Fin de vie: François Bayrou sème le flou sur l'avenir de l'aide à mourir

La présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet le 14 novembre 2023 - Ludovic MARIN / AFP
La présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet s'est dite ce mardi 21 janvier "opposée" à la "scission" du projet de loi sur la fin de vie voulue par François Bayrou, demandant au Premier ministre de "réinscrire" le texte "dans son ensemble" et dès "aujourd'hui".
Alors que François Bayrou a fait savoir mardi qu'il souhaitait scinder le projet de loi en deux, avec un texte portant sur le développement des soins palliatifs et l'autre sur l'aide active à mourir, Braun-Pivet a dit sur France 5 "craindre" que cette décision ne porte l'estocade à la discussion sur ce qui reviendrait à un suicide assisté, voire l'euthanasie.
"S'agissant de l'aide active à mourir, je considère qu'il faut absolument légiférer, quitte à ce que le Parlement rejette" le principe, a précisé Yaël Braun-Pivet, se disant "convaincue" qu'il existait "une majorité pour".
"Les Français l'attendent, le Parlement l'attend"
Ce mardi, Yaël Braun-Pivet s'est dite "extrêmement déçue" par l'absence d'engagement de François Bayrou sur la reprise du débat parlementaire sur la fin de vie, reconnaissant que les débats ne reprendraient pas le 3 février comme elle l'avait demandé mardi.
"J'étais, comme beaucoup, extrêmement déçue. J'attends des engagements et je ne les ai pas vus. Pour moi, c'est extrêmement important et on ne peut pas comme ça passer ce débat à la trappe", a-t-elle déclaré sur RTL.
"Les Français l'attendent, le Parlement l'attend. J'ai évoqué la date du 3 février parce que c'est un engagement de Michel Barnier. On voit bien qu'avec le budget, cette date va évidemment être décalée puisque il y aura le débat budgétaire à la place. Mais en tout cas, j'attends qu'on en débatte rapidement", a-t-elle ajouté.
François Bayrou a renvoyé mardi au "pouvoir d'initiative" du Parlement sur le sujet sensible de la fin de vie, l'évoquant brièvement dans sa déclaration de politique générale sans se prononcer ni sur le délai d'examen d'un texte ni sur le fond.
Après une longue gestation, un projet de loi porté par le gouvernement de Gabriel Attal avait été examiné en première lecture au printemps 2024 jusqu'à l'avant-veille des élections européennes. La dissolution de l'Assemblée nationale l'avait arrêté avant le vote solennel.
Ce texte interrompu devait légaliser le suicide assisté et, dans certains cas, l'euthanasie, avec de strictes conditions et sans employer ces termes, préférant parler d'"aide active à mourir".
"C'est quelque chose que l'on demandait"
Si le choix de deux textes peut apparaître de simple forme, il marque en réalité un développement important dans l'histoire - déjà longue de plusieurs années - du projet de loi censé initialement porter la grande réforme sociétale de la présidence d'Emmanuel Macron.
En optant pour deux textes, François Bayrou répond à une demande des scéptiques de l'aide à mourir. Celle-ci "est une question de conscience" quand les soins palliatifs relèvent d'"un devoir de la société à l'égard de ceux qui traversent cette épreuve", a ainsi justifié l'entourage du locataire de Matignon.
Cette position rejoint notamment celle de la Sfap, organisation qui porte la voix des soins palliatifs et s'est toujours montrée très méfiante à l'idée de légaliser le suicide assisté.
Deux textes, "c'est quelque chose que l'on demandait depuis le début", a déclaré à l'AFP sa présidente, Claire Fourcade. "Le sujet des soins palliatifs, qui pourrait avancer très vite, est freiné par le fait d'être couplé à un sujet plus clivant et complexe."
"Céder aux représentants religieux"
Chez les partisans de l'aide à mourir, le mécontentement l'emporte. Le député Olivier Falorni (apparenté MoDem), qui défend de longue date une évolution législative et avait dirigé les travaux sur le projet de loi lors de son passage à l'Assemblée, a ainsi exprimé son désaccord.
Soins palliatifs et aide à mourir sont "complémentaires", a-t-il insisté auprès de l'AFP. Ces deux sujets doivent "être abordé(s) maintenant et en même temps, pas séparément et dans longtemps".
Car les partisans de l'aide à mourir craignent l'abandon de ce volet, même si l'entourage du Premier ministre assure que les deux thèmes seront examinés dans la "même temporalité parlementaire", sans précisions.
"Séparer le texte, c'est céder aux représentants religieux et aux opposants à l'euthanasie, séparer pour finalement ne rien faire?", s'est interrogée sur le réseau X l'Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD).
Pour François Bayrou, l'enjeu est aussi politique.
Plusieurs membres de son gouvernement ont exprimé leurs fortes réticences sur l'aide à mourir, à commencer par le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, qui avait clairement dit ne pas souhaiter le retour du texte à l'Assemblée.
Scinder le texte en deux "peut être un moyen d'aller plus vite et d'être plus efficace", a défendu mardi lors d'un point presse la députée Renaissance Stéphanie Rist, selon laquelle "c'était aussi une demande forte du Sénat d'avancer dans ce sens."
Le Premier ministre court cependant le risque de mécontenter une partie de son camp. La preuve avec la sortie de Yaël Braun-Pivet.