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Première ministre la moins populaire de l'ère Macron, comment Borne peut tirer son épingle du jeu

Élisabeth Borne à La Réunion le 12 mai 2023

Élisabeth Borne à La Réunion le 12 mai 2023 - Emmanuel DUNAND / AFP

Si la cheffe du gouvernement sort très abîmée de la séquence réforme des retraites, elle dispose néanmoins d'atouts dans sa manche pour lui permettre de rester à Matignon. À commencer par son profil qui ne fait pas d'ombre au Président et le manque de remplaçants potentiels.

Des chiffres qui ont de quoi faire grimacer. Un an jour pour jour après l'arrivée d'Élisabeth Borne à Matignon, plus de 6 Français sur 10 souhaitent son départ d'après un sondage Odoxa-Blackbone pour le Figaro. Si la Première ministre n'est pas la première des chefs de gouvernement à souffrir d'une très forte impopularité, elle est la moins populaire depuis l'arrivée d'Emmanuel Macron à l'Élysée en 2017.

La locataire de Matignon récolte ainsi 30% d'opinions favorables selon des chiffres de l'Ifop pour Paris Match. Après 12 mois à la tête du gouvernement marqués par la crise du Covid-19, Jean Castex était lui à 48% de popularité selon le même baromètre. Quant à Édouard Philippe, après un an rue de Varenne, le quinquagénaire récoltait 44% de popularité, selon les chiffres de l'hebdomadaire.

"Elle fait le job"

Si la Première ministre paie à la fois le contenu de la réforme des retraites qui reste massivement rejetée par les Français et son adoption par 49.3, loin de la "nouvelle méthode" basée sur "les compromis" qu'elle espérait, certains observateurs jugent la situation bien plus favorable qu'il n'y paraît.

"Le Président veut des Premiers ministres collaborateurs qui font tourner la boutique, qui administrent le pays et qui ne lui font pas d'ombre. Elle fait le job pour lequel elle a été recrutée", explique Isabelle Veyrat-Masson, directrice du laboratoire Communication et politique du CNRS, interrogée par BFMTV.com.

Fragilisée politiquement, l'énarque a cependant veillé ces derniers jours à afficher sa volonté de rester à la tête du gouvernement. "Je suis prête à poursuivre", a lancé Élisabeth Borne au micro de BFMTV lors de son déplacement à La Réunion, se disant "100% à sa tâche".

Mais la suite pour les Premiers ministres particulièrement impopulaires peut l'inquiéter. En décembre 2013, quand Jean-Marc Ayrault- alors chef du gouvernement de François Hollande - dévisse, atteignant une cote de confiance de 18% d'après un sondage TNS-Sofres, le socialiste touche quasiment le fond des sondages.

"Appréciée par la majorité"

Édith Cresson récoltait ainsi 22% d'opinion favorable en 1992 quand François Mitterrand décida de s'en séparer, après seulement dix mois en poste, dans un contexte politique particulièrement compliqué. Jean-Marc Ayrault quitte finalement Matignon quatre mois plus tard, abîmé par une politique économique loin de faire l'unanimité chez les socialistes et des chiffres du chômage en hausse.

"Toute la question est celle des équilibres politiques. Jean-Marc Ayrault n'avait pas le soutien de toute la gauche. Si Élisabeth Borne continue à être appréciée par la majorité et les sympathisants macronistes, elle garde ses chances", décrypte Frédéric Saint-Clair, l'ancien conseiller presse de l'ex-Premier ministre Dominique de Villepin.

Dernière chance pour Élisabeth Borne: celle du manque de candidats alternatifs. Quand Emmanuel Macron cherchait son futur chef de gouvernement, il avait dressé la liste de son portrait-robot. Il s'agira de quelqu'un qui est "attaché à la question sociale, à la question environnementale et à la question productive", avait lancé le Président en visite sur un marché à Cergy (Val d'Oise).

"Un banc de touche peu fourni"

Si la future Première ministre semblait cocher les cases, les autres noms qui circulaient à l'époque ne correspondaient pas tous à la feuille de route tracée. De Julien Denormandie, ancien ministre de l'Agriculture, qui n'avait aucune expertise sur les questions sociales et avait choqué avec une sortie sur les SDF, à la présidente de la BCE Christine Lagarde en passant par Richard Ferrand, qui a depuis perdu les législatives.

L'hypothèse Catherine Vautrin avait été très sérieusement envisagée, avant que l'Élysée ne fasse marche arrière. Une partie de la majorité avait mis son veto, rappelant l'opposition au mariage pour tous de la présidente LR du Grand Reims.

"Le banc de touche de la macronie est relativement peu fourni pour l'instant. Un profil de techno sans ambition présidentielle et prête à prendre des coups pour le Président, le tout dans une situation politique inextricable... C'est un peu l'oiseau rare et c'est peut-être sa chance", remarque la communicante Émilie Zapalski.

Encore mieux pour elle: Élisabeth Borne ne suscite pas de rejet par la droite dont les voix sont cruciales à l'Assemblée dans un contexte de majorité relative. Les profils des ministres Bruno Le Maire et Gérald Darmanin, tous deux issus des Républicains avant de finalement rejoindre la macronie et régulièrement cités en potentiels remplaçants, sont, eux, beaucoup plus clivants.

De quoi donner encore un peu d'air à la Première ministre. Lundi soir sur TF1, Emmanuel Macron s'est dit "fier" du travail de sa cheffe de gouvernement, et pourrait bien lui prolonger sa confiance après le cap du 14 juillet, qu'il a fixé après son allocution d'avril dernier.

Marie-Pierre Bourgeois