Salon de l'Agriculture: une visite marathon de 13 heures pour Emmanuel Macron

Comme s'il était, une fois de plus, tenté de battre son propre record. Ce samedi, à l'ouverture du 57e Salon international de l'Agriculture (SIA), Emmanuel Macron aura déambulé pendant plus de 13 heures. Un rendez-vous important, lors duquel le chef de l'État a pris l'habitude de s'entretenir avec l'ensemble des représentants d'un secteur en crise et en proie à de grandes inquiétudes face à l'avenir. En 2019, il était resté au SIA pendant plus de 14h30.
Entre les vaches et les stands viticoles, le locataire de l'Elysée a cherché une fois de plus à rassurer les professionnels bousculés par des controverses environnementales et l'échec, la veille, de négociations européennes cruciales pour les agriculteurs. "On attend des messages forts", lui ont dit d'entrée de jeu des représentants de la FNSEA, syndicat agricole majoritaire, et des Jeunes Agriculteurs.
"Rien ne doit justifier des actions contre nos paysans, rien. Et je serai intraitable sur le sujet", a assuré Emmanuel Macron.
Difficiles négociations sur la PAC
Interpellé lors de sa déambulation sur moult sujets brûlants - retraites, Politique agricole commune (PAC), pesticides, gilets jaunes, accords commerciaux internationaux, "agribashing" - le président de la République a pris le temps de rencontrer l'ensemble des exposants du Salon.
Un agriculteur l'a remercié de n'avoir "rien lâché hier soir". En effet, Emmanuel Macron est revenu vendredi de Bruxelles, où se négociait le budget de l'Union européenne pour la période 2021-2027, sans accord sur le maintien de l'enveloppe de la PAC dont il a fait sa priorité, car les 27 pays de l'Union n'ont pas pu s'entendre.
"La PAC ne peut pas être la variable d'ajustement du Brexit", a martelé devant les agriculteurs le chef de l'État, alors que l'équilibre de la profession repose largement sur les neuf milliards d'aides européennes que touche la France.
L'inquiétude des agriculteurs à la retraite
Interrogé aussi sur les retraites des agriculteurs, Emmanuel Macron a jugé "impossible" de revaloriser les pensions actuelles à 85% du Smic. Il s'agit d'une mesure prévue dans le futur système mais qui coûterait trop cher, selon le président, à appliquer aux agriculteurs déjà à la retraite aujourd'hui. Ce serait 1,1 milliard d'euros, a-t-il déclaré - si l'on inclut les pensions des retraités actuels et de leurs conjoints.
Il a néanmoins fait œuvre d'ouverture dans la foulée. "Nous devons trouver un mécanisme de financement aujourd'hui. Mais je suis tout à fait ouvert et je souhaite qu'on y travaille, et sur le sujet du stock, c'est-à-dire les retraités actuels, je ne pense pas qu'il faut le mettre dans le système des retraites, mais dans la loi de financement de sécurité sociale, on peut un peu améliorer les choses", a avancé le chef de l'État.
Aux éleveurs bovins qui tentent actuellement de développer leurs exportations pour être moins dépendants d'un acteur tout-puissant, le groupe d'abattoirs Bigard, il a lancé: "Vous êtes dans la main de Bigard (...), vous devez mieux vous organiser entre vous".
L'impact du Brexit sur la pêche française
Auprès de viticulteurs très inquiets, touchés par des sanctions douanières punitives américaines et qui réclament 300 millions d'euros de compensations pour couvrir le manque à gagner sur leurs exportations aux États-Unis, leur premier client, le président s'est engagé à "porter la demande d'un fonds de compensation auprès de l'Union européenne".
Selon Jérôme Despey, viticulteur et secrétaire général de la FNSEA, Emmanuel Macron a promis de "faire en sorte que d'ici le printemps ce fonds de compensation puisse se mettre en place". Le chef de l'État a également rencontré, en fin de soirée, les pêcheurs que le Brexit risque de priver d'une large part de leur gagne-pain.
Il les a prévenus qu'il n'était "pas sûr" de pouvoir "trouver un accord global" avec le Royaume-Uni d'ici la fin 2020, date à laquelle la période de transition post-Brexit est censée prendre fin.
"De toute façon, ça va se tendre car ils (les Britanniques, NDLR) sont très durs, c'est une carte qu'ils ont dans leur main", a estimé Emmanuel Macron. "Ce qu'on a obtenu c'est que la pêche ne soit pas sortie du mandat, mais on aura une pression" de la part des Britanniques, a-t-il ajouté.
Le gilet jaune Eric Drouet expulsé
Le locataire de l'Elysée a aussi promis de recevoir un groupe de gilets jaunes, ce qui serait une première, lors d'un vif échange avec une femme l'interpellant sur les retraites, le Référendum d'initiative citoyenne (RIC) et les violences policières.
En fin de matinée, Eric Drouet, figure historique du mouvement, a été expulsé par des policiers du Salon, sans avoir réussi à approcher Emmanuel Macron, puis placé en garde à vue pendant plusieurs heures pour rébellion avant d'être relâché.
Sujet d'actualité brûlant pour les agriculteurs, le président a été interpellé sur les zones de non-traitement (ZNT) aux pesticides près des habitations, effectives depuis le 1er janvier. Il a suggéré que les bandes de terres agricoles non cultivées en raison des interdictions d'épandage puissent à l'avenir être "valorisées", promettant que les agriculteurs seraient "accompagnés" financièrement et s'est engagé à assurer une "sécurité juridique" pour que les prochains semis se fassent "dans un cadre apaisé".
"Il nous faut une agriculture forte parce que les Français veulent savoir ce qu'ils mangent. On est dans une transformation historique", a déclaré Emmanuel Macron. "Il y a de l'impatience d'une partie de la société française (...). Mon rôle est de réconcilier tout ça".