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JMJ au Brésil: "Le pape combat le déclin de l'Eglise"

Le pape François, mercredi au sanctuaire marial d'Aparecida au Brésil, où il va célébrer la première grand-messe de son pontificat hors de Rome.

Le pape François, mercredi au sanctuaire marial d'Aparecida au Brésil, où il va célébrer la première grand-messe de son pontificat hors de Rome. - -

Après les émeutes de juin, la visite du souverain pontife au Brésil est placée sous haute surveillance. D'autant que tout le monde ne voit pas d'un bon œil les dépenses consécutives aux JMJ, en période de crise sociale.

La crise politique et sociale qui court depuis quelques mois au Brésil va-t-elle jouer les trouble-fête aux 28e Journées mondiales de la jeunesse (JMJ) présidées par le pape François? Après les grandes manifestations de juin lors de la Coupe des confédérations de football, le mouvement de contestation portée par une partie de la population est dans tous les esprits. Avec l'arrêt du "miracle brésilien" matérialisé par un spectaculaire ralentissement de la croissance économique (- de 1%) et une inflation galopante (+ 20% depuis janvier), certains ne voient pas d'un bon œil les trente millions d'euros que va coûter la visite papale.

Dès son arrivée sur place, les Anonymous de Rio se heurtaient aux forces de l'ordre. Mais cette contestation peut-elle réellement compromettre la sérénité des JMJ? Pour y voir plus clair, BFMTV.com a posé la question à Stéphane Monclaire, maître de conférences de Science politique à l'Université de Paris 1 Sorbonne, spécialiste de ce pays.

Certains ont dénoncé les dépenses occasionnées par la venue du pape François au Brésil. Ce mouvement peut-il prendre de l'ampleur?

Non. Même si le catholicisme est en déclin, le Brésil reste le premier pays catholique au monde. Il possède 100 millions de fidèles et plus de 52% de la population se rend à la messe une fois par semaine. Cela amène une grande partie de la population à avoir du respect pour le pape.

Mais, surtout, le Brésil n'a pas de tradition d'hostilité à l'égard des personnes. Le pape a plutôt une bonne image. Les Anonymous et d'autres groupes dénoncent surtout le coût pour l'Etat de l'organisation des JMJ. Si ces journées sont en grande partie payées par le clergé brésilien, les déplacements du pape sont en revanche pris en charge par l'Etat. C'est le genre de détails qui échappe un peu aux partisans de la laïcité, mais le pape est aussi le chef de l'Etat du Vatican. Il est donc logique, eut égard aux accords entre pays, que l'Etat fédéral s'acquitte d'une partie de note.

La mobilisation de 30.000 policiers vous paraît-elle justifiée?

Oui, car on est dans un pays qui est assez violent où la protection des chefs d'Etat entraîne toujours une grande mobilisation des forces de sécurité. Comme le pape a en outre fait savoir qu'il voulait être au milieu des fidèles, sans protection renforcée - il roule par exemple vitres ouvertes en voiture - cela suscite beaucoup de craintes au sein des services de sécurité brésiliens. A un an de la coupe du monde de Football, il est essentiel que les JMJ se passent très bien.

Si la parole du pape est très appréciée, des voix dissonnantes se font entendre. Quels sont les principaux sujets de crispation?

Certaines positions conservatrices de l'église catholique, qui ne sont pas nouvelles, sur quelques grandes questions peuvent déplaire à une frange de la population. Des groupes féministes, mais aussi des mouvements de citoyens plaident depuis des années en faveur de l'avortement qui reste interdit au Brésil. Pour l'instant aucun gouvernement ne s'y est risqué de peur de choquer l'église catholique, mais aussi la population brésilienne qui dans son ensemble, catholiques, protestants et même laïques, est très massivement hostile à l'avortement.

Le pape n'opère non pas tant une opération de séduction, qu'il tente d'enrayer un déclin de l'Eglise catholique qui tient, non seulement à la progression des évangélistes, mais aussi au développement économique.

Avec l'accession de Lula au pouvoir au début des années 2000, beaucoup d'exclus ont eu accès à la société de consommation. Ce confort de vie progressivement gagné - l'Europe a connu le même phénomène - a éloigné peu à peu les Brésiliens des églises, mais aussi des temples protestants ou des synagogues. Petit à petit, la laïcité progresse et la religiosité décline, c'est bien cela que le pape va combattre. Il saura sans aucun doute trouver les mots pour susciter l'adhésion. Venant d'Argentine, il connaît bien le Brésil et la mentalité sud-américaine.

Propos recueillis par David Namias