU!". Si Donald Trump est adepte des déclarations cinglantes, il n'en avait pas encore fait un tel usage envers son homologue russe Vladimir Poutine depuis son arrivée au pouvoir.
"J'ai toujours eu de très bonnes relations avec (le président) russe Vladimir Poutine, mais quelque chose lui est arrivé. Il est devenu complètement FOU!", a écrit le président américain sur son réseau Truth Social déplorant des "tirs de missiles et de drones" sur des villes en Ukraine "sans aucune raison".
Les bombardements nocturnes massifs de Moscou se multiplient: selon l'armée de l'air ukrainienne, la Russie a lancé sur l'Ukraine 355 drones dans la nuit de dimanche à lundi, un nouveau record depuis le début de son invasion à grande échelle en février 2022. Des frappes que le Kremlin qualifie de mesures de "riposte".
"Le président Poutine fait ce qu'il faut pour assurer la sécurité de la Russie", a déclaré le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, en réponse aux critiques du président américain.
Une "frustration" pour Donald Trump
Depuis son accession à la Maison Blanche le 20 janvier dernier, Donald Trump tente de mettre fin à la guerre en Ukraine - une promesse de campagne - en se rapprochant de Vladimir Poutine, au détriment de Kiev. En vain.
"Malgré deux appels téléphoniques, quatre missions de son envoyé spécial Steve Witkoff à Moscou, le bilan de celui qui se présente comme le roi du deal et de la diplomatie transactionnelle est bien faible: au mieux, un échange de 1.000 prisonniers réalisé ces derniers jours", souligne le général Jérôme Pellistrandi, consultant défense pour BFMTV.
"Après quatre mois à la Maison Blanche, Donald Trump peut s’estimer, à juste titre, bien baladé par le Kremlin", estime ce dernier.
Malgré sa dite ouverture aux négociations et sa proposition de pourparlers à Istanbul en Turquie le 16 mai dernier, le président russe a accentué son offensive.
"Vladimir Poutine n’est pas 'absolutely crazy' ("Complètement fou", en français). Bien au contraire, il poursuit sa logique géopolitique sans dévier d’un centimètre de ses objectifs concernant l’Ukraine dont il veut la capitulation", note le général Jérôme Pellistrandi.
Du côté de Donald Trump, c'est donc "la frustration" qui est de mise, selon l'analyste géopolitique Ulrich Bounat contacté par BFMTV.com. Le Kremlin lui-même a attribué les propos de Donald Trump "à une surcharge émotionnelle".
"Trump part du principe que la guerre, c'est mauvais pour les affaires. Il était persuadé qu'en proposant un partenariat commercial entre les États-Unis et la Russie, il serait capable d'arrêter la guerre", détaille le chercheur associé au think thank Euro Créativ. Il ne comprend pas à quel point la "guerre est existentielle" aux yeux de Vladimir Poutine, ajoute-t-il.
Une déclaration sans lendemain?
Le maître du Kremlin, peu sensible à la proposition économique, ne changera pas de direction tant qu'une véritable pression ne lui sera pas mise par Washington, selon les experts. Et malgré sa déclaration cinglante, Donald Trump ne semble pas être enclin à entamer un bras de fer. Interrogé sur la possibilité de renforcer les sanctions américaines dimanche soir, il est resté évasif répondant simplement "absolument".
"C'est le roi des déclarations à l'emporte-pièce, mais je ne pense pas qu'il change de position sur la guerre", a déclaré Ulrich Bounat.
Malgré les multiples refus d'un cessez-le-feu et la reprise des bombardements massifs, "il ne se passe rien derrière", rappelle-t-il. Ce lundi, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a dénoncé lundi "l'impunité" de Moscou.
Ce n'est pas la première fois que Donald Trump hausse verbalement le ton envers Moscou. Il s'est déjà dit "très énervé" contre son homologue russe à la fin du mois de mars et lui a intimé d'arrêter ses bombardements un mois plus tard. "Vladimir, STOP", avait-il écrit sur Truth Social se demandant s'il ne se faisait pas "balader".
Ces propos sans conséquences étaient de plus noyés au sein de déclarations conciliantes bien plus nombreuses, le ton variant d'un jour à l'autre. Le président américain a déjà qualifié Vladimir Poutine d'homme "fort" et "très intelligent", saluant à plusieurs reprises leurs "très bonnes discussions". "Poutine veut la paix", a-t-il plusieurs fois répété, en ne se privant pas en revanche de critiquer Volodymyr Zelenksy. Ce dimanche encore, il a déclaré que "tout ce qui sortait de la bouche" du dirigeant ukrainien "causait des problèmes".
"Un scénario dans lequel on verrait les États-Unis décider d'imposer des sanctions à Moscou" paraît "très peu probable", estime ainsi Ulrich Bounat. "On ne peut pas conclure de cette dernière déclaration que des mesures vont être prises", abonde le spécialiste. "Par exemple, pendant son premier mandat, Donald Trump avait traité le dictateur nord-coréen Kim Jong-un de 'petit homme-fusé'. Cela ne l'a pas empêché d'aller lui serrer la main la semaine d'après".
Face à son échec, le milliardaire républicain semble plutôt prendre ses distances avec son rôle de négociateur, répétant de plus en plus fréquemment que "ce n'est pas sa guerre".
"C'est la guerre de Zelensky, de Poutine et de Biden, pas celle de Trump. Je ne fais qu'aider à éteindre les grands et vilains incendies qui ont été allumés par une incompétence et une haine flagrantes", a-t-il encore déclaré ce dimanche.
"Poutine sait jouer du temps long, contrairement à son homologue américain, adepte de l’immédiateté et du show médiatique", résume le général Jérôme Pellistrandi. "Deux temporalités s’affrontent avec un avantage pour celle du Kremlin."