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Covid-19: les écoles sont-elles responsables du retard dans l'arrivée du pic épidémique?

La hausse continue du nombre de cas de Covid-19 en France est "en partie liée à une circulation très active du virus dans les écoles primaires, les maternelles, et les crèches", écrit le Conseil scientifique.

Attendu pour la mi-janvier, le pic des contaminations de cette cinquième vague de Covid-19 tarde à arriver. Si le nombre de malades en réanimation est en baisse, le nombre de cas positifs détecté chaque jour est lui toujours à la hausse, comme celui des hospitalisations. Parmi les explications à cette absence de décrue, le maintien de l'ouverture des écoles lors de la rentrée de janvier est sur la table.

"La reprise/poursuite épidémique observée mi-janvier 2022 est probablement multifactorielle, en partie liée à une circulation très active du virus dans les écoles primaires, les maternelles, et les crèches", écrit ainsi le Conseil scientifique dans son dernier point du 21 janvier.

"On pense en effet que la rentrée a eu une incidence"

Un élément "extrêmement important" de cette hausse épidémique, "c'est les enfants", explique sur notre antenne Alain Ducardonnet, consultant santé pour BFMTV. "C'est en effet dans la classe des moins de 15 ans que l'incidence est la plus élevée, puis elle a été ensuite dans la classe des 30/44 ans, celle des parents, donc on pense en effet que la rentrée a eu une incidence extrêmement forte sur l'augmentation de ces chiffres".

Le taux d'incidence dépasse ainsi les 5000 chez les 30-39 ans, et les 4000 chez les 40-49 ans. Il reste particulièrement élevé dans la tranche des 10-19 ans avec un taux de 6490, selon les dernières données, soit le taux d'incidence le plus élevé parmi toutes les tranches d'âges actuellement.

Difficile donc pour certains scientifiques d'entendre le Premier ministre Jean Castex déjà évoquer de futurs allègements dans le protocole sanitaire à la rentrée de février. L'infectiologue Gilles Pialoux critiquait ainsi vendredi sur FranceInfo "l'angle mort de l'école", pointant du doigt "des mesures qui sont annoncées sans seuil de levée des contraintes, mais surtout, sans seuil de reprise" en cas de non-décroissance de l'épidémie.

"Au niveau scolaire, c’est quand même hallucinant. La rentrée des dernières vacances de Noël montre que dans la tranche 0-9 ans, on a eu une augmentation faramineuse avec des chiffres d'incidence qui sont au-delà de 4000, et même de 5000 pour les 10-19 ans", avait-il lancé, et en ce sens, "l’idée qu'après les vacances de février, on aura un allègement, les bras m'en tombent."

"Ces cantines où on doit baisser le masque sont mal ventilés"

Interrogé sur BFMTV au sujet des contaminations dans les écoles, l'épidémiologiste Antoine Flahault souligne que "ces locaux, ces salles de classe, ces cantines où on doit baisser le masque sont mal ventilés et favorisent la transmission du coronavirus".

Cette critique va dans le sens des demandes répétées du personnel enseignant pour disposer de plus de moyens afin de contrôler l'épidémie dans les classes, notamment des capteurs de CO2 et des purificateurs d'air.

Afin d'éviter que ces contaminations n'aient trop d'impact sur les plus fragiles, le Conseil scientifique appelle à des "moyens supplémentaires afin de renforcer les protocoles sanitaires de prévention et dépistage des infections en milieu scolaire et dans les crèches". Il "conviendra aussi de s’assurer que les personnes fragiles vivant au contact des enfants ou de leurs parents sont au mieux protégés du risque d’infection pendant cette période critique (éviction des contacts, gestes barrières et vaccination)".

Actuellement, les élèves cas contacts dans une classe doivent réaliser le jour-même puis à J+2 et J+4 des autotests pour s'assurer qu'ils ne sont pas contaminés. Selon le dernier point du 21 janvier du ministère de l'Education nationale, 18.786 classes étaient fermées pour des cas de Covid-19, contre 14.380 le 14 janvier.

"Il y a d'autres facteurs"

Malgré ces réserves, le gouvernement s'est félicité à plusieurs reprises du fait que les écoles avaient été laissées ouvertes malgré la cinquième vague en cours.

"S'il y avait un lien de causalité direct, évident, unique", entre l'ouverture des écoles et le pic de contaminations, "nous constaterions la même chose dans tous les pays dans lesquels les écoles sont ouvertes", soulignait le ministre de la Santé Olivier Véran ce mardi sur LCI, déclarant que "les écoles sont ouvertes en Espagne, en Italie, en Allemagne, même en Autriche et elles ont rouvert aux Pays-Bas".

L'école est "à la fois le maillon faible et le maillon fort, en particulier en France", déclarait sur FranceInfo ce mardi le président du conseil scientifique Jean-François Delfraissy. Il met en avant le dilemme existant depuis le début de la pandémie au sujet des écoles: fermer les classes représente une perte pédagogique importante pour de nombreux élèves et les fragilise sur le long terme, mais laisser les écoles ouvertes permet, fatalement, la circulation du virus, même si les enfants font moins de cas graves.

S'il reconnait les contaminations à l'école, pour lui il s'agit d'avantage d'une question d'âge car cette tranche de la population est moins vaccinée. Seulement 2,19% des 0-11 ans ont reçu au moins une dose de vaccin, contre 83% des 12-17 ans. Mais "de là à dire que tout est expliqué par l'école, la réponse est non, cela serait ridicule. L'école est un des facteurs qui existent, mais il y a d'autres facteurs", souligne Jean-François Delfraissy.

Le président du Conseil scientifique cite par exemple le relâchement de la population concernant les gestes barrières ou les règles de distanciation sociale. Sur notre antenne, Alain Ducardonnet évoquait également l'apparition du sous-variant d'Omicron appelé BA.2, un "élément possible de cette petite remontée des chiffres".

Salomé Vincendon
Salomé Vincendon Journaliste BFMTV