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Gouvernement

Réception des syndicats, puis de la droite... Journée décisive pour Élisabeth Borne

La Première ministre Elisabeth Borne lors des questions au gouvernement, le 15 mars 2023 à l'Assemblée nationale à Paris

La Première ministre Elisabeth Borne lors des questions au gouvernement, le 15 mars 2023 à l'Assemblée nationale à Paris - Ludovic MARIN © 2019 AFP

Très fragilisée par la réforme des retraites, Élisabeth Borne espère sortir de cette crise par le "dialogue". La Première ministre reçoit l'intersyndicale, puis les principaux représentants de la droite ce mercredi. Mais elle n'a pas l'intention de retirer sa réforme ou de toucher au report de l'âge légal. Une partie de son destin pourrait dépendre de la réussite de ces entretiens.

Ce mercredi, Élisabeth Borne arrive au momentum de ses consultations entamées depuis quelques jours déjà, dans l'espoir d'"élargir" la majorité du camp présidentiel et d'"apaiser le pays". La Première ministre reçoit non seulement l'intersyndicale mais aussi les chefs du parti Les Républicains (LR), un allié naturel qui n'en est pas vraiment un, tant la formation dirigée par Éric Ciotti est apparue divisée récemment.

Pour la cheffe du gouvernement, cette journée a tout d'une épreuve du feu. Très abîmée politiquement par une réforme impopulaire et adoptée sans vote des députés avec le 49.3, elle cherche une sortie de crise.

Les syndicats mettent la pression

Depuis quelques jours, elle se fait la chantre du "dialogue". Un refrain pas nouveau, pour celle qui ne dispose que d'une majorité relative à l'Assemblée nationale. Mais la chanson a vécu, après une séquence où les oppositions n'ont eu de cesse de dénoncer les "passages en force" de l'exécutif. Largement contestée, Élisabeth Borne est-elle encore capable de gouverner?

Les syndicats lui mettent la pression. Certes, tous seront présents ce mercredi à 10 heures et l'ancienne ministre des Transports s'en est réjouie. Pour autant, les discussions pourraient tourner court. Même si les deux parties vont se rencontrer pour la première fois depuis des mois, les plaques tectoniques ne bougent pas. Peu de doutes entourent l'issue de l'échange.

L'intersyndicale veut, selon ses différents représentants, une "pause" a minima de la réforme, ou un retrait pur et simple. Élisabeth Borne, elle, souhaite se projeter et aborder de nombreuses thématiques comme "la qualité de vie au travail", "la prévention de la pénibilité" ou "les fins de carrières".

Un rendez-vous qui pourrait être "très rapide"

Si la Première ministre se dit à l'"écoute de tous les sujets" et donc du texte sur les retraites, elle a fait preuve de fermeté ce vendredi, déclarant:

"Il y a un projet de loi qui est en cours d'examen devant le Conseil constitutionnel (qui rendra son avis le 14 avril, ndlr). On ne peut pas faire de pause quand on a un projet de loi qui a été voté, qui est en cours d'examen".

L'exécutif temporise. Il espère un feu vert des Sages pour que leur texte gagne en légitimité. Mais, les centrales comptent bien ne pas lui laisser la pleine maîtrise de l'agenda. S'il n'est pas question des 64 ans lors de la réunion à Matignon, "on partira", a averti Laurent Berger, patron de la CFDT.

Sophie Binet, sa nouvelle homologue de la CGT depuis vendredi dernier, est encore plus catégorique. Sauf décision de retirer le texte, le "rendez-vous risque d'être très rapide", assure-t-elle. Un tel scénario pourrait fragiliser encore un peu plus la Première ministre.

Comment parvenir à des accords avec les "60 autoentrepreneurs de LR"?

Pour elle, l'équation ne se limite pas aux syndicats. Reprendre langue avec eux serait insuffisant. Élisabeth Borne fait également face à une question politique: comment parvenir à s'accorder avec les oppositions pour faire passer ses prochains textes? Ou, pour le dire autrement, comment ne pas répéter le fiasco des retraites avec un gouvernement qui a multiplié les concessions aux LR sans réussir à recueillir le soutien de l'ensemble de ce groupe?

La droite, justement, se rendra à Matignon à 19 heures. Sont attendus: Éric Ciotti, président du parti, Olivier Marleix, chef du groupe de députés LR, et Bruno Retailleau, patron des sénateurs LR. Tous avaient topé avec Élisabeth Borne sur la réforme des retraites, mais ils n'ont pas réussi à unir le groupe de députés, dont les membres sont parfois décrits comme "60 autoentrepreneurs".

Le parti de la rue de Vaugirard a déjà prévenu: il ne souhaite pas s'allier à la majorité. "Cette question ne se pose pas", a déclaré récemment Éric Ciotti dans Le Figaro, en indiquant que "tout débauchage individuel contribuera à une radicalisation des positions".

Même son de cloche chez Gérard Larcher, président LR du Sénat, qui a prôné sur LCI une "ligne qui demeure indépendante", tout en indiquant que les siens peuvent travailler "autour de textes successifs" avec le gouvernement.

Dans cette configuration, la droite pourrait peser de tout son poids sur les projets de loi de l'exécutif. Mais il lui faudrait éviter le "poison de la division", pour reprendre les mots d'Éric Ciotti.

Clément Beaune veut "travailler" avec "la gauche modérée"

Au sein du camp présidentiel, certains invitent à regarder de l'autre côté de l'hémicycle. Dans un entretien à Libération, Clément Beaune demande à la majorité de "ne pas s'enfermer dans un dialogue avec Les Républicains, appelant la "gauche modérée" à "sortir des griffes de Jean-Luc Mélenchon" et à "travailler" avec le gouvernement.

Le ministre des Transports distingue ainsi La France insoumise (LFI) et la Nouvelle union populaire écologiste et sociale (Nupes), dont font également partie les autres formations de gauche.

Pour lui, une main tendue envers ses parlementaires est d'autant plus nécessaire que LR n'est "pas une force politique stable". Clément Beaune, qui n'a jamais qualifié toute la Nupes d'"extrême gauche", contrairement à certains de ses collègues, rappelle que des accords ont pu être trouvés avec certains groupes de l'alliance.

Il prend des exemples récents comme la loi sur le nucléaire, "votée par les communistes", et la loi énergies renouvelables, "votée par les socialistes".

Mais là aussi, l'affaire sera loin d'être simple pour Élisabeth Borne, tant elle a braqué ses oppositions durant la réforme des retraites. Pour elle, c'est à quitte ou double. Faute de réussir à dialoguer avec les syndicats, de trouver des points d'accord avec les oppositions, sa capacité à gouverner sera clairement entachée. Et son destin pourrait alors s'écrire loin de Matignon.

Baptiste Farge