"Stupide", "suicidaire" ou "malin"... La macronie divisée après la prise de distance de Borne

La Première ministre Elisabeth Borne pendant la séance de questions au gouvernement, le 28 mars 2023 à l'Assemblée nationale - Bertrand GUAY © 2019 AFP
Une prise de distance que personne n'avait vu venir. Sur la ligne du président depuis son arrivée à Matignon, Élisabeth Borne a fait entendre sa différence avec l'Élysée sur la réforme des retraites pour la première fois dans les colonnes du Monde et du Point ce vendredi. Au grand dam d'une partie de la majorité présidentielle.
"J'ai dû relire ses propos trois fois et je n'ai toujours pas bien compris pourquoi elle a fait ça", s'agace un ministre auprès de BFMTV.
"Inélégant et stupide"
"C’est inélégant et stupide. C’est un écran de fumée pour justifier son échec", sur le recours au 49.3 pour faire adopter la réforme sans vote, juge plus sévèrement un lieutenant du mouvement.
Il faut dire que la Première ministre, en première ligne face à la mobilisation contre la retraite à 64 ans qui ne désarme pas, a mis les pieds dans le plat.
"Il ne faut pas que les syndicats sortent humiliés de cette séquence" sur les retraites, a ainsi jugé la cheffe du gouvernement, appelant à "respecter une période de convalescence", avant de finalement rétropédaler, assurant à la mi-journée être "parfaitement alignée" avec le chef de l'Etat.
"Le président ne fonctionne pas comme ça"
Ses propos sont très différents de ceux d'Emmanuel Macron qui suit de très près la situation depuis la Chine, où il est en visite. Le chef de l'État avait fait savoir son agacement vis-à-vis des syndicats, dans la foulée d'une réunion de l'intersyndicale qui a tourné court.
Autant dire que certains voient dans les mots de la Première ministre de quoi sceller son sort à Matignon en braquant l'Élysée. D'autant plus qu'Élisabeth Borne a fait savoir dans les colonnes de la presse qu'elle n'était "pas simplement là pour administrer le pays".
"C’est suicidaire. Le Président ne fonctionne pas comme ça", analyse un ministre.
"Se démarquer sans franchir la ligne rouge"
Mais d'autres y voient une stratégie plutôt fine de la part de la locataire de Matignon, qui semble bien déterminée à rester en poste.
"C’est malin. C’est une façon de se démarquer sans franchir la ligne rouge", constate une députée.
Pour cette parlementaire, cette sortie vise à permettre la cheffe du gouvernement de ne "pas subir la situation" en voulant "reprendre la main".
Le cycle de consultations lancé par l'énarque depuis deux semaines vise d'ailleurs à permettre au président de la République de présenter une feuille de route pour la suite de son quinquennat, sans guère convaincre jusqu'ici.
"Plus rien à perdre"
D'autres se disent qu'Élisabeth Borne a déjà acté d'une certaine façon son départ de Matignon.
"La rupture avec Macron est déjà entamée, elle n’a plus rien à perdre donc autant laisser une marque dans l’opinion", juge un conseiller de l'exécutif.
Comprendre: si la tension ne redescend pas dans les prochaines semaines, la Première ministre pourra laisser entendre qu'elle avait prévenu l'Élysée des risques.
Une chose est certaine: aucun remaniement ne devrait intervenir avant le 14 avril, jour de la décision du Conseil constitutionnel sur la réforme des retraites.