L'Haÿ-les-Roses, Pontoise, Charly... Pourquoi la figure du maire est dans le viseur des émeutiers

L'événement a marqué le franchissement d'un nouveau seuil dans la violence et déclenché de fait une unanimité de la classe politique. Dans la nuit de samedi à dimanche, le domicile de Vincent Jeanbrun, maire Les Républicains (LR) de la ville de l'Haÿ-les-Roses (Val-de-Marne), a été visé par une attaque à la voiture-bélier.
Si le cas de l'édile a concentré les attentions et les indignations, il est révélateur d'un phénomène plus large. Nombre de ses homologues ont également été la cible de violences depuis la mort du jeune Nahel mardi dernier par un tir policier et les émeutes qui s'en sont suivies. Les exemples sont légion, que ce soit à Pontoise, Sannois (Val-d'Oise), Charleville-Mézières (Ardennes), Saint-Pierre-des-Corps (Indre-et-Loire) ou encore à Charly (Rhône).
"Homme politique le plus proche des Français"
"Ce qui a changé, c'est qu'avant, les émeutiers, les révoltés, pouvaient s'en prendre aux institutions, la mairie par exemple", analyse Matthieu Croissandeau, éditorialiste politique sur BFMTV. "Et là, ils s'en prennent aux maires, aux personnes directement, à leur entourage, leur famille, alors que pendant longtemps le maire a fait figure d'homme politique le plus proche des Français".
Mais celui-ci est perçu par une "partie des émeutier comme le symbole d'une autorité ou d'une République qu'ils ne supportent plus". Reste que le rapport entre ces élus et la mort de Nahel par un tir policier est "loin d'être évident". "C’est un prétexte pour déclencher une violence et une agressivité, qui ne sont pas, de mon point de vue, liées directement à cet événement très triste", juge sur BFMTV Philippe Ferreira-Pousos, maire de La Riche (Indre-et-Loire). Dimanche dernier, sa voiture a été incendié par des émeutiers, rapporte France 3.
Plus de 220 maires - tous à la tête de communes touchées par les émeutes - seront reçus à l'Élysée ce mardi par le président de la République Emmanuel Macron. Avant cela, l'association des maires de France (AMF) a appelé la population à un rassemblement ce lundi devant les mairies de l'Hexagone pour plaider en faveur de "la paix civile". Son président, David Lisnard, alerte depuis des mois sur la situation à laquelle les élus locaux font face.
Montée des violences "physiques" et "réputationelles"
"Il y a une vérité statistique, c'est que sur la dernière décennie 2013-2023, il y a deux fois plus de démissions d’élus municipaux que sur la décennie précédente", expliquait récemment sur BFMTV l'édile LR de Cannes.
"On voit monter les violences physiques, mais aussi les violences réputationnelles. C'est-à-dire [que] vous vous voyez dénigré sur les réseaux sociaux, vous voyez vos enfants jetés en pâture etc..."
Ainsi, les violences contre les élus locaux ont augmenté de 32% entre 2021 et 2022, selon le ministère de l'Intérieur.
"Manque de soutien"
Au milieu de ces chiffres, une figure a illustré la tendance: celle de Yannick Morez, maire divers droite de Saint-Brévin (Loire-Atlantique). Notamment visé par un incendie criminel à son domicile et des menaces, l'élu a annoncé sa démission le 10 mai dernier après des mois de tensions dans sa commune autour d'un projet de transfert d'un centre d'accueil de demandeurs d'asile (Cada).
Reçu par la Première ministre Élisabeth Borne et entendu par la commission des lois du Sénat, il avait dénoncé un "manque de soutien" de l'État. En marge de ces événements, l'exécutif avait ensuite présenté à la mi-mai tout un panel de mesures pour mieux protéger les élus locaux.
Principale disposition: aligner la peine des violences contre ces derniers sur celle des atteintes aux personnels en uniforme (gendarmes, policiers, pompiers...). Ainsi la sanction encourue passerait de 3 à 7 ans de prison et de 75.000 à 100.000 euros d'amende.
Présente aux côtés du maire de l'Haÿ-les-Roses dimanche, Élisabeth Borne l'a assuré de son soutien, tout en prononçant un discours de fermeté, symbolisé en cette phrase: "Nous ne laisserons rien passer".
Cependant, au-delà de la calinothérapie et des mesures déjà annoncées, le pays a besoin d'un "sursaut" et d'un "chantier de refondation démocratique", selon Matthieu Croissandeau. "Mais cela prend beaucoup de temps".