BFMTV
Gouvernement

"Il fait beau, les gens sont un peu désœuvrés": la crainte d'un retour des émeutes pour le 14-Juillet

placeholder video
Alors que nombre d'émeutiers ont utilisé des mortiers d'artifice de façon détournée ces derniers jours lors des violences urbaines en lien avec la mort de Nahel, l'exécutif redoute de nouveaux débordements pour la fête nationale.

Les feux d'artifice risquent-ils de rallumer la mèche? Un peu moins de deux semaines après la mort de Nahel, 17 ans, dont la mort après un tir de policier lors d'un contrôle routier a déclenché plusieurs jours d'émeutes en France, le gouvernement craint une nouvelle flambée de violences dans une semaine à l'occasion des festivités du 14-Juillet.

L'exécutif "très mobilisé" pour le 14 juillet selon Borne

Après une nuit plus calme, avec seulement une vingtaine d'interpellations recensées dans la nuit de mercredi à jeudi, le gouvernement reste sur le qui-vive. "J'entends l'inquiétude qui a été exprimée par les habitants et par les élus ce matin dans le cadre de ma visite", a notamment déclaré jeudi Élisabeth Borne en déplacement dans le Calvados. En ligne de mire, surtout, les festivités entourant la fête nationale, la semaine prochaine.

Le gouvernement est "très mobilisé pour assurer la sécurité des 13 et 14 juillet", et se montre particulièrement vigilant sur la question des mortiers d'artifice, a notamment promis Élisabeth Borne. Déjà ce mardi, le président Emmanuel Macron appelait à ne pas crier victoire trop vite, après la baisse des interpellations.

"On verra ce que donneront déjà les 13 et 14 juillet prochains et encore les mois qui viennent", disait-il lors d'un déplacement dans le 17e arrondissement de Paris.

Le chef de l'État pointait là aussi du doigt la date de la fête nationale comme moment à risque pour l'exécutif et les forces de l'ordre.

Une journée propice aux débordements

Policiers et gendarmes restent de fait, vigilants. Jean-Christophe Couvy, secrétaire général du syndicat de police Unité SGP-FO, rappelle sur BFMTV ce vendredi que les forces de l'ordre ont l'habitude d'être confrontées à des épisodes de violences à cette période de l'année.

"Il y a trois dates: le 13 juillet, le 14 juillet et le 31 décembre. On sait très bien que la fête nationale est propice (aux débordements): souvent il fait beau, les gens sont un peu désœuvrés", explique-t-il.

Et ce 14-Juillet pourrait ne pas faire exception. Après les nombreux tirs de mortiers d'artifice constatés ces derniers jours dans le cadre des violences urbaines, le gouvernement craint que les émeutiers ne procèdent à de nouvelles utilisations de ces feux d'artifice, en vente libre, et dont l'usage est détourné à des fins illégales pour des attaques visant les forces de l'ordre, des véhicules ou des bâtiments publics.

De possibles reconstitutions des stocks de mortiers

"Ce que disent les services de renseignement, c’est qu’il y a des mouvements qui tendent à montrer que les stocks (de mortiers) se reconstituent", confirme sur notre plateau Guillaume Farde, consultant police-justice pour BFMTV.

En cause notamment, "des allées et venues plus fréquentes à la frontière avec l’Allemagne", où les mortiers s'achètent plus facilement, "des commandes sur des sites de vente en ligne" ou encore "des fournisseurs d’articles de pyrotechnie qui pour certains se retrouvent harcelés téléphoniquement parce qu'on veut acheter leur stock", rapporte-t-il.

"Ces deux nuits des 13 et 14 juillet sont regardées avec une certaine inquiétude du côté de la place Beauvau", assure-t-il.

Au moins 68.000 fusées d'artifice saisies

Face à cette crainte, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a décidé d'agir. "La dangerosité de ces matériels impose le durcissement de mesures visant à limiter leur usage, leur circulation et leur vente", peut-on notamment lire dans le télégramme du ministre transmis aux préfectures, d'après des informations de BFMTV.

Au moins 68.000 fusées d'artifices ont ainsi été saisies ces derniers jours sur tout le territoire. On compte même plus d'une tonne de mortier saisie en une semaine, rien que pour la région parisienne.

Les opérations de contrôle doivent ainsi être multipliées dans les prochains jours, à la demande de Gérald Darmanin qui encourage également les préfets à prendre des arrêtés d'interdiction de vente d'articles pyrotechniques.

Des festivités annulées

Cela suffira-t-il pour autant, alors que nombre de jeunes se fournissent en mortiers facilement grâce aux réseaux sociaux, contournant ainsi les interdictions? Certaines municipalités ont préféré de leur côté prendre les devants.

Dans plusieurs villes, les festivités habituelles du 13 et du 14 juillet ont ainsi été annulées, notamment à Strasbourg, Nîmes, Perpignan, ou encore à Montargis, dans le Loiret. Une décision qualifiée de plus "raisonnable" par le maire LR de cette dernière ville, Benoît Digeon, invité ce vendredi de BFMTV.

"On n’a pas le cœur à ça pour le moment, on est en train de déblayer (…) pour que les commerçants puissent rouvrir à partir de (samedi) matin", explique-t-il, réfutant le terme de "renoncement".

Une façon aussi, selon lui, de "permettre à tout le monde de souffler lors de ce week-end du 14-Juillet", alors que les forces de l'ordre, comme les différents services publics ont été particulièrement sollicités ces derniers jours en raison des émeutes.

Des dispositifs de sécurité renforcés

Faut-il pour autant annuler toutes les festivités? La décision serait un "symbole fort" qui pourrait s'apparenter à un désavoeu, selon notre éditorialiste politique Matthieu Croissandeau.

Après les multiples attaques visant des bâtiments publics, comme les écoles et les mairies, ou des représentants de la République, comme les maires, "ce serait assez dramatique qu'on annule tout parce qu'il y a entre 8000 et 10.000 émeutiers", estime Matthieu Croissandeau.

Plutôt que de renoncer aux festivités, des villes comme Toulouse ou Lyon, ont choisi de suivre les instructions du ministre de l'Intérieur et mettre en place un dispositif de sécurité avec des mesures telles que l'interdiction de transporter des armes, du carburant, des produits inflammables ou de l'alcool sur la voie publique.

Juliette Desmonceaux