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François Bayrou est-il en train d'enterrer le projet de loi sur la fin de vie?

François Bayrou à l'Assemblée le 21 janvier 2025

François Bayrou à l'Assemblée le 21 janvier 2025 - Bertrand GUAY / AFP

Le Premier ministre veut aborder séparemment le développement des soins palliatifs et l'aide active à mourir devant l'Assemblée nationale. En accédant à une demande des adversaires du suicide assistée, François Bayrou déçoit une partie de l'hémicycle qui craint une reculade.

Un choix qui passe difficilement. François Bayrou a décidé de scinder en deux la question de la fin de vie en se penchant d'abord sur le développement des soins palliatifs à l'Assemblée nationale, puis, dans un second temps, sur l'aide active à mourir pour les personnes en fin de vie.

Si le choix du Premier ministre peut apparaître comme une simple question de forme, il est en réalité lourd de conséquences et pourrait renvoyer sine die la question de l'euthanasie.

"Le Premier ministre gomme la volonté de la Convention citoyenne, des parlementaires et l'engagement d'Emmanuel Macron. Ça ne va pas du tout", s'agace ainsi l'ex-ministre de la Santé Agnès Firmin-Le Bodo auprès de BFMTV.com.

Bayrou contre "un service public pour donner la mort"

Le projet de loi sur la fin de vie est un serpent de mer depuis plusieurs années. Il avait été annoncé par le chef de l'État en avril 2023 devant des citoyens réunis pendant plusieurs mois sur la fin de vie dans une Convention citoyenne puis décalée à de nombreuses reprises depuis.

Ce texte avait été finalement débattu par les députés en juin dernier après des mois d'échange entre Agnès Firmin Le Bodo, des soignants, des associations de patients et des députés de tous bords. Mais son étude a été arrêtée par la dissolution.

Depuis, le député Modem Olivier Falorni se bat pour son retour à l'Assemblée nationale, largement soutenu par la présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet. Si Michel Barnier était déjà réticent en la matière, l'actuel locataire de Matignon s'est contenté d'évoquer "le pouvoir d'initiative du Parlement" en la matière.

François Bayrou n'a jamais fait mystère de ses réticences sur le sujet. Catholique pratiquant, le centriste s'était inquiété en 2023 de la création d'un "service public pour donner la mort". Pas question donc, une fois Premier ministre, de défendre un projet de loi auquel il est opposé, sans adopter une posture d'opposition frontale.

"Personne ne peut être contre les soins palliatifs"

La décision a donc été prise de scinder en deux l'actuel texte. Concrètement, les députés devraient donc débattre d'abord d'un projet de loi qui cherche à développer les soins palliatifs en France. Les malades d'une vingtaine de départements n'ont actuellement aucun accès à des soins palliatifs.

"Personne ne peut être contre les soins palliatifs. Le sujet est consensuel à l'Assemblée. L'autre volet de loi sur l'aide active à mourir est plus éthique, moins évident", analyse de son côté l'ex ministre délégué à la Santé Frédéric Valletoux.

Quant au second volet du texte, il doit être étudié "dans la même période de temps" que le premier, a promis François Bayrou devant les députés Renaissance mardi.

"On ne votera jamais sur l'aide active à mourir"

Le gouvernement n'a pas l'intention "d'abandonner" le projet de l'aide légale à mourir qui sera à l'agenda parlementaire "le plus vite possible", a encore défendu la porte-parole du gouvernement Sophie Primas, sans donner de date précise.

"Franchement, on n'est pas naïf. On va voter à un moment sur les soins palliatifs et on ne votera jamais sur l'aide active à mourir", remarque un député Modem.

Il faut dire que cette hypothèse aurait le mérite d'éviter de diviser sa propre majorité, à commencer par la droite qui est en très grande partie opposée au suicide assisté. Le Sénat, sur lequel le Premier ministre s'appuie pour avancer sur le budget de l'État et la sécurité, en avait même fait une question de principe.

"Une très bonne nouvelle" pour la droite

Le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, a pris à plusieurs reprises position contre l'aide active à mourir.

"Tout ça est évidemment une très bonne nouvelle", nous explique sans faux-semblants le député LR Patrick Hetzel, un temps ministre de Michel Barnier.

"La droite a un peu de mal avec le fait que nous ayons fait des concessions aux socialistes sur le budget. Donc on arrondit les angles", souligne encore un député Modem.

L'avis des Français bafoué?

Certains, cependant, affichent toujours leur scepticisme, à l'instar de Jean Leonetti, à l'origine de la toute première loi relative à la fin de vie votée en 2005.

"On n'a pas besoin d'une loi sur les soins palliatifs mais d'argent pour les développer et donc d'une ligne de crédit dans le budget de la sécurité sociale. Tout le reste est de l'affichage", analyse cet ex-ministre LR.

Réponse du rapporteur général sur le projet de loi fin de vie Olivier Falorni: "si on s'assoit comme ça sur de larges consultations transpartisanes et une Convention citoyenne, ce n'est pas la peine d'envisager encore de demander aux Français leur avis".

Emmanuel Macron très hésitant

L'avenir du texte est en tout cas à l'image de la ligne de crête sur laquelle marche Emmanuel Macron depuis des années en la matière. En dépit de plusieurs initiatives de sa propre majorité sur le sujet, le chef de l'État avait fermé la porte à toute évolution de la loi lors de son premier quinquennat, se gardant bien de faire connaître son opinion en la matière.

Le chef de l'État avait finalement expliqué avoir "la conviction qu'il fallait bouger" tout en évoquant quelques semaines plus tard son "doute salvateur" et sa nécessité de "maturation" sur ce sujet "complexe" devant des dignitaires religieux.

D'après un sondage Ifop, 78% des personnes interrogées souhaitent une évolution de la législation en matière de fin de vie.

Marie-Pierre Bourgeois