Le Brésil s'embrase: un million de manifestants, un mort

Des manifestants brésilens à Rio de Janeiro le 17 juin - -
Au moins un million de manifestants sont descendus jeudi dans les rues des grandes villes du Brésil au dixième jour de fronde sociale marqué par de violents affrontements avec la police, des dizaines de blessés et un premier mort.
Cette importante mobilisation a poussé la présidente Dilma Rousseff à annuler un voyage officiel prévu au Japon.
Le mouvement de fronde sociale qui secoue le pays depuis une dizaines de jours avait promis via les réseaux sociaux de faire descendre un million de manifestants jeudi dans les rues d'une centaine de villes du pays pour exiger des services publics de qualité et dénoncer la facture du Mondial de football-2014, malgré une baisse des tarifs des transports en commun obtenue au cours des derniers jours.
Renversé par une voiture
A Ribeirao Preto, dans l'Etat de Sao Paulo (sud-est), un manifestant est mort renversé jeudi soir par une voiture qui tentait de doubler un groupe de protestataires qui bloquaient une rue.
A Brasilia (centre), où se sont rassemblées 30.000 personnes, des manifestants ont attaqué dans la soirée le ministère des Affaires étrangères d'où ils ont été refoulés de justesse par la police, après avoir brisé une porte vitrée et une cinquantaine de fenêtres. Les affrontements ont fait une trentaine de blessés.
Plus de 300.000 manifestants ont défilé à Rio de Janeiro (sud-est) où après un début de marche pacifique des heurts violents ont éclaté devant la mairie. La police a tiré des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc contre un groupe de manifestants radicaux. Au moins 40 personnes ont été blessées dont un journaliste de la TV Globo, touché au front par une balle en caoutchouc.
Péage détruit, bus incendiés et caillassés...
Selon un décompte effectué par l'AFP, à partir des estimations officielles fournies par la police ou des experts, ils étaient notamment 110.000 à Sao Paulo, 100.000 à Vitoria, 52.000 à Recife, 30.000 à Manaus, 30.000 à Cuiaba, 20.000 à Salvador de Bahia et 20.000 à Aracaje.
A Vitoria (sud-est), un groupe de manifestants a détruit les cabines de péage d'un pont qui relie la ville à sa voisine. Devant le tribunal de Justice, un bataillon d'élite de la police a du intervenir avec des gaz lacrymogènes pour disperser un groupe radical.
A Salvador de Bahia (nord-est), théâtre de la première manifestation dans l'après-midi, des affrontements violents ont également éclaté. Les manifestants ont incendié un bus et lancé des pierres sur des minibus de la Fifa, organisatrice de la Coupe des Confédérations de football qui se dispute actuellement dans le pays et du Mondial dans un an.
Au moins un manifestant a été blessé par une balle en caoutchouc. Un policier a également été blessé lors de ces incidents survenus à deux kilomètres du stade où se jouait le match Nigeria-Uruguay.
Voyage officiel au Japon annulé
Confrontée au plus vaste mouvement de protestation depuis 21 ans au Brésil, la présidente Dilma Rousseff a annulé une visite d'Etat au Japon, prévue du 26 au 28 juin. "Elle a décidé de rester au Brésil en raison des événements actuels", a indiqué une source de la présidence. Dilma Rousseff a convoqué une réunion de crise avec ses ministres les plus proches ce matin.
Les principales villes du pays, dont Rio et Sao Paulo mercredi, ont cédé cette semaine l'une après l'autre à la revendication initiale de la rue. Elles ont accepté de revenir sur leur décision d'augmenter le tarif des transports publics, la revendication initiale de la fronde sociale.
Un "Printemps tropical" ?
Malgré cette victoire, rien ne laisse présager un essoufflement rapide de ce mouvement diffus, sans étiquette politique ou syndicale, ni leaders clairement identifiés.
Il cristallise désormais toutes les frustrations de la population de ce pays émergent de 194 millions d'habitants: services publics précaires comme la santé et l'éducation, corruption de la classe politique, sommes colossales (11 milliards d'euros) investies pour l'organisation du Mondial-2014 de football.
Et depuis sa victoire sur le prix du ticket de bus, il n'a plus de revendication concrète bien définie. "Le tarif des autobus est le détonateur d'un grand mouvement qui n'a pas de leader mais cela ne veut pas dire que nous n'ayons pas une direction à suivre. A partir de maintenant, les politiciens vont devoir nous prêter plus d'attention", a déclaré Carolina Silva, 35 ans, employée de la compagne pétrolière nationale Petrobras.
Certains observateurs comparent le mouvement aux récentes manifestations en Turquie ou même aux révoltes du "Printemps arabe".