Pour Hollande, Trump "n'est plus notre allié" et "pactise avec les adversaires" de l'Europe

L'analyse de François Hollande deux semaines après la conférence de Munich. Lors de cette rencontre entre le vice-président américain JD Vance et les dirigeants européens, les États-Unis ont montré qu'ils étaient décidé à ne plus s'investir dans les relations entre l'Union européenne et Washington, pilier de la sécurité et de l'économie mondiale depuis la Seconde Guerre mondiale.
"Si le peuple américain reste notre ami, l’administration Trump, elle, n’est plus notre alliée", juge l'ancien président dans les colonnes du Monde ce vendredi 28 février, accusant Donald Trump de "ne plus être un allié, de pactiser avec nos adversaires".
"Aux yeux" de Trump l'Europe n'existe plus"
Depuis son retour à la Maison-Blanche début janvier, le dirigeant américain a opéré un brusque virage diplomatique vers la Russie, remettant en cause trois ans de front uni des États-Unis et de l'Europe contre l'invasion en Ukraine.
Donald Trump a réclamé ces derniers jours vouloir "récupérer" le montant de l'aide fournie au pays depuis le début du conflit, demandant l'accès à "des terres rares et du pétrole, n'importe quoi qu'on puisse obtenir" de Kiev.
Pour l'instant, le milliardaire a écarté l'Ukraine et les Européens des négociations de paix qui pourraient être largement à l'avantage de Moscou.
"L'ambition de Donald Trump est d’écrire une page totalement nouvelle dans l’histoire des relations internationales. À ses yeux, seules trois puissances comptent – les États-Unis, la Russie et la Chine –, l’Europe, elle, n’existe plus", regrette François Hollande.
"Sa vraie cible"
La Chine est devenue un partenaire-clé de la Russie, vers qui Vladimir Poutine s'est tourné après avoir été frappé par des sanctions économiques après le début de la guerre en Ukraine.
Mais Donald Trump, qui juge que les importations chinoises mettent à mal l'économie américaine, a annoncé une nouvelle hausse de 10% des droits de douane sur les produits en provenance de Chine en fin de semaine, importations déjà visées par une hausse de 10% depuis le début du mois de février.
Sans manifestement convaincre François Hollande que la Chine soit véritablement dans le viseur de l'Américain.
"Quand je vois la brutalité avec laquelle il nous attaque sur les questions économiques et commerciales ou le refus qu’il oppose à toute régulation des géants de l'Internet, aucun doute n’est permis: sa vraie cible, c’est nous et pas la Chine, comme il le prétend", analyse l'ex-locataire de l'Élysée.
"Avec Donald Trump, la séduction et l'argumentation ne servent à rien"
Donald Trump a annoncé mercredi 26 février que les produits européens feront "prochainement" l'objet de droit de douane à 25%. "L'Europe été conçue pour emmerder les États-Unis. C’était l’objectif et ils y sont parvenus. Mais désormais je suis le président", a expliqué le dirigeant américain lors d'une réunion de son cabinet à la Maison-Blanche.
Dans un tel contexte, Emmanuel Macron s'est rendu en début de semaine à Washington pour discuter avec Donald Trump. Si le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot a affirmé sur BFMTV mercredi que cette rencontre a permis d'obtenir "des résutats satisfaisants", l'ex-chef de l'État affiche son scepticisme.
"Il ne faut pas se faire d’illusion. Avec Donald Trump, la séduction et l’argumentation ne servent à rien", analyse François Hollande, jugeant qu'il "aurait sans doute été préférable de venir en même temps et à plusieurs" (avec d'autres dirigeants européens NDLR) à Washington, et pas en ordre dispersé.
Une politique de défense avec "quelques pays" de l'UE
Alors que la France veut accélérer sur le renforcement de la capacité de la défense européenne, qui pourrait concrètement se traduire par le déploiement de forces militaires de différents pays membres de l'UE en Ukraine, François Hollande appelle Emmanuel Macron à ne pas jouer la carte de l'unité.
L'Europe ne doit pas concevoir sa politique de défense "à 27" " mais "différemment, avec quelques pays" en citant par exemple l'Allemagne dont le nouveau chancelier Friedrich Merz a affiché son ouverture sur le sujet ou le Royaume-Uni qui n'est plus membre de l'UE mais qui possède l'arme nucléaire.
"Mais il n’y aura pas de défense européenne tant que les pays concernés continueront à acheter du matériel américain", s'alarme encore François Hollande. L'approvisionnement des Européens en matière de défense est réalisé à 63% auprès de compagnies américaines quand il a lieu hors du continent européen, d'après des chiffres de l'institution de relations internationales et stratégiques (IRIS).
"Se décider à utiliser la force"
Interrogé sur la promesse d'Emmanuel Macron de faire passer le budget de la défense française à 5% - il se chiffre actuellement à 2,3% du PIB - son prédécesseur prend clairement ses distances.
"5 % me semblent à la fois excessifs, incantatoires et inappropriés. Car les dépenses militaires ne sont pas tout. Ce n’est pas une affaire de montant, mais d’implication. Nous devons être décidés à utiliser la force", juge François Hollande.
"Tant qu’il y a un doute de la part de nos ennemis sur nos capacités militaires et sur notre crédibilité politique, nous sommes faibles, quelle que soit la somme que nous dépensons", insiste encore l'ex-chef de l'État.
"Plus de chômage et d'inflation"
Celui qui est redevenu député socialiste depuis les dernières législatives exhorte encore Emmanuel Macron à "dire la vérité".
"Trump va nous infliger un ralentissement sérieux de la croissance. S’il y a davantage de droits de douane et plus de protectionnisme, il y aura plus de chômage et d’inflation".
De quoi pousser l'ex-chef de l'État à demander aux députés socialistes "de ne pas se dérober" si Emmanuel Macron "nous appelle sur certains choix à nous rassembler" en cas, par exemple, d'intervention française en Ukraine.
"Je suis dans l'opposition et j'y resterai", insiste cependant bien François Hollande.