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"Pathétique", "abasourdis", "désespérant"... Les macronistes "en colère" après la démission de Sébastien Lecornu

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Certains députés du camp présidentiel s'en prennent aux oppositions après le départ de Sébastien Lecornu, sans trop s'attaquer aux choix faits pas le Premier ministre démissionnaire.

"Je suis en colère", "c'est pathétique", "c'est une irresponsabilité de toutes parts". Deux heures que Sébastien Lecornu avait démissionné ce lundi 6 octobre, mais Fadila Khattabi, contactée par BFMTV, ne s'en remettait toujours pas.

L'ex-ministre macroniste, battue aux dernières élections législatives et aujourd'hui membre du bureau exécutif de Renaissance, pensait que le Premier ministre avait donné suffisamment de "gages" aux partis d'opposition pour éviter ce départ forcé. Départ acté seulement quelques heures après l'annonce de la première partie du gouvernement, la veille.

Sébastien Lecornu, estimait-elle, avait fait une concession significative en amont de la discussion budgétaire, avec l'abandon ce vendredi de l'article 49.3 de la Constitution, permettant au gouvernement de se passer du vote des députés à l'Assemblée nationale sur un texte.

"Cela revenait à donner le pouvoir à 100% à l'Assemblée nationale. Donc, je me suis dit que les députés allaient s'approprier le budget. Peu importe le casting gouvernemental, ils auraient eu le pouvoir", retrace Fadila Khattabi. Et l'ex-présidente de la commission des Affaires sociales de l'Assemblée d'insister:

"Là franchement, c'était une première, une décision très forte, on nous a suffisamment reproché l'application du 49.3."

"L'attitude de Bruno Retailleau est assez désespérante"

Oui, mais voilà, ce fameux "casting" - entre maintien des ministres précédents et retour de Bruno Le Maire, ex-patron de Bercy dépeint par les oppositions comme l'homme du dérapage des finances publiques - semble avoir eu raison de Sébastien Lecornu.

L'édifice gouvernemental, déjà menacé à l'avance par la gauche comme l'extrême droite de censure, s'est fissuré de l'intérieur. Reconduit dans ses fonctions place Beauvau, mais sous pression en interne, le patron de LR, Bruno Retailleau, a annoncé la convocation des instances internes de son parti, jetant un très gros flou sur l'avenir de l'équipe Lecornu.

En cause: une première salve de ministres qui "ne reflète pas la rupture promise" par le Premier ministre lors de sa nomination.

Les macronistes sont encore amers. S'il reconnaît la différence entre la rupture promise et le casting gouvernemental, le député Renaissance Éric Bothorel explique:

"L’ouverture ou la non-ouverture d'un gouvernement n'est pas du seul fait de celui qui propose les postes. Elle est aussi du fait de celui qui les refuse. L’attitude de Bruno Retailleau à ce jeu est assez désespérante. Elle conduit à l'affaiblissement et à la démission du gouvernement."

Fadila Khattabi abonde: "On peut dire que l'on n’est pas satisfait, mais comme des ministres délégués allaient être nommés, il aurait pu essayer de peser là-dessus."

"Plus vous mettez des choses sur la table, plus ils en veulent"

Cette dernière n'en reste pas aux seuls LR. Elle cite aussi la gauche, ou plus précisément le Parti socialiste, partenaire avec lequel Sébastien Lecornu souhaitait négocier en priorité pour s'éviter la censure.

Fadila Khattabi leur reproche d'avoir été trop gourmands, alors que le chef du gouvernement avait accédé à l'une de leur demande en renonçant au 49.3.

Démission de Sébastien Lecornu: son discours en intégralité
Démission de Sébastien Lecornu: son discours en intégralité
7:37

"Il y a eu des engagements de pris. Mais j'ai l'impression que plus vous mettez de choses sur la table, plus ils veulent encore", enrage-t-elle.

Les socialistes, eux, avaient souligné que le gouvernement disposait d'autres outils pour agir sur les débats parlementaires, comme la procédure de vote bloqué. Ils réclamaient une victoire sur le fond: en l'occurrence, la suspension de la réforme des retraites.

"Je ne dis pas que la colle est fraîche, mais presque"

Certains macronistes ne jettent pas la pierre. Face à la situation actuelle, le député Renaissance Guillaume Gouffier-Valente (élu dans le Val-de-Marne) préfère parler d'une "responsabilité collective", notant surtout que "la seule famille politique qui grappille des voix dans ce moment trouble est l’extrême droite."

"Abasourdi" par la démission de Sébastien Lecornu, ce parlementaire ne nie pas l'hypothèse d'une nouvelle dissolution, mais évoque trois autres scénarios pour Emmanuel Macron:

  • Nommer la gauche, devenue le premier bloc en termes d'effectifs, alors que "le socle commun a explosé en plein vol"
  • "Choisir une autorité morale et politique forte", comme l'ex-Premier ministre de François Hollande, Bernard Cazeneuve
  • S'en remettre à Gérard Larcher (LR) ou Yaël Braun-Pivet (Renaissance), qui président respectivement le Sénat et l'Assemblée nationale.

Le même met en garde contre de nouvelles élections, qui se feraient sur "seulement 15 jours de campagne" et pourraient favoriser le Rassemblement national: "Ce ne serait pas une campagne de débat programme contre programme. Il y aurait un vote purement émotionnel."

S'ils militent contre une dissolution, les macronistes sont néanmoins en alerte, à l'image d'Éric Bothorel. Lequel confie: "J’ai appelé mes équipes ce matin. Je ne dis pas que la colle est fraîche, mais presque."

Baptiste Farge