BFMTV
Gouvernement

Attentat à Mulhouse: la porte-parole du gouvernement appelle à "changer la loi" sur la rétention

La porte-parole du gouvernement Sophie Primas le 26 novembre 2024

La porte-parole du gouvernement Sophie Primas le 26 novembre 2024 - Bertrand GUAY / AFP

Deux jours après l'attaque mortelle au couteau perpétrée samedi 22 février à Mulhouse, Sophie Primas défend ce lundi une proposition de loi pour faire passer la durée de placement en centre de rétention administrative de 90 à 210 jours pour les étrangers jugés dangereux.

Un drame qui remet à nouveau sur la table la question des obligations de quitter le territoire français (OQTF). Samedi soir, un homme a mortellement attaqué à coups de couteau un passant et blessé des policiers municipaux à Mulhouse. Le suspect était sous le coup d'une OQTF sans que l'Algérie, son pays d'origine, n'accepte de le reprendre sur son territoire.

"Il faut réfléchir à changer la loi", juge la porte-parole du gouvernement Sophie Primas ce lundi sur RTL, reconnaissant "une réalité très compliquée".

Un suspect libéré de rétention après 90 jours

Le suspect âgé de 37 ans avait été condamné en 2023 pour apologie du terrorisme suite à des propos portant sur l'attaque du 7 octobre menée par le Hamas en Israël. Après sa condamnation à six mois de prison pour apologie du terrorisme, l'homme a été libéré après quatre mois et demi de détention.

Dans la foulée, il est alors placé en centre de rétention administrative (CRA) pour 90 jours comme le prévoient actuellement les dispositions législatives. Pendant cette période, la France a tenté de l'expulser vers l'Algérie, sans succès. Une fois ce délai écoulé, il a été libéré tout en étant assigné à résidence à Mulhouse avec la nécessité de pointer au commissariat.

Ce samedi, l'homme s'est présenté au commissariat mais a refusé de pointer. C'est après ce passage au poste de police qu'il a commis l'attaque au couteau.

De 90 à 210 jours en centre de rétention

Parmi les pistes sur la table du gouvernement pour faciliter les expulsions des personnes condamnées au profil proche du suspect, on trouve notamment l'allongement de la durée en centre de rétention qui passerait donc de 90 jours à 210 jours. Cette possibilité concernerait seulement les personnes condamnées "pour des faits d'une particulière gravité et présentant de forts risques de récidive".

Cette proposition de loi, largement soutenue par Bruno Retailleau quand il était président des sénateurs LR, devrait être adoptée sans aucune difficulté au Sénat dans les prochaines semaines sans que son avenir à l'Assemblée nationale ne soit assuré.

Le sujet est à la fois crispant pour une partie du bloc central mais également au sein même du gouvernement. Élisabeth Borne, la ministre de l'Éducation nationale, a déjà pris à plusieurs reprises ses distances avec la reprise d'un débat sur les questions migratoires.

Pression sur l'Algérie et les OQTF

Autant dire qu'il est impossible de dire si l'augmentation de la durée de séjour en centre de rétention s'appliquera bien concrètement dans la loi dans les prochains mois. Autre sujet sur la table: la question des expulsions.

"On a un sujet d'exécution sur les OQTF", reconnaît Sophie Primas.

Le suspect dans l'attaque au couteau de Mulhouse a fait l'objet "à dix reprises" de demandes d'explusion de la part de la France "sans que jamais l'Algérie n'accepte" de reprendre le suspect, a expliqué le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau sur TF1 samedi soir.

Impossible en effet pour la France d'expulser un ressortissant étranger en cas de refus de son pays d'origine de l'accueillir en produisant ce qu'on appelle un laisser-passer consulaire.

Une éventuelle baisse du nombre de visas pour les Algériens

Le locataire de la place Beauvau avait déjà pointé du doigt Alger qui avait refusé de reprendre sur son sol l'influenceur algérien Doualemn en janvier, mis en cause pour des propos violents tenus sur des vidéos TikTok.

"On n'est pas obligé (d'accorder) des visas en quantité aussi importante", juge Sophie Primas, suggérant aussi de "cibler un certain nombre de personnes qui sont importantes dans les relations (franco-algériennes) et ne plus leur donner de visas".

D'après un rapport de la direction générale des étrangers en France, 646.462 titres de séjours à des ressortissants algériens ont été accordés en 2023, loin devant les autres pays. 603.482 Marocains ont reçu un titre de séjour en 2023 et 289.942 pour les Tunisiens.

Un accord entre la France et l'Algérie signé en 1968, six ans après l'indépendance, contient des mesures qui assouplissent l'arrivée et la délivrance de titres de séjour aux ressortissants algériens.

Depuis des mois, Bruno Retailleau mais aussi le Rassemblement national demandent d'y mettre fin. Mais c'est Emmanuel Macron qui a la main sur le sujet.

Les questions de l'allongement de la durée en centre de rétention pour les étrangers condamnés jugés dangereux et de la baisse du nombre de visas accordés à l'Algérie seront évoquées ce mercredi lors d'un conseil interministériel de l'immigration.

Marie-Pierre Bourgeois