Gouvernement fragilisé, unité syndicale, soutien à la grève: les enjeux de la mobilisation de ce mardi

Syndicalistes CGT près de Nantes. - Sébastien SALOM-GOMIS / AFP
Rendez-vous est pris. A 13h30, la mobilisation nationale, dans sa version parisienne en tout cas, s'élancera de la Place de la République en direction de celle de la Nation. C'est le troisième défilé de l'opposition à la réforme des retraites depuis le 5 décembre. Tous les yeux, ceux des partisans du projet comme ceux de ses adversaires, seront fixés sur cet événement qui s'avère déjà crucial.
- Un front syndical uni pour la première fois depuis 2010
Esquissée depuis la semaine dernière, l'unité syndicale va se matérialiser ce mardi dans les rues pour la première fois depuis 2010, et les cortèges (dont le rassemblement n'avait cependant pas été couronné de succès) lancés contre le report de l'âge de départ en retraite à 62 ans. Ainsi, les organisations dites "réformatrices", la CFDT, l'Unsa, la CFTC et CFE-CGC rejoignent la CGT, FO, Sud, Solidaires et la FSU, en plus de structures étudiantes.
C'est mercredi dernier que le gouvernement, en la personne de son chef Edouard Philippe, a précipité, à ses dépens, cette nouvelle distribution. L'annonce de la volonté d'établir un âge pivot à 64 ans au-delà de l'âge légal de départ en retraite maintenu à 62 ans a enflammé Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, qui y a vu le franchissement d'une "ligne rouge". Mais c'est aussi au bord de cette ligne rouge que s'arrête la colère CFDTiste.
Cette large solidarité syndicale est en effet particulièrement limitée sur le fond. Si la CFDT ne veut pas entendre parler de l'âge pivot gouvernemental, elle est tout ouïe lorsqu'il s'agit de la retraite à points. La CGT et les détracteurs les plus déterminés du texte nourrissent quant à eux des griefs sur de larges pans du plan de l'exécutif, à commencer par le principe du point.
- Après la démission de Delevoye, le gouvernement diminué
L'équipe au pouvoir se trouve diminuée numériquement et politiquement après la démission lundi de Jean-Paul Delevoye, son Haut-commissaire aux retraites. L'homme n'a finalement pas résisté à la semaine de révélations sur les manquements de sa première déclaration à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique prêtant le flanc aux accusations de conflits d'intérêts.
Délesté de Jean-Paul Delevoye, le gouvernement se protège des suites néfastes de ce feuilleton, d'autant que la HATVP doit annoncer mercredi si elle saisit la justice. Mais il perd son référent retraites, celui qui a passé les deux dernières années à plancher sur le dossier, et un interlocuteur désormais familier des syndicats.
De plus, l'exécutif, qui a grillé un premier fusible, se retrouve un peu plus à découvert, et fait sa première concession à l'opposition en cours.
- Le gouvernement joue la montre... depuis deux semaines
Syndicalistes et politiques l'assuraient dès le début du mouvement, comme Olivier Besancenot sur notre plateau le 10 décembre: "Le gouvernement joue la montre". Problème pour ledit gouvernement: la trotteuse n'a pas l'air d'avancer ou en tout cas pas dans son sens. Le baromètre Harris Interactive pour RTL paru ce mardi matin indique que 62% des Français soutiennent la grève (en hausse de trois points depuis la précédente mesure de l'institut publiée après les annonces d'Edouard Philippe) et 65% d'entre eux s'inquiètent de l'idée d'un régime universel.
Si le sondage Ifop livré par Le Figaro dimanche montrait que 55% n'estimait pas "acceptable" une poursuite du mouvement durant les vacances de Noël, la même enquête soulignait qu'au moment d'attribuer la responsabilité de ces blocages éventuels, les Français désignent plus volontiers l'exécutif que les syndicats: 46% de nos concitoyens font du couple Elysée-Matignon le responsable, et seulement 35% les partenaires sociaux.
Le gouvernement aura donc les yeux rivés sur le taux de mobilisation des manifestants ce mardi. Ceux-ci tiennent en revanche l'occasion d'une démonstration de force pour pousser leur avantage.