Un retour à l'Assemblée qui n'avait "rien d'évident": quel bilan pour le député François Hollande?

L'ancien président et député François Hollande dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, à Paris, le 22 octobre 2024. - Alain JOCARD / AFP
Un ex-président élu à l'Assemblée nationale. François Hollande est le second, après Valéry Giscard d'Estaing, à tenter l'expérience: l'ancien chef de l'État a fait son retour au Palais Bourbon à la faveur des législatives surprises de juillet dernier. Avec la difficulté pour lui de creuser son sillon.
"Il n'y avait rien d'évident pour lui à trouver sa place", reconnaît le député Guillaume Garrot, son ex-ministre de l'Agriculture, auprès de BFMTV.com. "C'est aussi un atterrissage pour lui après des années loin de tout cela."
Un groupe PS loin d'être acquis à sa cause
Il faut dire que l'ancien chef de l'État, largement élu en Corrèze à l'été dernier, n'est pas vraiment en terrain conquis dans le groupe socialiste. Seule une poignée d'élus siégeaient déjà à l'Assemblée entre 2012 et 2017, sous son quinquennat.
La nouvelle génération a souvent la dent dure contre son bilan à l'Élysée, à l'instar de Philippe Brun qui a quitté le parti en 2015 en se disant "dégoûté" de François Hollande, avant de revenir et désormais de multiplier les échanges avec l'ex-président. Et les relations sont pour le moins tendues avec Olivier Faure, le Premier secrétaire du PS.
"C'est sûr qu'on n'a pas tous gardé un bon souvenir du quinquennat de François Hollande", résume un élu socialiste qui juge qu'on "a vu sur pièces ses résultats".
Le nombre de députés PS est en effet passé de 295 en 2012 à 31 en 2017 avant de reprendre un peu des couleurs sous l'égide d'Olivier Faure et à la faveur du Nouveau Front populaire, avec désormais 66 députés.
Manifestement conscient de la nécessité d'arrondir les angles avec ses collègues, l'ex-chef de l'État met les formes, en prenant soin à être assidu en réunion de groupe et à afficher une posture d'humilité.
"Il n'a pas le comportement de quelqu'un qui se met sur un piédestal", assure le député Roger Vicot. "Il écoute beaucoup. Ça permet de n'avoir ni déférence particulière à son égard ni rejet manifeste."
Une présence dans l'hémicycle en pointillé
Dans l'hémicycle, François Hollande s'est en revanche fait beaucoup plus discret. Sa seule prise de parole publique a eu lieu fin octobre pour défendre la réforme des retraites votée sous son quinquennat et farouchement attaquée lors des débats par le député RN Thomas Ménagé.
Quant à sa participation aux votes en séance publique, elle reste modeste. François Hollande n'avait voté qu'à une seule reprise le 8 octobre en faveur de la motion de censure déposée par La France insoumise pour renverser Michel Barnier. Le décompte, souligné par Le Figaro, dans un article du 27 octobre dernier a fortement agacé dans l'entourage de l'ex-président.
"Il a raté une semaine à cause de hasards d'agenda et de rendez-vous calés très en avance", assure l'une de ses proches - en réalité une dizaine de jours de séance.
Hasard ou gêne? Dès le lendemain de la publication de cet article, François Hollande a manifesté son assiduité en séance. À ce jour, l'ancien chef de l'État a voté 44 fois, certes devant d'autres ténors de l'Assemblée nationale - Laurent Wauquiez a voté 31 fois, Marine Le Pen et Gérald Darmanin 22 fois - mais très loin derrière d'autres députés socialistes qui ont participé à plus de 210 scrutins comme Iñaki Echaniz.
Le député François Hollande siège en parallèle à la commission des Affaires étrangères. Un député socialiste qui ne l'apprécie guère estime que "ce n'est pas un hasard" d'y retrouver l'ancien président: "Tout le monde sait que c'est la commission qui demande le moins d'investissement."
Sur 21 réunions organisées depuis le 20 juillet, François Hollande n'a pris la parole qu'à deux reprises le 11 septembre et le 6 novembre. Il a cependant assisté à la moitié des réunions. "Il a choisi cette commission par intérêt pour le sujet et non pour le rythme évidemment", rétorque l'entourage de François Hollande.
"Un calcul" à la Valéry Giscard d'Estaing?
Dans les rangs des socialistes, nombreux voient dans le retour de l'ex-locataire de l'Élysée à l'Assemblée nationale une rampe de lancement pour la future présidentielle.
"Ce n'est pas impossible qu'il tente de faire le même calcul que Valéry Giscard d'Estaing", analyse ainsi un collaborateur socialiste. Après sa large défaite face à François Mitterrand en 1981, Valéry Giscard d'Estaing fait le choix de revenir conseiller départemental puis député en 1984 avec l'espoir de reconquérir le cœur des Français, sans jamais y parvenir.
Mais pour François Hollande, la première étape pourrait surtout être une éventuelle candidature au congrès du PS prévu dans les premiers mois de 2025. Début octobre, l'ex-chef de l'État a demandé sur LCP "une nouvelle figure" à la tête du PS. S'il pourrait bénéficier du soutien de toute une frange des socialistes, qui souhaitent prendre leurs distances avec Jean-Luc Mélenchon et La France insoumise, il va lui falloir convaincre les députés socialistes.
La plupart d'entre eux, à commencer par l'actuel patron du parti, Olivier Faure, ont largement soutenu l'alliance avec La France insoumise dans le cadre du Nouveau front populaire.
"C'est malin de sa part de faire de l'entrisme à l'Assemblée pour convaincre les récalcitrants", analyse un député socialiste qui juge cependant que "personne n'est naïf".
"Il flippe d'une éventuelle primaire à gauche"
François Hollande a d'ailleurs lui-même reconnu "ne pas être indifférent à 2027" auprès de la revue L'Hémicycle. Sur BFMTV, le 4 novembre dernier, le député de Corrèze a fait d'une pierre deux coups. "Le grand Parti socialiste, qui doit émerger dans quelques mois, doit avoir un candidat à la présidentielle", a-t-il lancé. "Il n'y a pas de candidat unique à la gauche."
Traduction d'un proche d'Olivier Faure: "Il flippe d'une éventuelle primaire à gauche donc son but, c'est de revenir à la tête du PS et d'imposer lui-même sa candidature."
Le pari est loin d'être gagné - en tout cas dans l'opinion publique. François Hollande a perdu quatre points de popularité en un mois dans le dernier sondage Ifop pour Sud radio et Paris Match - il recule de 11 places dans le classement des personnalités politiques.