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Parlement

Allongement de la rétention des étrangers jugés "dangereux": le Sénat prié de temporiser par l'exécutif

L'hémicycle du Sénat, à Paris, le 14 novembre 2023

L'hémicycle du Sénat, à Paris, le 14 novembre 2023 - Geoffroy Van der Hasselt © 2019 AFP

La droite sénatoriale a proposé l'allongement de la rétention administrative des étrangers clandestins "dangereux" ce mardi 5 novembre. En accord sur cet "objectif", poussé par le ministre Bruno Retailleau, le gouvernement a cependant renvoyé cette question à la future loi immigration, annoncée pour début 2025.

Allonger la rétention administrative des étrangers clandestins "dangereux"? Cette mesure sensible, au cœur des débats postérieurs au meurtre de l'étudiante Philippine, a été rejetée ce mardi 6 novembre par le Sénat, à la demande du gouvernement qui préfère renvoyer cette question à la future loi immigration.

Petit imbroglio à la chambre haute sur un dossier qui divise. Alors que la droite sénatoriale, alliée du gouvernement, entendait faire fructifier dès l'automne une mesure chère au ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, celle-ci a été priée par l'exécutif de temporiser.

En question, la prolongation à 180 jours, voire 210 jours dans certains cas, de la durée de maintien en centre de rétention administrative (CRA) pour les "étrangers condamnés à une interdiction du territoire français en raison de la commission d'une infraction sexuelle ou violente grave". 

Inscrire la mesure "dans un véhicule législatif adapté"

Actuellement, cette durée est fixée à 90 jours au maximum, mais la droite sénatoriale a voulu aligner la loi sur un dispositif similaire déjà existant en matière de terrorisme, soit 210 jours.

Cette proposition avait fait surface après le meurtre de l'étudiante Philippine, tuée en septembre par un Marocain sous le coup d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF).

Mais le gouvernement, représenté au Sénat par le secrétaire d'État à la Citoyenneté Othman Nasrou, a obtenu sa suppression lors des débats mardi pour en parfaire la "portée" en l'examinant plutôt au sein la future loi immigration, attendue début 2025.

"Le gouvernement partage pleinement l'objectif, sans aucune ambiguïté" mais préférera "l'inscrire dans un véhicule législatif adapté", a défendu le ministre, finalement suivi par la droite et les centristes qui avaient introduit la mesure la semaine passée en commission.

Plusieurs voix à gauche, déjà opposées sur le fond, ont par ailleurs jugé la mesure "sans lien" avec le texte examiné mardi, une proposition de loi sur le renforcement des moyens de surveillance des individus condamnés pour des infractions sexuelles.

"Pure communication"

Un texte qui se limitait dans sa version initiale à l'amélioration de l'efficacité des fichiers judiciaires liés aux auteurs d'infractions sexuelles ou terroristes.

La socialiste Marie-Pierre de La Gontrie a regretté que ce texte "se retrouve le réceptacle d'une disposition de pure communication sans aucun fondement objectif sérieux", arguant que dans le cas précis de Philippine, cette mesure n'aurait rien changé car le ressortissant marocain n'avait été maintenu en CRA que 75 jours, soit une durée inférieure à la rétention maximale. 

L'auteure du texte, la sénatrice LR Marie Mercier, avait elle-même estimé sur Public Sénat que cette disposition n'avait "rien à faire" dans son texte.

Sa proposition de loi a finalement été adoptée très largement avec l'appui du gouvernement et transmise à l'Assemblée nationale.

Elle prévoit notamment de mieux encadrer les changements de noms des condamnés pour infractions sexuelles ou violentes grave, pour éviter des détournements qui permettaient à certains individus d'échapper aux contraintes liées à leur inscription sur des fichiers judiciaires spécifiques.

Le texte impose également aux personnes inscrites sur ces fichiers de déclarer leurs déplacements à l'étranger, leur interdit d'exercer dans le secteur du transport public des mineurs; et étend la liste des infractions susceptibles d'entraîner l'inscription au fichier dédié aux auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (Fijaisv).

B.F avec AFP