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"Naufrage", "des amateurs": les déchirures de la droite avant la motion de censure pour renverser Borne

Aurélien Pradié et Eric Ciotti à l'Assemblée nationale, le 14 février 2023

Aurélien Pradié et Eric Ciotti à l'Assemblée nationale, le 14 février 2023 - Ludovic MARIN © 2019 AFP

Les députés LR sont sous pression à quelques jours de l'examen de la motion de censure. Si pour l'instant seule une poignée d'entre eux envisagent de la voter, la crainte d'une scission après des jours de division sur la réforme des retraites sont dans toutes les têtes.

"C'est un naufrage". La citation signée d'un député LR résume à elle seule l'ambiance dans les rangs de la droite, au lendemain du 49.3 activé par Élisabeth Borne et à quelques jours d'une motion de censure transpartisane.

Si aucun des 61 députés du groupe ne l'a signée, au grand soulagement d'Éric Ciotti, les difficultés sont loin d'être finies. Pour l'instant, au moins 4 députés veulent voter pour renverser le gouvernement d'Élisabeth Borne. D'autres hésitent.

"Du mal à cohabiter"

Cette situation met en porte-à-faux les poids lourds de la droite qui, de Bruno Retailleau à Gérard Larcher en passant par Olivier Marleix, soutiennent la retraite à 64 ans. Surtout, ces divisions pourraient faire exploser le groupe.

"On a du mal à se dire qu'on pourrait faire cohabiter des gens qui se disent qu'une réforme qui veut faire travailler plus longtemps les gens est mauvaise. Ça fait des années qu'on le dit. Mince à la fin", s'énerve ainsi une parlementaire LR.

Lors de la présidentielle, Valérie Pécresse souhaitait décaler l'âge de départ à la retraite à 65 ans et le Sénat à majorité de droite a largement adopté la réforme portée par Olivier Dussopt en première comme en seconde lecture. Pour autant, certains députés refusent de la soutenir.

"On a 60 auto-entrepreneurs, chacun au service de sa boutique et de ses propres intérêts. Ce n'est pas nouveau mais avant, ça concernait seulement quelques députés. Là, c'est désormais très partagé", regrettait déjà la semaine dernier un proche d'Olivier Marleix.

Des indécisions dans les camp des proches de Pradié

Des élus pensent à l'après-Macron, qui ne se représentera pas en 2027, et veulent hausser le ton contre Élisabeth Borne qui s'est d'elle-même mise sous pression. La motion de censure "sera le vote de ceux pour ou contre la réforme", a avancé la Première ministre ce jeudi soir sur TF1.

Parmi les députés qui sont sortis du bois et qui ont annoncé soutenir la motion de censure, on compte pour l'instant Maxime Minot, Pierre Cordier, Fabien Di Filippo et Ian Boccard.

Dans les rangs d'Aurélien Pradié, qui a croisé le fer avec le gouvernement sur les carrières longues, on est pour l'instant plus circonspect.

"Je n'ai pas encore décidé", nous explique ainsi Pierre-Henri Dumont, l'un de ses lieutenants.

Un week-end qui pourrait tout faire basculer

Même son de cloche du côté de Raphaël Schellenberger, qui assure "à ce stade ne pas la voter sans être dans un non ferme et définitif" auprès de BFMTV.com.

Dans leur viseur, le week-end qui arrive. Après plusieurs manifestations spontanées ce jeudi dans plusieurs villes de France et à Paris avec 6000 personnes, le tout sur fond de grèves qui continuent dans les raffineries et les transports, ces élus LR attendent de voir si le mouvement de contestation change de forme.

Preuve de l'inquiétude qui monte dans les rangs de l'exécutif: Gérald Darmanin a envoyé ce jeudi soir un télégramme à tous les préfets faisant appel à leur "vigilance" et "entière mobilisation pour garantir la sécurité de l'ensemble des élus de notre République".

"Si on voit qu'on va vers une giletjaunisation des grévistes, qu'on voit que tout est en train de péter, on n'aura pas le choix", décrypte un député qui a pourtant soutenu la réforme.

Animosité contre Laurent Wauquiez

Certains à droite refont l'histoire et visent... Laurent Wauquiez, qui n'est plus député. Le président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes a soutenu la réforme du bout des lèvres et n'a guère poussé ses lieutenants à mouiller le maillot.

"Il y a un sujet. Il aurait suffi qu’il appelle 3 ou 4 députés et ça aurait tout changé (pour faire voter la réforme, NLDR). Son ex-suppléante, Isabelle Valentin, a dit qu’elle ne la soutenait pas. Ça pose problème quand même", tance de son côté une membre du groupe.

Si Éric Ciotti a fait toute la campagne de la présidence de LR à l'hiver dernier en disant que son élection serait une façon de préparer l'atterrisage de Laurent Wauquiez à la prochaine présidentielle, les relations se sont tendues.

"Éric a dit à Laurent qu'il lui avait faite à l'envers", assure encore une députée.

Exclusion ou clémence

En attendant de régler les comptes lors d'un prochain bureau exécutif - le dernier devait avoir lieu lundi dernier mais a finalement été décalé - la crainte de la scission du groupe est sur toutes les lèvres.

"À la prochaine réunion de groupe mardi, on regardera qui l'a voté et on en tirera les conséquences", avance une membre du parti citée plus haut.

Ce scénario est écarté d'un revers de la main par les proches d'Aurélien Pradié. La droite a pourtant déjà connu 2 groupes distincts en 2012 à l'Assemblée pendant la guerre interne entre François Fillon et Jean-François Copé, avant de finalement se rabibocher.

"On a un socle de valeurs en commun important, mais la déclinaison d'un programme avec des mesures techniques est difficile. On va réussir à dialoguer avec notre culture du parti", veut croire Raphaël Schellenberger.

"Ne pas passer pour des amateurs"

La clémence pourrait bien être au programme alors que la droite est en grande difficulté après 3 présidentielles perdues à la suite.

"Si on dit qu’on a deux droites irréconciliables, on fait chacun 2,5% de notre côté. En se divisant en deux, il n’y aura d’avenir pour personne", analyse un membre du mouvement.

"Tout dépend de l'ampleur des votes pour la motion de censure. Si on 5 mecs que personne ne connaît, c'est une chose. S'ils sont 15 avec quelques noms identifiés, on ne pourra pas se permettre de passer pour des amateurs", rapporte encore un parlementaire.

Un élément rassure cependant la quasi-ensemble des députés LR: le fait que le renversement du gouvernement d'Élisabeth Borne reste très improbable. Pour atteindre cet objectif, il faudrait que 32 LR votent la motion de censure - un chiffre qui semble compliqué de réunir d'ici lundi.

Baptiste Farge et Marie-Pierre Bourgeois