Budget: pourquoi le choix du PS de ne pas censurer François Bayrou fragilise encore l'alliance de gauche

Mathilde Panot, Manuel Bompard, Marine Tondelier, Yannick Jadot, Olivier Faure et Fabien Roussel à Paris le 14 juin 2024 - JULIEN DE ROSA / AFP
La température continue encore de monter entre La France insoumise et les socialistes. Les troupes d'Olivier Faure ont décidé de ne pas soutenir les motions de censure déposées par les insoumis et soutenues par les écologistes et les communistes ce mercredi à l'Assemblée nationale.
Au risque de faire définitivement voler en éclat le Nouveau Front populaire?
"Le budget est très largement insatisfaisant mais entre un mauvais budget et pas du tout de budget, on a choisi le moins pire des maux", se défend le député socialiste Guillaume Garrot auprès de BFMTV.com.
"On a été élu pour rompre avec Macron"
Conforté par la décision du parti à la rose de ne pas chercher à le renverser, François Bayrou a dégainé lundi les premiers 49.3 de son bail à Matignon sur les projets de loi de finances. De quoi permettre à la France qui fonctionne depuis le 1er janvier grâce à une loi spéciale de se doter finalement de budgets après la chute de Michel Barnier en décembre dernier.
Le tout sans grand risque politique donc. Sans les forces du PS et du RN qui entretient le flou, impossible de récolter les 288 voix nécessaires pour faire tomber le Premier ministre.
"On a été élu pour rompre avec Macron et pour éviter l'arrivée du RN au pouvoir. Résultat: à cause du PS, on a un budget austéritaire, Retailleau au gouvernement et un Premier ministre qui parle de 'submersion' migratoire", tance le député LFI Aurélien Le Coq.
"Des semaines que le PS et le LFI se jettent des anathèmes"
Dans les rangs des insoumis, le geste des socialistes passe d'autant moins qu'il arrive à peine deux semaines après avoir décidé de ne pas soutenir une première motion de censure pour faire tomber le chef du gouvernement.
"Le NFP est réduit d'un parti", a vertement critiqué de son côté Jean-Luc Mélenchon dans une note de blog, accusant le PS d'avoir "consommé son ralliement" à François Bayrou. La présidente des députés LFI Mathilde Panot a regretté de son côté que les les socialistes soit "devenus les supplétifs de la macronie".
"Ça fait des semaines que le PS et LFI se jettent des anathèmes. On commence à avoir un peu l'habitude. Il ne faut pas donner trop d'importance à tout ça", banalise de son côté une députée écologiste.
"On a choisi de faire du 'en même temps'"
Manifestement soucieux de ne pas faire un chèque en blanc à François Bayrou tout en montrant qu'ils restent bien des opposants, les socialistes ont cependant bien choisi de jouer leur propre partition.
Une fois les motions de censure de LFI rejetées, les socialistes déposeront ainsi leur propre motion de censure "au nom des valeurs". Sous le feu de leurs critiques: les propos de François Bayrou sur le sentiment de "submersion" migratoire en France. Ce texte a toutes les chances de largement réunir les suffrages de toute la gauche, sans cependant avoir de vraies chances de faire tomber le gouvernement.
"On a choisi de ne pas lier la question des budgets à notre volonté de dire que l'on n'était pas d'accord avec de tels mots. On a choisi de faire du 'en même temps'", assume le député Laurent Baumel, en reprenant un slogan du président.
"Toujours des opposants à notre façon"
"Une partie d'entre nous est mal à l'aise. On ne voulait pas laisser croire qu'on soutient Bayrou. Cette motion de censure nous permet de le rappeler et de dire aussi à LFI qu'on est toujours des opposants mais à notre façon", décrypte de son côté l'un de ses collègues.
C'est que les deux mouvements jouent deux stratégies très différentes. Les troupes de Jean-Luc Mélenchon cherchent à faire tomber le Premier ministre et à mettre la pression sur Emmanuel Macron, en grande difficulté politique.
Avec l'espoir derrière que le chef de l'État acte de l'impossibilité de se maintenir à l'Élysée avec une Assemblée nationale fragmentée et organise une présidentielle anticipée. LFI a d'ailleurs déjà commencé à lancer la chasse aux 500 signatures de maires dans cette optique.
"Un scénario bien huilé"
Au PS, on refuse d'envisager cette possibilité à la fois pour des raisons de stabilité politique mais aussi parce que le PS aurait à se choisir rapidement un candidat, alors que pour l'instant, nul ne s'impose.
"On n'est pas prisonnier de l'obsession présidentielle de Mélenchon. Et quand on obtient des concessions dans ce budget, j'estime qu'on fait notre travail. C'est ça que veulent les électeurs", se défend le député socialiste Guillaume Garrot.
Faut-il voir dans ces passes d'armes la fin du NFP ? "Absolument pas", juge la députée PS Sandrine Runel qui appelle à ne pas se poser "la même question tous les 15 jours".
"Je crois que tout ça correspond à un scénario bien huilé de deux côtés avec LFI qui montre qu'il est dans une opposition frontale et le PS plus dans une logique de compromis", remarque de de son côté un député communiste.
Si François Bayrou parvient à enjamber les motions de censure de LFI puis celle du PS, l'option la plus probable, l'ensemble de la gauche devrait se retrouver largement unis contre les les textes à venir à l'Assemblée nationale, à commencer par une loi immigration consacrée à Mayotte.